- Saïed ne s’est jamais prononcé officiellement sur les motifs de son veto
- Pour de simples présumés soupçons émis par « I-Watch », Saïed met tout le pays à l’arrêt !
- Pourquoi Saïed a-t-il toujours proposé des candidats n’ayant aucune chance d’être acceptés par l’ARP ?
- Mechichi refuse d’être un Premier ministre chez Saïed mais finit par appliquer les desiderata de Ghannouchi
Le premier gouvernement de Hichem Mechichi avant le remaniement ministériel était, en réalité une sorte de « deux en un » dans le sens où il était formé de deux clans divergents, l’un fidèle à son chef « légal » et l’autre portant allégeance au président de la République.
Ainsi, après la multiplication des clashes, à la limite de l’humiliation, Mechichi a cru bon de procéder à un remaniement, en apparence, pour avoir plus d’homogénéité au sein de son cabinet, mais le chef de l’Etat a pris cela comme un défi lancé par La Kasbah pour l’empêcher, de facto, d’empiéter sur son périmètre comme le lui accorde la Constitution.
Sur ce, les analystes sont unanimes à dire que Mechichi a, certes, refusé d’être un simple Premier ministre, chez le président la République, mais en fin de compte, il s’est jeté dans les bras du parti Ennahdha au point d’en devenir l’otage qui applique les desiderata de Rached Ghannouchi.
Le locataire du Palais de Carthage a recouru à la seule arme que lui permet son poste, à savoir le refus de recevoir les nouveaux ministres pour prêter serment malgré la confiance accordée par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), une confiance rendue plus confortable à cause de son comportement, la veille, lors de la réunion du Conseil de sécurité nationale.
Et voilà que dix jours sont passés et que Kaïs Saïed campe sur sa position entravant la prise de fonction par les 11 nouveaux ministres.
D’ailleurs, Hichem Mechichi a fini par accuser officiellement et publiquement Kaïs Saïed d’empêcher le déroulement normal de la gestion des affaires du pays tout en précisant que le chef de l’Etat ne lui a jamais signifié les raisons de son attitude, d’où l’annonce qu’il lui a adressé une correspondance par écrit l’invitant à recevoir les nouveaux membres du cabinet gouvernemental.
Autrement dit et devant l’intransigeance du président de la République, on est au point d’évoquer des tentatives de médiation pour désamorcer la crise. Les uns demandant aux ministres controversés de se désister alors que d’autres proposent, carrément, la démission de Mechichi. Mais personne n’a parlé de la possibilité de convaincre le chef de l’Etat d’accueillir les nouveaux ministres.
Pourtant, en 2018, et en plein milieu de clivage entre feu Béji Caïd Essebsi et Youssef Chahed, Kaïs Saïed s’était prononcé clairement en faveur de l’obligation au chef de l’Etat d’accepter la prestation de serment pour ne pas tomber dans le cas de la « violation grave » de la Constitution.
Il est légitime de s’interroger sur un point important. Il est évident que le chef de l’Etat est le garant du respect de la Constitution par tous, mais il n’est jamais dit qu’en l’absence de Cour constitutionnelle, il est l’unique habilité à l’interpréter en cas de litige. Il se trouve, dans l’état actuel des choses que le chef de l’Etat est, en même temps un ancien enseignant de droit constitutionnel sans être le plus brillant, ni le plus « compétent ».
Car, en définitive, si le président de la République n’était pas juriste, comment peut-on lui accorder cette latitude d’interpréter la Constitution ?
Et on ne le répètera jamais assez, Il est étonnant qu’un président légaliste et épris de justice, s’en tienne uniquement à des présumés soupçons émis par une association, en l’occurrence « I-Watch » dont les accusations semblent être plus déterminantes que des jugements prononcés par les tribunaux et les avis de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) !!!
Les choses étant ce qu’elles sont, il devient urgent maintenant que les deux chefs de l’exécutif communiquent entre eux et communiquent à l’opinion publique la nature exacte du blocage, car la situation économico-socio-financière ne supporte plus la persistance de cette mentalité de règlements de comptes et des démonstrations de force par les uns et les autres.
Il faut dire que ce n’est pas un hasard que ce type de clivage d’ordre procédural a vu le jour avec acuité avec l’avènement de Kaïs Saïed. Il ne faut pas perdre de vue que c’est Kaïs Saïed qui a choisi Fakhfakh et Mechichi contre le gré des partis politiques. Dans quel but ?
Etant clairement opposé aux partis et au Parlement dans le sens où il est l’auteur du « peuple veut » et où il a été toujours soutenu par des coordinations aux allures peu orthodoxes et soutenues par les Naoufel Saïed, qui s’ingère dangereusement dans les affaires de la Tunisie, et Ridha Mekki Chiheh, alias Lénine, Kaïs Saïed, a choisi, à deux reprises, le candidat qui a le moins de chances de réussir la formation d’un gouvernement.
Les milieux qui connaissent de près le chef de l’Etat, assurent qu’il a agi de la sorte et à escient, dans l’espoir que le candidat essuie un désaveu au parlement pour pouvoir le dissoudre et passer à l’étape d’élections législatives anticipées et réaliser le raz-de-marée qu’un certain entourage lui promet et prédit.
Les observateurs auteurs de ces thèses l’expliquent par cette persistance bizarre à proposer un candidat qui n’a aucune chance de réunir un consensus autour de son nom à l’ARP où les élus ont voté la confiance par peur, justement, d’une pareille dissolution leur faisant perdre leur qualité tant prisée de député.
D’ailleurs, lors de la désignation de Fakhfakh, proposé uniquement par le parti de Youssef Chahed, il aurait dit expressément à ses collaborateurs, qu’il l’avait proposée parce que, justement, il ne veut pas qu’il passe à l’ARP pour les raisons qu’on vient d’évoquer.
C’est dire que pour éviter les supputations, les extrapolations et les pertes de temps, Kaïs Saïed est appelé, plus que jamais, à tenir un discours cohérent et constructif, loin des « chambres noires, des plateformes de lancement de missiles, et de zaqqafouna ». Il est appelé à avoir un esprit pragmatique pour remettre le pays sur les rails d’un fonctionnement normal en s’astreignant au respect de la Constitution et en nous évitant ses sorties qui, à chaque fois, sèment le désarroi et les polémiques inutiles.
Les mêmes observateurs relèvent avec grand étonnement, aussi, qu’en l’espace d’un an et demi, le président de la République n’a jamais annoncé une seul décision ou pris des mesures ou autres initiatives concrètes et positives pour les Tunisiennes et les Tunisiens, mais s’est limité à des « paroles…paroles » et des mises en demeure en prenant à témoins « Dieu, l’Histoire et le Peuple… ».
En tout état de cause, ces remarques faites au président de la République ne veulent pas dire que les autres composantes du paysage politiques sont exemptes de tout reproche. Au contraire, mais ce n’est pas une raison pour que Kaïs Saïed s’en mêle dans le sens où il est logiquement le Président de tous les Tunisiens de par son rôle de rassembleur et non d’incitateur aux divisions comme il l’a fait en un an et demi. On lui dit : Basta !…Soyez positif, concret et constructif !
Noureddine HLAOUI