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Mme Stéphanie Vaddé : L’UE a vraiment besoin de comprendre ces mesures de façon plus précise, car il y a beaucoup d’opacité
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Zied Jaouadi : les autorités tunisiennes se sont trompées de cible, surtout que le mal ne vient pas des produits concernés
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Hatem Mziou : Notre crainte c’est que ces mesures vont booster le secteur informel parce qu’il se nourrit du gap financier
TUNIS – UNIVERSNEWS – Les dernières mesures relatives aux importations ont déclenché une certaine polémique, surtout concernant leur opportunité, le moment choisi, leur concordance avec la règlementation internationale et les accords de la Tunisie, avec ses partenaires, ainsi que leur impact sur les entreprises et les emplois, en Tunisie.
A cet effet, une table-ronde a été organisée par UNIVERSNEWS, vendredi 28 octobre 2022, autour de ces dernières mesures relatives aux importations, et ce, avec la participation de Mme Stéphanie Vaddé, cheffe de la section commerciale à la délégation de l’Union Européenne en Tunisie, M. Hatem Mziou, président de la chambre syndicale de la parfumerie et de la cosmétique et M. Zied Jaouadi, vice-président de la Chambre Nationale des sociétés de commerce international.
Les grands axes qui ont été discutés sont les suivants :
● Les nouvelles mesures sur les exportations et les institutions internationales et régionales (OMC et ALECA)
● L’impact de ces mesures sur les relations commerciales de la Tunisie avec ses partenaires traditionnels, surtout européens.
● Les retombées en Tunisie sur les entreprises et l’emploi.
● Les perspectives pour le commerce et les importations en Tunisie
Beaucoup d’interrogations pour l’UE …
Mme Stéphanie Vaddé a entamé le débat en confirmant que l’Union Européenne est un partenaire politique et institutionnel de la Tunisie, ce qui nécessite le respect mutuel des engagements des différentes parties et la prise de décisions réfléchies et concertées.
Selon elle, le socle de ce partenariat est le dialogue incluant un volet commercial qui régit l’échange des biens industriels entre les deux parties. Sur ce plan, il n’y a pas eu ce dialogue avec eux en tout cas préalable à l’avance de ces mesures.
Elle a dans ce sens souligné que : “ c’est un premier rappel pour dialoguer avec nous, on peut encore le faire et on souhaite le faire parce qu’on a vraiment besoin de comprendre ces mesures de façon plus précise, car il y a beaucoup d’opacité, on a vu un communiqué de presse avec l’absence d’autres textes officiels. Est Ce que c’est déjà appliqué ? Notre incertitude c’est par rapport aux objectifs, est-ce pour l’ajustement du déficit ou pour la production du consommateur ? Est-ce que c’est la question de production locale. Comment cette liste a été établie ? Est-ce que ces mesures servent finalement les objectifs ? Et ce qu’elles sont compatibles avec les accords bilatéraux et engagements multilatéraux de la Tunisie ?”.
Des mesures de protection, mais…
De son côté, le vice-président de la Chambre Nationale des sociétés de commerce international, Zied Jaouadi a commenté la situation économique mondiale, expliquant que les autorités tunisiennes se sont trompées de cible, surtout que le mal ne vient pas des produits concernés par les dernières mesures.
“Il s’agit des mesures de protection qui sont prises un peu partout dans le monde. Aujourd’hui, on assiste à une crise mondiale, tout le monde essaie de freiner l’inflation que ce soit en Europe ou en Afrique. Le déficit de la Tunisie provient principalement des prix de l’énergie, ainsi que des matières premières, comme le blé, qui ont flambé.”
Et de poursuivre : “Ces deux produits-là, on n’a pas travaillé suffisamment pour les remplacer, notamment, en s’orientant vers les énergies renouvelables. La Tunisie est un pays qui présente énormément de potentiel en termes d’énergies renouvelables. Si on avait vraiment une stratégie à court et à moyen termes, on n’aurait peut-être besoin de faire cette liste-là !”.
“Une autonomie en énergie et en matières premières aurait certainement donné une meilleure situation pour le gouvernement, en vue d’avoir au moins un déficit maîtrisable. On croit fermement qu’il faut relier, par secteur, une balance entre l’exportation et l’importation, et voir comment chaque secteur peut transformer l’importation en exportation et vice versa”, a-t-il conclu.
Le secteur informel, le seul bénéficiaire ?
Le secteur de la parfumerie et de la cosmétique a un énorme potentiel de développement et il a le pouvoir de contribuer à la croissance économique du pays. Toutefois, il est marginalisé par les autorités et accablé par une lourde fiscalité. Ce secteur fait, également, face à des obstacles techniques qui constituent des barrières non tarifaires très contraignantes. S’ajoutant à cela, ces dernières mesures “lourdes” de l’importation !
Le président de la chambre syndicale de la parfumerie et de la cosmétique, Hatem Mziou, a souligné : “ Notre crainte c’est que ces mesures vont booster le secteur informel parce qu’il se nourrit du gap financier entre le prix sur le marché et le prix avec la taxe. Ce gap financier entre le formel et l’informel est de 50 à 100% selon l’origine du produit, comme il se nourrit des barrières administratives.
Ceci est le résultat d’une pression fiscale de plus en plus forte que supporte le secteur régulier. Ce qui fait que l’informel va offrir les produits beaucoup moins chers avec l’absence de contrôle préalable !”
Il a dans ce contexte rappelé la flambée du coût de la logistique et du transport maritime qui ravivent l’inflation. Il a mis en exergue l’impact de la hausse conséquente des frais du transport maritime sur la montée de l’inflation, devenue rampante, et qui sévit actuellement dans pratiquement toutes les régions du monde.
Certes, ces produits ne concernent pas uniquement les sociétés de commerce, mais elle touche directement le citoyen. M. Mziou a précisé que ces mesures vont diminuer le flux des produits entrant en Tunisie ce qui impactera positivement la qualité des produits consommables. Le Tunisien aura des produits de bonne qualité à des prix raisonnables.
Jihen MKEHLI