- Ne mettez pas la charrue devant les bœufs. Ne croyez pas qu’en venant à Washington, vous pourriez repartir avec un accord…
- Le FMI attend un programme de réformes détaillé de la part de La Kasbah
- Aucun accord ne sera possible si la crise institutionnelle perdure au plus haut niveau de l’État
Par Radhi MEDDEB
Après la publication de la réponse de la Directrice générale du Fonds monétaire international au chef du gouvernement tunisien, Hichem Mechichi, l’éminent économiste et financier, Radhi Meddeb a rendu public, aujourd’hui dimanche 25 avril 2021, sur sa page officielle Facebook, un post dans lequel il réagit et répond à cette lettre tout en faisant des commentaires, des propositions et
« Les médias tunisiens viennent de rendre publique la réponse de la Directrice générale du FMI à la requête que lui a adressée le chef du gouvernement pour l’appeler au secours de la Tunisie et de ses finances publiques.
Nous apprenons ainsi que:
- Le chef du gouvernement a adressé une requête au FMI en date du 19 avril. Nous ne le savions pas. Le peuple tunisien n’en a pas été informé. Pourtant ce n’est ni un acte banal ni un acte mineur. Est-ce que président de la république en a été informé? Est-ce que le président du parlement le savait?
- La requête était signée du chef du gouvernement. Ce n’est pas l’usage. La règle veut qu’elle soit signée du ministre des finances et du gouverneur de la banque centrale. Ce n’est d’ailleurs pas une question de formalisme mais la requête doit expliciter la politique économique et monétaire des autorités tunisiennes sur les années à venir. Sa signature par le chef du gouvernement relève de deux hypothèses : soit il a voulu insister sur le caractère politique et non technique de la démarche, soit l’un ou l’autre ou les deux supposés signataires ont préféré que ce soit le chef du gouvernement qui assume la responsabilité de la requête.
- Le chef du gouvernement semble avoir retenu dans sa requête l’ensemble des recommandations émises par les équipes du FMI lors de leur mission de décembre 2020-janvier 2021 relative à l’examen de la situation tunisienne au titre de l’article IV des statuts du FMI. Il a donc adopté la position du “Bon Elève” qui ne se fera pas refuser la récompense.
La réponse de la directrice générale n’en est pas moins édifiante. Après les remerciements et encouragements d’usage, elle rappelle certains principes:
- Si nous sommes d’accord sur les grandes lignes, nous attendons votre programme de réformes détaillé
- Ce programme que vous nous proposerez devra faire l’objet d’une évaluation par les équipes techniques du Fonds. Sa cohérence, sa faisabilité et son appropriation doivent être testées.
- Si tout cela était avéré, un accord pourrait se mettre en place.
Elle insiste alors sur l’aspect assistance technique et formation.
En clair:
- Ne mettez pas la charrue devant les bœufs. Ne venez pas à Washington dans les prochaines semaines avant de nous avoir présenté un programme détaillé et crédible. Ne croyez pas qu’en venant à Washington dans l’état actuel des choses, vous pourriez repartir avec un accord.
- Ne croyez pas qu’un éventuel accord avec le Fonds réglera tous vis problèmes. Nous serons là pour vous appuyer, vous assister et vous former. Mais ce que nous vous apporterons en argent ne répondra que très peu à vos besoins.
Deux derniers commentaires qui ne peuvent pas venir de la lecture de la lettre du FMI:
- L’acceptation des conditions du FMI permettra peut-être, après une cure sévère d’austérité inévitable, d’améliorer la situation des finances publiques et des grands équilibres macro financiers. Elle ne permettra pas d’améliorer le quotidien des tunisiens, d’impulser la confiance, l’investissement, la création de richesses et le retour de l’espoir.
- Aucun accord ne sera possible si la crise institutionnelle perdure au plus haut niveau de l’État.
La Tunisie a besoin d’une politique économique et financière inclusive qui permette à chaque tunisienne et tunisien d’être partie prenante au processus de développement et de création de richesses.
L’inclusion doit être le dénominateur commun de toutes les politiques publiques.
Le redressement de notre industrie, de notre agriculture et de nos services à haute valeur ajoutée doit être une priorité nationale. Des stratégies sectorielles ambitieuses doivent être définies et mises en œuvre sans délai.
La bureaucratie doit reculer, les situations de rentes aussi.
Nous devons assumer d’être des citoyens du XXIème siècle, globaux, performants et solidaires.
Rien de cela n’a sa place dans des échanges austères, mais aujourd’hui incontournables, avec des institutions financières internationales. C’est là, la dimension politique du développement et l’ambition que nous devons avoir pour la Tunisie »
R.M