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Claires et bénéfiques, selon les uns, « de la poudre aux yeux, juste pour amuser la galerie… », selon d’autres
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Moez Joudi : «le CDG a fustigé et menacé les grands groupes et entreprises du pays… »
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La Kasbah doit des explications sur le pourquoi et le comment de la fuite du texte des mesures à un média étranger !…
Même si les temps sont à l’union, à la solidarité et au positivisme, il est de notre devoir de mettre à l’index le discours prononcé, vendredi 20 mars 2020, par le président de la République et au cours duquel il était censé donner les détails des mesures complémentaires pour lutter contre le Coronavirus, mais franchement, il a fait l’unanimité contre lui en passant complètement à côté du sujet en cette période de crise d’ampleur mondiale.
Tout d’abord, il n’a rien annoncé à part la décision du confinement total, mais il aurait mieux fait de ne rien dire dans le sens où il a laissé tout un peuple sur sa faim : aucun détail, ni sur la durée, ni sur les secteurs d’activités concernés, ni encore sur les modalités d’application.
Il a fallu attendre le lendemain, samedi 21 mars avec l’apparition de M. Fakhfakh à 22h30 au lieu de 20h comme indiqué, sachant qu’il a laissé poireauter tout un peuple devant l’écran alors qu’au moins un média étranger a rendu public intégralement le document, cachet de la présidence du gouvernement à l’appui, comprenant toutes les décisions sans un mot de moins. La Kasbah doit à l’opinion publique et aux médias nationaux des explications sur le pourquoi et le comment de cette fuite. Motus et bouche cousue sur ce point !…
D’ailleurs le retard monstre de la sortie de M. Fakhfakh a donné lieu aux hypothèses et autres rumeurs les plus fantaisistes allant du report à l’annulation de l’allocution pour la remplacer par un simple communiqué. Ce qui aurait été mieux, en fin de compte, dans le sens où si on retient des millions de citoyens accrochés à leurs postes TV, c’est qu’on va leur faire des annonces de véritables scoops
Car, finalement, il s’agissait de mesures importantes, certes, mais qui auraient pu être lues sous forme de communiqué. A moins que l’objectif prioritaire ne soit pour dire, par la suite – comme on est en train de le crier haut et fort – qu’elles sont l’œuvre d’Elyès Fakhfakh, alors qu’en toute évidence, il s’agit du fruit d’un travail de toute une équipe. Et c’est tant mieux.
Quant au contenu, il semble avoir collecté la satisfaction générale dans le sens où la plupart des réactions à chaud ont qualifiés les décisions de claires pratiques et bénéfiques pour l’économie, pour les entreprises et pour les particuliers, même si certaines franges sociales y ont été plutôt critiques. Mais ont peut mettre cela sur le compte du fait qu’il est impossible de contenter tout le monde, surtout que la situation est, à la fois, sensible et complexe.
Mais comme je ne suis pas spécialiste en matière de finances, de fiscalité et de mangement, je vais rapporter les réactions en substance d’un expert économique et financier et d’un homme qui passe pour être un spécialiste honnête et crédible de la communication
Voici, d’abord, ce que qu’écrit Moez Joudi, président chez Institut Tunisien des Administrateurs (ITA), expert et consultant économique et financier : «le CDG a fustigé les grands groupes et entreprises du pays, il les a carrément menacés ! Alors tout d’abord, on n’a pas de grands groupes en Tunisie, on a de grosses PME. Le plus grand « groupe » dans le pays fait 3 milliards de dinars de CA, c’est-à-dire un peu plus que 900 millions d’euros, rien à voir avec des grands groupes au Maroc, en Algérie ou en Égypte, je ne parle même pas des États-Unis et de l’Europe.
Ensuite, le CDG, s’il a des soupçons ou des doutes sur l’intégrité de ces groupes, qu’il leur opère des contrôles fiscaux et qu’il vérifie leur conformité aux lois et aux règles en vigueur. Le langage de la menace et des expropriations doit cesser, c’est ce qui a ruiné le pays!
Enfin, le CDG a omis dans son discours d’évoquer les entreprises publiques qui sont en situation catastrophique notamment Tunisair qui risque cette fois-ci de ne pas se relever pour de bon de cette crise, et devait être aussi plus ferme envers les barons de la contrebande qui sont en pleine période d’investissements et d’expansion en ce moment !… »
Ensuite, Hédi Hamdi, expert en communication et consultant dans le tourisme et le transport aérien, donne un avis aussi négatif, sinon plus en s’adressant dans un style direct, au patron de La Kasbah : «Monsieur le chef du gouvernement, le Coronavirus a mis à genoux un nombre très important d’entreprises tunisiennes, vous les avez achevées par les pseudo-mesures économiques que vous avez annoncées soi-disant à leur profit. Ce n’était que de la poudre aux yeux, juste pour amuser la galerie. Et les gens qui n’ont aucune notion de management et de fiscalité ont applaudi votre discours sans détecter sa partie immergée.
Des milliers d’entreprises sont à l’arrêt complet depuis ces dernières semaines: PME dans les services, médias privés (qui continuent de travailler sans réaliser de chiffre d’affaires), agences de communication et publicité, sociétés d’événementiels. Est-il nécessaire de vous rappeler aussi ces hôtels, agences de voyages, restaurants et autres acteurs de la filière touristique qui ont fermé leurs portes par centaines et envoyé en congé leur personnel et dont la situation est très préoccupante ?
Les entreprises ne se faisaient pas d’illusions sur d’éventuelles aides directes mais attendaient au moins de la souplesse dans le paiement des échéances fiscales. Juste des reports pour garder de la trésorerie pour au moins assurer les salaires autant que possible car c’est la priorité de tout chef d’entreprise qui se respecte.
En définitive, on espérait survivre 6 mois, mais nous n’aurons finalement pas le temps d’y arriver, vous avez abrégé nos souffrances: la moitié mourra tout au plus dans 3 mois. Fin de l’histoire… ».
Noureddine HLAOUI