-
Un cadre de réforme plus élargi englobant un mode de gouvernance de la politique monétaire.
-
Le projet de révision de la réglementation des changes sera conduit dans le cadre d’un « policy mix ».
-
Le projet de réforme monétaire et des changes de la BCT est appuyé par un soutien technique et financier ciblé du FMI.
« Règlementation des changes : assouplissement progressif ou libéralisation totale ? », tel est le thème de la conférence-débat organisée, hier, par l’ATUGE.
Participant à cette rencontre, Marouane El Abassi, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) est revenu, de prime abord, sur les révisions majeures de la réglementation des changes, et ce, depuis le début des années 1990. Il a rappelé, en ce sens, la libéralisation des paiements relatifs à la quasi-totalité des opérations courantes, la liberté totale à l’entrée et à la sortie des devises pour les IDE dans les secteurs productifs, ainsi que la liberté très avancée pour les résidents au titre des opérations financiers et en capital, outre la possibilité de détenir des comptes en devises et d’y loger toutes les recettes en monnaies étrangères.
Principales causes pour réclamer une refonte radicale de la réglementation des changes
Néanmoins, les opérateurs économiques ont toujours réclamé une refonte radicale de la réglementation des changes, voire même son abandon, pour des raisons multiples. M. El Abassi a souligné, à cet égard, que depuis la refonte structurée de 1992, la réglementation des changes a été révisée par coup-à-coup, ce qui a donné, d’après lui, un texte final complexe présentant des discordances et beaucoup d’équivoques.
Pour la BCT, elle a mis en place un système d’information partiel et non intégré lui permettant de suivre avec exhaustivité les flux entrants et sortants en devises afin d’identifier les malversations et gérer avec célérité les demandes d’autorisation.
De leur côté, les banques n’ont pas suffisamment investi dans la formation de leurs cadres sur la réglementation des changes, ce qui a encombré la BCT par des demandes d’autorisation sans objet ou tout simplement en dossiers d’opérations libres et non assujettis à l’autorisation de la BCT.
Aussi, l’institut d’émission, en assurant son rôle de contrôle et de suivi, est devenue la cible des groupes d’intérêt qui ont cherché à faire d’elle et de la réglementation des changes les deux causes qui astreignent les libertés financières extérieures, et par conséquent, l’accès à l’opportunité et à la richesse tant pour les individus que pour le pays. Or cela est, selon M. le gouverneur, totalement faux.
La Tunisie est-elle actuellement prête pour la libéralisation totale ?
Marouane EL Abassi a annoncé que les préalables à la libéralisation totale des relations commerciales et financières de la Tunisie avec l’extérieur et, donc, l’abandon du contrôle des changes, sont à la fois simples à recenser, mais très difficiles à parfaire.
Il s’agit, selon ses dires, de déficits jumeaux (déficit budgétaire et déficit courant) soutenables, d’un endettement public soutenable, d’une politique monétaire efficiente capable d’influencer les anticipations inflationnistes ainsi que d’un système bancaire solide aguerri à la gestion des flux de capitaux et des risques afférents. Il s’agit aussi d’un niveau de réserves en devises confortable permettant à la BCT d’intervenir pour réguler la liquidité du marché et défendre la valeur de la monnaie nationale.
Par ailleurs, M. El Abassi fait savoir que l’expérience mondiale a montré que la libéralisation extérieure totale d’un pays pourrait entrainer des dérapages économiques et financiers lourds de conséquences en cas de décisions précipitées. Et il a affirmé que dans le cas de la Tunisie, la BCT n’a pas cessé d’évoquer ces problèmes et de mettre en garde contre les risques d’une libéralisation extérieure précipitée et mal-ordonnée.
En fait, s’il perdure, l’état de transition politico-sociale et économico-financière, risque de maintenir les préalables de la libéralisation extérieure totale dans un état détérioré et donc insuffisant pour garantir une transition définitive à la convertibilité totale du dinar.
Quelles solutions ?
Pour résoudre ce dilemme, le Gouverneur de la BCT a estimé qu’il s’agit, désormais, d’un cadre de réforme plus élargi englobant un mode de gouvernance de la politique monétaire à travers le ciblage explicite de l’inflation et la mise en place d’un dispositif de surveillance macro-prudentielle efficient capable de prévenir les risques et les crises systématiques.
Également, le projet de révision de la réglementation des changes sera conduit dans le cadre d’un « policy mix » élargi impliquant la politique monétaire et la politique macro prudentielle.
Finalement, il a précisé que la BCT a fait le choix fort d’appuyer son projet de réforme monétaire et des changes par un soutien technique et financier ciblé du FMI, pour accompagner les séquences de réforme et de libéralisation les plus délicates, vu les risques qu’elles peuvent occasionner en termes de dérapages financiers et de crises systémiques.
M.N.