TUNIS – UNIVERSNEWS (Santé) – La santé mentale peut se définir comme une disposition qui permet à chacun de ressentir, de penser et d’agir de manière à jouir de la vie, à faire face aux difficultés du quotidien et à contribuer à la vie de sa communauté. La santé mentale, c’est bien plus que l’absence de maladie ! C’est aussi tout ce qui contribue à notre bien-être, joie de vivre, optimisme, estime de soi, épanouissement, etc… C’est un état complet de bien-être physique, mental et social.
De plus, la joie, la souffrance ou la maladie ne sont pas des états figés et fluctuent tout au long de la vie. L’équilibre entre ressources (ce qui nous procure du bien-être) et stress (ce qui nous prend de l’énergie) est primordial pour se maintenir en bonne santé mentale. Notre santé mentale est influencée par un certain nombre de facteurs génétiques et par notre capacité à gérer nos émotions, c’est un fait ! Mais elle est aussi et surtout influencée par nos conditions de vie. Environ 60% de notre état de santé général est déterminé par notre environnement socio-économique et le contexte sociétal dans lequel nous vivons. De la même façon que pour la santé physique, de nombreux facteurs à la personne influencent notre santé mentale. Ainsi, le revenu, le logement, l’emploi, les dettes, la vie sociale mais aussi l’environnement urbain ou la politique sociale et économique d’une communauté, ont une grande influence sur le bien-être social et la santé mentale à un niveau individuel … mais aussi collectif ! De ce fait, nous ne sommes pas seul·es responsables de notre santé mentale.
Un sondage qui inquiète. 27% des Tunisiens, âgés de 18 à 29 ans estiment que leur santé mentale est mauvaise, voire très mauvaise. C’est ce qui ressort d’une étude de l’ONG International Alert , qui a ciblé 1.250 jeunes, hommes et femmes, dans les quartiers populaires de Kabaria, Kasserine Nord et Tataouine Nord. La santé mentale est un véritable problème de santé publique. En Tunisie, une personne sur quatre est touchée par la dépression. Un Tunisien sur deux présente au moins un signe relevant d’une mauvaise santé mentale, allant du simple tic nerveux à l’état d’anxiété ou à la dépression. Les troubles mentaux sont souvent méconnus en Tunisie. On en parle peu et on y accorde peu d’importance. Ce n’est que ces dernières années que des termes, nouveaux pour la société tunisienne, ont émergé. Depuis 2011, on parle de dépression, de bipolarité, de schizophrénie, de burnout, de dépression postpartum, de personnes narcissiques, de perversions. Les Tunisiens ne vont pas bien.. En effet, les pressions de la vie, comme le chômage, la paupérisation et les difficultés familiales font augmenter le risque de subir des troubles mentaux tels que la dépression, l’alcoolisme et le suicide.
Mieux vaut prévenir que guérir
Il n’y a pas qu’une ligne de défense contre les troubles mentaux. On devrait plutôt parler « des » préventions : primaire, secondaire et tertiaire. Comme on vient de le présenter, le premier volet de la prévention consiste à empêcher la maladie en agissant sur les facteurs de risque évitables La diffusion de l’information et la communication en étant des acteurs majeurs. Le deuxième volet de la prévention vise à dépister et à diagnostiquer le trouble dès les premiers symptômes pour en réduire les conséquences néfastes. Un autre volet essentiel à la prévention est l’éducation à la psychologie et aux neurosciences. Tous les membres de la société (décideurs publics, entreprises, organismes communautaires, citoyens) peuvent agir afin de promouvoir la santé mentale et de prévenir l’incidence des problèmes de santé mentale. Ensemble, nous pouvons agir pour que notre société offre les conditions optimales à une bonne santé mentale pour tous. Sur le plan économique, une population en bonne santé mentale constitue une ressource collective. Le XXIe siècle est celui de l’avènement de la prévention en santé mentale : on tente d’éviter que des symptômes psychiatriques ou psychologiques n’apparaissent ou ne s’installent durablement chez tout un chacun. Les bénéfices sont déjà au rendez-vous. Mais il y a encore du chemin à parcourir…
Les familles comme partenaires de soins
Le soutien moral apporté par leur famille est primordial. Le simple fait de savoir qu’il y a des personnes qui se soucient de leur bien-être facilite leur rétablissement. Cela peut se traduire par des gestes concrets, comme des visites à l’hôpital ou des appels téléphoniques. La famille est aussi d’un grand apport pour les patients pour comprendre leur maladie ou les encouragements prodigués pour qu’ils continuent leurs traitements. Des gestes plus pratiques pourraient contribuer à leur rétablissement. La famille représente une motivation pour se soigner. Pr Riadh Bouzid, psychiatre estime que l’’entourage d’une personne souffrant d’un trouble mental est important à considérer sur deux plans. « L’entourage est d’un apport important pour les soins et la prise en charge de la personne souffrant d’un trouble mental. Il est essentiel de construire avec eux une alliance thérapeutique et de les impliquer dans les soins et la prise en charge. Peu importe l’âge d’une personne, il est important qu’elle soit bien entourée de sa famille et/ou de ses amis. Toutefois, cet aspect est encore plus important en vieillissant, parce qu’il contribue au maintien et au développement de saines habitudes de vie. La santé mentale, c’est comme la santé physique, il faut, au quotidien, poser des petits gestes pour l’entretenir ou l’améliorer. L’entourage et la famille sont une belle source d’entraide lorsque vous vivez des moments difficiles, il regorge de personnes à qui vous confier. Le fait d’avoir une famille et un réseau social proche de vous peut vous aider à vous sentir utile. Il est important de souligner l’apport inestimable des membres de l’entourage d’une personne vivant avec un trouble de santé mentale. On oublie trop fréquemment leur contribution dans le rétablissement des gens touchés par la maladie mentale. Il peut s’agir d’une mère, d’un père, d’une sœur, d’un frère, d’un conjoint, d’une fille ou d’un fils, ou encore d’un collègue de travail. En second lieu, cet entourage peut être lui–même en souffrance qui ont besoin d’être écoutés, soutenus et soulagés » dit-il
Entre stigmatisation et incompréhension
Certains patients affirment se sentir stigmatisés ou incompris au sein de leur famille, ce qui constitue un obstacle à leur rétablissement. Senda révèle que sa fille l’évite pour ne pas être associée à sa maladie. Elle ne veut pas que ses amis sachent que sa mère est malade. Pour Riadh Bouzid « La maladie mentale demeure un sujet tabou. Effectivement, les troubles mentaux sont stigmatisés, autant les patients, que les maladies, que les médicaments, que les soignants, les psychiatres entre autres, que la famille. Ils sont tous victimes de ségrégation, rejet et ostracisme. A la base de cette stigmatisation, on trouve la peur et l’ignorance. Ignorance de la nature des troubles mentaux, de leurs traitements et des souffrances endurées par les patients. Cette stigmatisation est préjudiciable aux patients, à leur entourage et à la société. Une stigmatisation qui, en plus de nuire à la prise en charge des patients, à leur accès aux traitements et à leur réinsertion, freine l’implantation de stratégies de prévention. Il est urgent de lever les tabous sur ce sujet, de déconstruire nos peurs et nos angoisses pour prendre la santé mentale au sérieux, changer de paradigme et créer les synergies nécessaires entre structures de soin et associations de soutien, et surtout en parler publiquement à nos concitoyens pour que chacun prenne conscience de l’importance de la santé mentale dans notre quotidien et participe à cette nécessaire déstigmatisation de la psychiatrie. » (M.S)