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Les modernistes prennent conscience, enfin, que c’est leur dispersion qui faisait la force d’Ennahdha
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El Karama est un groupe hétéroclite composé d’anciens membres des tristes défuntes LPR et d’opportunistes hétérogènes
Dernier pays arabe à servir de bastion de l’Islam politique, ou comme les modernistes se plaisent à le qualifier, à juste tire, de « Ikhwene », la Tunisie est en train de perdre ce « triste » titre avec le camouflet retentissant subi par le parti islamiste d’Ennahdha, dans la soirée du vendredi du 10 janvier 2020 à l’issue d’une séance plénière marathonienne à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui a refusé de voter la confiance au gouvernement formé par Habib Jemli, « poulain » d’Ennahdha et plébiscité par son conseil de la choura.
La chute a été tellement fracassante que cette première du genre a été associée à tous les attributs, à savoir : séisme… « latkha » (chute trop lourde)… historique… fin… et on en passe. En effet, ce revers est tellement inhabituel et à la limite de l’inimaginable que la Tunisie s’est endormie et réveillée sans parvenir à réaliser ce qui est arrivé.
D’ailleurs, Rached Ghannouchi ne croyait pas ses yeux en lisant le résultat du vote en confondant le 71 pour le gouvernement avec 171 ! En effet, c’était trop vrai pour être vrai.
Et avant de passer aux projections sur le futur et sur les retombées d’une pareille débâcle d’Ennahdha, il est utile de s’arrêter sur la chronique de ce vote négatif auquel les analystes s’y attendaient durant les dernières 24 heures précédant la plénière, mais n’osaient y croire avant que ce ne soit effectif.
Après l’annonce des noms des membres de l’équipe gouvernementale proposée, on a réalisé qu’il s’agissait de ministres et secrétaires d’Etat, dits indépendants, mais à plus de 80% de Nahdhaouis ou apparentés à ce parti. Et malgré la persistance de M. Jemli et d’Ennahdha à les qualifier d’indépendants, la conviction, preuves à l’appui, était là.
Sans parler des présumés soupçons de corruption pesant sérieusement sur nombre des ministres proposés. Et là, le chef du gouvernement chargé a mis les pieds dans le plat en réclamant, d’abord, le vote de confiance tout en promettant de s’en séparer des membres mis en cause !
Ensuite, il y a eu les bruits quant à la nouvelle orientation de Qalb Tounès de vers le refus de vote de confiance au gouvernement. Mais personne n’y croyait en assurant que le « Cheikh » saurait venir à bout de cette réticence comme il en avait l’habitude.
Mais la réconciliation annoncée entre Nabil Karoui et Youssef Chahed faisait transformer les doutes en des convictions. Mais comme c’était trop « beau » pour être vrai, le suspense durait jusqu’au bout, aidé en cela par la partie de bluff menée par Ennahdha et Habib Jemli en personne qui affirmaient que le gouvernement allait passer car des divisions et des fissures marquaient les rangs des partis.
En optant pour cette tactique, Jemli et son protecteur Ennahdha, ne faisaient qu’enfoncer les pieds dans le plat puisqu’ils ont durement critiqués et accusés d’être tombés dans les abîmes de la « bassesse » contraire à toute éthique morale dans l’action politique.
Des députés n’ont pas hésité à accuser des parties d’Ennahdha et d’El Karama de procéder à des actes de « chantage » et de tentatives d’achat de voix, Samia Abbou étant allé jusqu’à lancer ces accusation en pleine plénière.
Dans une ultime tentative et à peine quelques minutes avec le moment fatidique du vote, le Cheikh a invité Nabil Karoui à passer le voir à son bureau. S’y rendant, il trouva M. Jemli, et tous deux, lui auraient proposé de voter pour le gouvernement contre des promesses que nus préférons taire tellement elles étaient « indécentes ». Mais, heureusement, elles ont été déclinées par un « triple non » de M. Karoui.
La suite, on la connaît avec le score sans appel de 134 contre le gouvernement proposé qui n’a récolté qu’un maigre 72, ce qui donne une idée du poids, devenu trop léger, du groupe islamiste formé par Ennahdha et le groupe hétéroclite d’El Karama formé d’extrémistes anciens membres des tristement défuntes ligues dites de protections de la révolution et d’anciens apologistes des terroristes, dont les Maher Zid, Seifeddine Makhlouf, Rached Khiari, Ridha Jaouadi, sans oublier l’ex-cadre de la sécurité présidentielle et pur produit des services de renseignements du temps de Ben Ali, Yosri Dali, devenu, comme par enchantement, un dur des durs de ce mouvement.
En tout état de cause, l’Islam politique est en perte vitesse irréversible, malgré la manne d’argent à gogo, sachant que des procès ont été intentés contre lui à propos de « ses sources d’argent trop douteuses » dont notamment celui mené par la présidente du PDL, Abir Moussi, avec suffisamment de preuves, selon ses dires, pour ouvrir une enquête crédible, mais aucun de ces dossiers n’a connu une suite concrète, «à cause des décisions incompréhensibles du ministère public », affirme encore Abir Moussi.
D’ailleurs, ce vote négatif pour le gouvernement proposé, a prouvé la possibilité pour la famille démocratique et moderniste de renverser la vapeur et de reprendre sa place au devant de la scène politique si ses leaders dépassaient leur alter ego et se présentaient en rangs serrés puisqu’il d’avoir la preuve par Dix qu’Ennahdha dominait le paysage à cause de leur dispersion et de leurs divergences internes.
C’est dire qu’une prise de conscience s’impose pour qu’ils s’assoient à table et discutent sérieusement tout en mettant en avant ce qui les unit…
Noureddine HLAOUI