- Elections : La neutralité et la transparence exigent que tous les candidats soient sur le même pied d’égalité
- Tout plaide pour la mise en place d’un cabinet de gestion des affaires courantes
Un fait, anodin et routinier en d’autres temps, est venu troubler la vie publique et créer mille et un points d’interrogation suite au limogeage du gouverneur de Sfax, Adel Khabthani, par un samedi après-midi, ce qui confère à pareille décision, normalement et logiquement, un caractère urgent et grave. Pourquoi ?
Avant d’essayer d’y trouver une réponse, il est utile de rappeler que la vie, en général, et celle politique, en particulier, sont régies par des règlements et des valeurs, par des lois et par une éthique morale.
D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, le gouvernement en place a proposé la mise en place d’une charte pour moraliser la vie politique et partisane. Sans oublier que les fameux amendements proposés pour modifier la loi électorale étaient mus, selon leurs auteurs, à savoir le gouvernement, par des considérations d’ordre moral.
« Même si la loi n’autorise pas de pareils amendements de la loi électorale à la 90ème minute, la morale veut qu’on y remédie à tout moment », disait Iyad Dahmani, porte-parole officiel du gouvernement.
Cela paraît logique, mais à condition que ce soit une règle générale et non pas juste une démarche marquée par l’esprit des deux poids, deux mesures. Bien entendu, La Kasbah va rétorquer que le chef du gouvernement applique ses prérogatives et que la loi l’y autorise.
La loi l’autorise à se maintenir à la tête du gouvernement même s’il est candidat à la magistrature suprême ou à la députation… La loi l’autorise à poursuivre ses activités habituelles puisque personne ne peut prouver que cela créerait un amalgame avec sa qualité de candidat aux prochaines échéances électorales…La loi l’autorise à nommer et à limoger n’importe quel ministre ou autre haut responsable à tout moment. Rien dans les textes de loi ne définit la nature de l’exercice lors de la période électorale.
Ceci est valable pour tous les sept autres membres du gouvernement qui sont candidats aux législatives. Mais si, Abdelkrim Zbidi et Fadhel Mahfoudh ont annoncé leur décision de démissionner, il n’en est rien pour les autres qui, au contraire, annoncent, publiquement qu’ils s’attachent à leurs postes tant que la loi les y autorise !
Or, l’exploitation des moyens de l’Etat ne se limite pas, comme se targuent à le crier sur tous les toits, les Iyad Dahmani et ses co-équipiers, à l’usage des bus et des voitures, mais à bien d’autres aspects dont notamment ceux de l’autorité morale.
Et là, on en revient au derniers cas de limogeage du gouverneur de Sfax qui fait soulever des doutes et des soupçons et ouvre la porte à toutes les rumeurs et les interprétations. Certains évoquent un règlement de comptes, d’autres parlent de calculs électoraux étroits sans oublier ceux qui parlent d’une « punition ».
Pourtant, la logique et la morale veulent et exigent, qu’en cette période délicate, le chef du gouvernement est appelé à motiver sa décision de limogeage afin de couper courts aux supputations qui, faut-il le rappeler, sont très nombreuses sur les réseaux sociaux dont certaines sont plausibles.
Il faut dire que pour les décisions du même genre, le chef du gouvernement a, souvent, préféré garder le silence. Mais, cette fois-ci, les circonstances sont différentes et spéciales d’où la « nécessité morale » de rendre publiques les explications l’ayant amené à une pareille mesure.
Et puis, force est de constater que les voix sont de plus en plus nombreuses à s’élever pour appeler à la démission du chef du gouvernement et de ses ministres candidats aux législatives et de mettre en place un cabinet de gestion des affaires courantes afin que l’opération électorale se passe dans un esprit de neutralité, de transparence et à pied d’égalité pour tous.
En effet, personne ne peut garantir, dans de pareilles circonstances, l’absence des dérapages et autres éventuelles « entorses » à l’éthique morale. D’ailleurs, certains pensent que les choses vont dans ce sens et la prochaine réunion du Conseil des ministres du mercredi, présidé par le président de la République, Mohamed Ennaceur, en présence de Youssef Chahed, chef du gouvernement, pourrait débattre et aboutir à cette configuration.
Il faut dire que la nécessité de trancher devient impérative étant donné les délais courts nous séparant des échéances électorales.
Une autre question se pose à ce propos. S’il est compréhensible qu’aucune voix ne s’est élevée dans ce sens chez le parti du gouvernement, Tahya Tounès, il est étrange qu’aucune personnalité du parti islamiste n’a réclamé en public la démission du chef du gouvernement alors qu’il était le seul à réclamer une telle exigence de la part de Chahed s’il veut se présenter à la présidentielle !!!
En tout état de cause, si le chef du gouvernement veut éviter cette étiquette lui reprochant d’agir selon le mode des passages en force et d’imposer les faits accomplis sur la base de la « loi autorise… », il ne lui reste que suivre le bon sens et de descendre de son piédestal et de se mettre au même niveau que tous les autres.
Il y va de la réussite du processus démocratique qui reste encore précaire et susceptible d’une éventuelle rechute si les uns et les autres continuent à faire privilégier la manière forte loin de toute valeur morale car la réalité a prouvé que les textes de loi sont truffés de brèches et de lacunes. En attendant d’y pallier, il est important de ne pas en profiter et de suivre, plutôt, la probité, l’intégrité et la transparence…
Noureddine HLAOUI