
Tunis, UNIVERSNEWS (Démographie) – Le nombre de naissances recule chaque année en Tunisie. Les familles reportent les naissances. Par ailleurs, la société évolue, et les couples veulent tout simplement moins d’enfants. En 1960, le taux de fécondité en Tunisie était de plus de 6.9 enfants par femmes. Dans les années 90, ce taux a été quasiment divisé par deux (3.47 enfants). Il a de nouveau spectaculairement baissé au début des années 2000, avant de légèrement augmenter et se situer entre 1,6 et 1,7 en 2023. Ces statistiques nous rapprochent de celles enregistrées en Europe.
Parmi les personnes interrogées, un couple, qui vient d’avoir son premier enfant, explique qu’il n’en aura pas plus de deux. «À l’époque de nos parents ou de nos grands-parents, la conjointe restait plus souvent à la maison. On a tous les deux une activité professionnelle et avec trois enfants ça risque d’être trop compliqué», expliquent-ils. Une autre passante a également confié ne plus vouloir de bébé, car dit-elle «Cela coûte cher. Les frais destinés aux enfants sont en nette augmentation». C’est pourquoi la chute enregistrée en 2024 est sûrement liée au fait que des couples ont reporté leur projet, en attendant des conditions plus propices. L’inflation persistante et les contraintes professionnelles pourraient ainsi les avoir poussés à patienter.
Pourquoi moins de bébés par femme ?
Cette tendance « peut être due à des raisons économiques mais aussi à des modes de vie qui changent et des choix personnels. L’origine de cette baisse se trouve une somme de facteurs, tous plus ou moins liés à l’émancipation de la femme tunisienne. Parmi les causes immédiates, la hausse de l’âge moyen du mariage joue un rôle central. Dans les années 1980, une femme se mariait autour de 21 ou 22 ans. Aujourd’hui, cet âge est monté à 25 ans en moyenne voire plus.
110.119 mariages ont été contractés, en 2013, contre 64 mille 822 entre janvier et novembre 2023. Le taux de célibat a progressé. C’est le cas particulièrement en milieu urbain, où les contraintes économiques et sociales, telles que le chômage des jeunes, le coût élevé de la vie et l’accès difficile au logement, pèsent de tout leur poids et influencent fortement les choix individuels. En 2013, le nombre des unions matrimoniales des hommes âgés entre 30 et 34 ans était plus de 36 mille. En 2021, ce chiffre a atteint plus de 23 mille. Idem pour les femmes.
Deuxième facteur : la généralisation des moyens de contraception. Aujourd’hui, plus de 70% des femmes ont recours à des méthodes contraceptives, contre moins de 20% dans les années 1960. C’est ce qui explique le glissement de l’âge auquel les femmes commencent à faire des enfants. Si, auparavant, les femmes commençaient assez jeunes, elles ont tendance désormais à avoir leur premier enfant plus tardivement. Ce phénomène a débuté il y a une trentaine d’années. Sans oublier la généralisation de la scolarisation et l’allongement de la durée des études chez les femmes et, autre élément-clé, la baisse de la mortalité infantile qui a éliminé le besoin, autrefois courant, d’avoir plusieurs enfants pour compenser les décès. L’enchaînement de crises, qu’elles soient économiques, climatiques ou géopolitiques entraîne vraiment une espèce de remise en question du fait d’avoir des enfants et surtout du nombre d’enfants. Ce taux reste préoccupant, notamment avec des conséquences à long terme sur le renouvellement des générations
Inquiétudes sur l’économie
Les changements observés dans la natalité, la structure familiale et la composition par âge de la population reflètent des transformations profondes de la société tunisienne. Une baisse de la natalité inquiète car elle a pour conséquence un vieillissement de la population, ce qui est associé à une perte de dynamisme de l’économie. Ces évolutions, à la fois défis et opportunités, nécessiteront des réponses politiques et sociales innovantes pour assurer un développement harmonieux et durable du pays dans les décennies à venir. À cet égard, des exemples internationaux peuvent également inspirer la Tunisie dans le cas d’une baisse radicale à l’avenir. Ainsi, en Corée du Sud, où le taux de fécondité est inférieur à un enfant par femme, des politiques proactives, telles que des soutiens financiers aux familles et des congés parentaux prolongés, ont été mises en place. Au Japon, où les femmes ont en moyenne 1,3 enfant, le gouvernement a poussé sa population à se reproduire. De son côté, les gouvernements mexicains ont cherché à réduire les disparités entre les zones urbaines et rurales afin d’encourager la natalité. (M.S)