TUNIS – UNIVERSNEWS – Les prix des moutons ne cessent de connaître une flambée insoutenable comme à l’accoutumée. Beaucoup de spéculation a entouré cette année le prix du mouton de l’Aïd. Les gens attendent les deux derniers jours pour acheter leur mouton. Cependant, de l’avis des professionnels du secteur, les prix n’ont pas baissé. Chaque jour, du matin au soir, les places de vente des moutons se déploient et s’animent. Vendeurs et revendeurs présentent une gamme variée, allant de l’agneau jusqu’au bélier.
A Nabeul, Korba, Menzel Témime et Beni Khalled, les prix des sacrifices augmenteront entre 30 et 40% cette année. Ils varient, selon la taille du mouton, entre 700 et 1500 dinars. Des prix qui ne sont pas à la portée des bourses modestes.
Bir Chellouf à Nabeul est un lieu réputé pour la vente des moutons depuis des décennies. La visite sur les lieux montre que le mouton de l’Aïd est loin d’être à la portée des couches populaires. Il y a plusieurs variantes de moutons dont les prix différent pour des raisons liées au poids du mouton, à sa race et au coût de son élevage.
Dans ce lieu où la vente des moutons se fait quotidiennement, puisque les vendeurs accaparent depuis des années des espaces pour exposer leur marchandise, les prix coupent court avec ce qui a été dit à propos de leur baisse imminente. D’ailleurs, dans ce sens, beaucoup de curieux qui sont venus vérifier les prix étaient déçus de la réalité du marché de l’ovin.
Les intermédiaires pointés du doigt
La hausse des prix des moutons est, selon les éleveurs, la conséquence de la flambée des prix des aliments et l’influence des intermédiaires sur la valeur commerciale. Les éleveurs justifient cette hausse par le fait qu’ils payent chaque année la nourriture du bétail importée à des prix de plus en plus élevés. Une autre raison de cette hausse des prix, la sécheresse qui frappe de plein fouet les régions pastorales sur tout le territoire national.
Ali a pointé le rôle négatif joué par les marchands occasionnels qui engrangent plus de bénéfices que le producteur et l’éleveur en revendant au prix fort les moutons qu’ils achètent. Ces revendeurs doivent être chassés de la filière «d’une manière ou d’une autre», selon lui.
La chaîne de vente des moutons, qui commence de l’éleveur jusqu’au consommateur intègre, dans bien des cas, une succession de maillons. «Il n’est pas étonnant qu’un troupeau de moutons change de main jusqu’à cinq fois avant de quitter enfin le marché. Cette pratique qui s’apparente à tout point de vue à la spéculation engendre inexorablement une flambée des prix», révèle un éleveur.
Ainsi donc, la sphère spéculative, en grande partie exacerbée par les maquignons intermédiaires a relégué, si l’on peut dire, la loi de l’offre et de la demande au second plan, à telle enseigne que la marge des bénéfices, qui ne profite pas forcément aux seuls éleveurs, est anormalement disproportionnée, si on prend bien sûr uniquement comme indices basiques le coût de revient du mouton et la demande du marché.
«Ces pratiques spéculatives ont rendu par la force des choses les maquignons pareils à des maillons forts de la chaîne commerciale des moutons. Inexorablement donc, leur influence a réussi au bout du compte à maintenir l’inflation», indique notre interlocuteur. La courbe des prix imposée par la spéculation évolue généralement en dents de scie…
Un éleveur de Korba se plaint de ne pas gagner assez. » Ce sont surtout les « Gacharas » qui en profitent. Les moutons élevés au champ se retrouvent sur le marché à un autre prix sans rapport avec leur prix d’achat. Ces intermédiaires réalisent des profits auxquels ils n’ont pas contribué. Il suffit seulement d’avoir des moyens de transport, de l’audace et le sens du négoce. Mais, les gens ne reculent pas. Ils continuent d’observer le sacrifice au prix même de l’endettement en attendant une grande échéance, les vacances scolaires, les mariages, et très prochainement la rentrée scolaire. Cela fait deux ans que je n’ai pas procédé au sacrifice. Mes enfants attendent cette année avec impatience et je ne peux pas les décevoir. J’ai commandé mon mouton pratiquement avant le mois de Ramadhan. Depuis le mois de mars, j’ai commencé à faire mes versements à un ami éleveur pour pouvoir finaliser mes paiements durant ce mois de juin. Acheter un mouton par facilité était mon unique solution», souligne ce père de cinq enfants.
M.S.