Par : Jomâa Assâad*
Nul besoin d’épiloguer sur la destinée des hommes politiques, au sommet de l’Etat, sous nos cieux. A en croire les avatars de l’histoire, bien rares sont ceux qui ont bénéficié d’une heureuse fin. Aussi les lettrés parmi nos chefs d’Etat ont-ils développé au fil du siècle un syndrome particulier à nos cieux, celui de la persécution. Béji Caïd Essebsi n’échappe pas à cette sacro-sainte règle. Ne pas tenir compte de cette cruciale donnée équivaudrait à une inéluctable mésinterprétation de sa stratégie politique durant ces derniers mois.
Je m’explique.
Ne dérogeant pas aux biographies des politiciens, l’actuel président de la République, presque centenaire faut-il le rappeler, a accumulé, à force de pérégrinations, quelques cadavres dans son placard. Entrer dans leurs détails serait, à coup sûr se mettre sous le joug pénal de la diffamation, bien que des accointances avec certains intérêts pétroliers, via un cabinet d’avocats en particulier, soient désormais de notoriété publique. D’où son réflexe bien légitime au demeurant d’« assurer ses arrières ».
Or, en la matière, il n’est pas meilleurs protecteurs que les liens du sang. Et plus ceux-ci sont resserrés, plus le salut sera assuré. L’idéal serait bien-sûr de passer le flambeau à sa propre descendance. Toutefois, si tant est que celle-ci se trouve marquée de quelque tare, le moindre mal consisterait à prospecter du côté des branches cadettes.
Ce fut chose faite avec le petit neveu, Youssef Chahed, catapulté au sommet de l’Etat. Le second coup de maître de notre Bajbouj national, fort de sa déconvenue paternelle, fut de placer en orbite un second neveu de sang bleu… j’ai nommé M. Slim Azzabi. Après un stage, concluant semble-t-il, à ses côtés, mission fut confiée à ce dernier de mener le cadet Youssef (petit-neveu de feu Hassib Ben Ammar aux dernières nouvelles) à bon port.
Aussi ne soyez nullement étonnés de voir Si El Béji faire preuve d’autant de mansuétude, voire de bienveillance, à l’égard de son protégé, Monsieur Youssef Chahed, bien qu’il ait, tous ceux qui l’ont côtoyé vous le confirmeront, la dent plutôt dure…
N’est-ce pas mesdames Ben Sedrine, Abbou et consorts ? Sa répartie à l’occasion du congrès de «Nidâa », loin d’être une lubie de nonagénaire, s’inscrit parfaitement dans sa logique de président de la République en passe de quitter la scène : veiller à bien assurer ses arrières. Or, en digne descendant de Bourguiba, il est mieux placé que quiconque pour savoir que nos pieux islamistes sont bien loin d’être dignes de foi. L’on n’est conséquemment jamais si bien servi que par soi-même, ou, à défaut, par sa proche famille.
Pour peu que l’on décrypte la haute voltige de notre trapéziste national selon la grille de lecture ci-dessus grossièrement, pour les besoins de la cause, schématisée, et les circonvolutions de notre contorsionniste en chef nous apparaîtraient moins facétieuses. Unique fil conducteur de ses ultimes actes politiques, et en ceci, du moins, il est resté fidèle disciple de Bourguiba : Réflexe de l’instinct de survie… historique.
* Universitaire