- Moussi : « Nous « empêcherons, d’une manière pacifique et légale l’ouverture de la plénière pour la discussion du budget 2019 »,
- « Halte à tout recours à la violence ou à toute action dégradante pour les députés observant le sit-in… »
- Ghannouchi devant un dilemme : Accepter que son parti présente des excuses ou opter pour la fuite en avant ?!..
Les députés du bloc du Parti destourien libre (PDL) et sa présidente, Abir Moussi, n’en démordent pas et poursuivent leur sit-in dans la salle des plénières de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour la cinquième nuit consécutive.
Moussi a déclaré à la presse samedi soir, depuis le siège de l’ARP au Bardo, que les députés de son parti « empêcheront, d’une manière pacifique et légale, l’ouverture de la plénière pour la discussion et l’adoption du budget 2019 », dimanche si des excuses officielles du mouvement Ennahdha aux députés du PDL ne sont pas présentées.
« Nous sommes présents dans la salle des plénières et nous sommes déterminés à poursuivre notre sit-in ce soir sans violer son règlement, et nous n’avons pas non plus perturbé le processus de préparation de la salle », a-t-elle précisé en substance, estimant que ceux qui retarderont les travaux de la plénière de demain sont les « agresseurs qui refusent de s’excuser », et non pas son parti qui « a été victime d’une attaque ».
Elle a indiqué qu’elle entend poursuivre aux côtés des députés du Bloc du PDL le sit-in jusqu’à la publication d’une déclaration d’excuses officielle du bloc d’Ennahdha auquel appartient la députée Jamila Ksiksi, soulignant qu’il n’y a pas lieu de présenter des excuses réciproques, « étant donné que l’attaque a été lancée unilatéralement et de manière gratuite ».
Moussi a mis en garde contre « le recours à la violence ou à toute action dégradante pour les députés observant le sit-in », faisant assumer à la présidence du Parlement et aux autorités concernées, la responsabilité politique et juridique de leur intégrité physique.
Plus tôt dans la journée, le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a indiqué qu’il poursuivait ses efforts visant à résoudre le différend entre la députée Jamila Ksiksi, du mouvement Ennahdha, et la députée Abir Moussi du PDL.
Après cette décision et la détermination affichée par Abir Moussi et ses compagnons du Parti Destourien Libre (PDL), les observateurs ne cachent pas leur crainte de se retrouver devant une situation kafkaïenne où toute suite, dans un sens comme dans l’autre, serait préjudiciable pour la poursuite des travaux de l’ARP qui doit adopter la Loi de finances 2020 au plus tard le 10 décembre courant.
Or, les analystes sont conscients qu’après la bourde verbale de Jamila Ksiksi, l’affaire a été mal gérée par la présidence de l’Assemblée. Force est de reconnaître, comme il a été reconnu par la majorité des députés du bloc d’Ennahdha, que Jamila Ksiksi a mis les pieds dans le plat en insultant frontalement, publiquement et avec préméditation des élus du peuple.
On rappellera que les propos de la députée nahdhaouie ont été prononcés lors d’un « point d’ordre » qu’elle a réclamé, ce qui laisse entendre que le texte de son intervention était préparé et élaboré à l’avance.
Ensuite, la même députée, au lieu d’avouer son tort et de s’excuser, elle s’est entêtée à refuser de présenter des excuses considérant ses propos comme étant une simple prise de position politique tout à fait légale !
Plus encore, ses pairs d’Ennahdha ont eu une première réaction primaire de soutien inconditionnel tout en essayant de créer une opération de diversion après la publication d’un statut-caricatural présentant Jamila Ksiksi aux côtés d’un gorille, par un membre du PDL de 10ème rang sur sa page privée Facebook.
Bien entendu, cet acte est hautement condamnable, mais il est du ressort de la justice au cas où la député décide de porter plainte, mais logiquement, on ne peut en incriminer tout un parti ou son bloc parlementaire.
En tout état de cause, les choses semblent s’envenimer au vu de l’impasse qui prévaut jusqu’à présent. Les analystes sont divisés pour faire assumer la responsabilité aux uns ou aux autres. Certains estiment que le PDL et sa présidente auraient pu faire preuve de davantage de souplesse au vu de la conjoncture à savoir l’obligation pour l’ARP de finir ses débats budgétaires et d’adopter le projet de loi des finances, au plus tard, le 10 décembre comme l’exige la Constitution.
D’autres font endosser le clivage actuel à la mauvaise gestion des travaux de l’ARP dans leur globalité. D’abord, après la prestation de serment et l’annonce de la composition des blocs, Rached Ghannouchi a été complètement absent des séances plénières laissant la première vice-présente, Samira Chaouachi se démener comme elle peut en cette « fournaise » de l’Assemblée.
On notera aussi que Rached Ghannouchi est davantage préoccupé par les tractations menées par Habib Jemli en vue de composer le prochain gouvernement que par le déroulement des débats à l’ARP, confirmant, ainsi l’amalgame qu’il ne cesse de créer entre ses prérogatives en tant que chef du parti islamiste d’Ennahdha et celles en tant que président de l’ARP.
Pour revenir à ce dossier du PDL, il convient de dire que le président de l’ARP a choisi la fuite en avant, d’abord en mettant à égalité « l’agresseur et l’agressé » en les convoquant à présenter des excuses mutuelles tout en faisant assortir cette convocation d’un ultimatum si l’une des deux élues ne se présente pas à la convocation.
Premier revers pour Ghannouchi, le délai a été dépassé sans qu’Abir Moussi ne s’y présente se contentant d’une correspondance écrite rejetant ce qu’elle appelle le « diktat du président du Parlement ».
Ensuite, que peut faire le cheikh? Et il se trouve devant un dilemme : Ou il consent à la présentation des excuses revendiquées par Abir Moussi et il aura perdu la face, ou bien il poursuit la fuite en avant en usant de la force contre les élus du PDL, et ce serait alors un aveu d’impuissance et d’une incompétence dans la gestion des travaux de l’ARP.
D’ailleurs, nombreux sont les observateurs qui reprochent à Rached Ghannouchi de se comporter avec l’ARP comme il a l’habitude de le faire au sein des structures d’Ennahdha croyant que son « charisme » vis-à-vis des Nahdhaouis qui le vénèrent, peut marcher avec les élus, ce qui constituerait une grave erreur qui pourrait sonner le glas pour la bonne marche légale de l’ARP.
En tout état de cause, avec l’appel lancé par Abir Moussi à ses partisans de tenir un grand rassemblement demain matin devant le siège de l’Assemblée au Bardo, des rebondissements sont attendus tout en craignant les éventuels débordements de part et d’autre. Et la grande question qui se pose d’ici demain : Quelle orientation prendra le cours des événements et dans quelle direction se dirigera Rached Ghannouchi ?
Noureddine HLAOUI