- « Cette hausse est une mesure douloureuse, mais justifiée. Il faut dire aussi que le pays vit au dessus de ses moyens »
Le Conseil d’Administration de la Banque Centrale de Tunisie a passé en revue les évolutions récentes de la situation économique, financière et monétaire, en particulier le déroulement des transactions sur le marché monétaire et sur le marché des changes ainsi que la situation de la liquidité et l’activité du secteur bancaire.
Après discussions et délibérations sur les points susmentionnés, le Conseil a insisté que toutes les parties concernées devraient redoubler d’efforts afin de contenir le déficit commercial et ses répercussions sur la balance des paiements courants, d’une part, et sur le niveau des avoirs nets en devises et le marché des changes domestique, d‘autre part.
Pour ce faire, le Conseil a souligné que la poursuite des pressions inflationnistes représente un risque pour l’économie et une menace pour le pouvoir d’achat, nécessitant une prise de mesures appropriées pour réduire ses effets négatifs et a, par conséquent, décidé de relever de 100 points de base le taux d’intérêt directeur de la Banque Centrale de Tunisie pour s’établir à 7,75%.
La BCT est bien dans son rôle
Cette troisième augmentation durant le mandat de Marouane El Abbassi, gouverneur de la BCT, suscite une polémique chez les ménages et les entreprises puisque cette hausse agira automatiquement sur le TMM qui sera encore plus élevé. Par conséquent, les tableaux d’amortissements de leurs crédits seront plus lourds.
A ce propos, Naoufel Ben Rayana, enseignant universitaire et directeur fondateur du site économique Tustex, déclare à Univers News que la BCT a bien intérêt d’agir sur le taux directeur qui est le taux de référence. Il a précisé que l’institut d’émission est bien dans son rôle avant d’enchaîner que: «nous avons une inflation qui dépasse les 7% et un taux d’intérêt directeur qui était à 6,75%, par conséquent, nous avons un taux d’intérêt réel négatif. La BCT a bien fait d’augmenter le taux directeur afin de combattre les anticipations inflationnistes. L’impact se répercutera, bien entendu sur les ménages et les entreprises puisqu’après cette nouvelle augmentation du taux directeur, mécaniquement le TMM augmentera et pourrait même dépasser les 8,5% ».
Par ailleurs, l’universitaire insiste sur le fait que la décision prise par le BCT d’augmenter davantage le taux directeur est bien justifiée et s’inscrit dans le cadre de ses tâches principales dans le but de préserver la valeur du dinar et de stopper l’hémorragie de l’inflation.
Certains disent que le taux d’inflation a diminué pour atteindre les 7,3% en janvier 2019 contre 7,5% à la fin de l’année écoulée. Cette donne, souligne l’universitaire, n’est pas juste et l’inflation n’a pas diminué : « Ce qui a été fait, c’est que l’INS a changé l’année de base de 2010 à 2015 à partir de janvier ».
« Il faut dire les choses telles qu’elles sont, le gouverneur de la BCT prévoit une pression inflationniste accrue dans les prochains mois, c’est pour cette raison qu’il a décidé d’augmenter encore une fois le taux directeur », ajoute-t-il.
Le taux de risques chez les banques s’accentuera de plus
Par ailleurs, M. Ben Rayana précise que la BCT a relevé son taux directeur car elle est dans son rôle de « supervision des prix et de maîtrise de l’inflation et de la valeur du dinar ». Ce qui reflète la situation difficile de l’économie du pays.
Concernant les banques, l’universitaire et économiste a fait savoir également que le taux de risques chez les banques s’accentuera puisqu’il y aura une probabilité que les particuliers ou bien les entreprises ne soient pas capables de rembourser leurs crédits. « On ne doit pas oublier que les banques ont un problème « flagrant de liquidité », qui est une bombe à retardement à mon avis. « Aujourd’hui, il y a des banques qui ne sont pas capables de clôturer un emprunt obligataire de 10 millions de dinars à cause du problème de liquidités », indique-t-il.
L’Etat doit mettre en place des mesures d’accompagnement pour les PME et pour l’immobilier
In fine, Naoufel Ben Rayana estime que l’origine de la crise économique n’est pas liée à la politique monétaire : « La partie monétaire est l’image reflétée de la politique économique. Cette augmentation du taux directeur est une mesure douloureuse pour les ménages et les entreprises, mais justifiée. Il faut reconnaître, ainsi, que le pays vit au dessus de ses moyens. Peut être que l’Etat doit prendre des mesures d’accompagnement à travers la mise en place des taux bonifiés pour les PME et pour l’immobilier.
N.A