TUNIS – UNIVERSNEWS Dernier développement des négociations entre la Tunisie et le FMI pour l’obtention de nouvelles facilités de paiement, le déplacement le 30 septembre 2022, à Washington, d’une délégation composée de la ministre des Finances, du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie et d’experts ayant participé à l’élaboration du programme des réformes économiques, pour poursuivre les négociations avec le Fonds monétaire international.
Selon le porte-parole du gouvernement, Nasreddine Nsibi, qui a fourni cette information, en prévision de ce déplacement, d’ultimes réunions ont groupé 400 experts sous la présidence de la Cheffe du gouvernement, pour apporter les touches finales au-dit programme.
La délégation tunisienne, qui a participera, à l’édition 2022 des Assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale (GBM) qui se tiendra, du 10 au 16 octobre à Washington, aura des discussions décisives pour l’obtention du crédit tant attendu.
Pour mémoire, depuis le début des négociations, le FMI a été très clair. Il a conditionné l’octroi du nouveau crédit à l’exécution d’un certain nombre de réformes. Au cours d’un point de presse en ligne tenue, le 19 mai 2022, Gerry Rice, le porte-parole du Fonds, en a énuméré cinq:
– réduction du déficit budgétaire à travers une fiscalité équitable,
– maîtrise de la masse salariale,
– meilleur ciblage des subventions,
– réforme profonde des entreprises publiques,
– prise d’initiatives visant à renforcer la concurrence et à améliorer le climat des affaires.
Probabilité de la conclusion d’un accord
Depuis, les informations qui ont émané soit des négociateurs (Fmi, Gouvernement tunisien), soit des observateurs (agences de notation internationales) sont globalement positives. Elles font état d’une probabilité de conclusion d’un accord avec l’institution de Bretton Wood’s.
Au niveau de la Tunisie, deux personnalités crédibles ont fait aux médias des déclarations fort optimistes. Il s’agit du gouverneur de la BCT, Marouane et Abassi et de l’économiste, Ridha Chkoundali.
Dans une déclaration faite, le 18 septembre dernier, à l’Agence Reuter, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, a indiqué que l’accord conclu entre le gouvernement et l’UGTT était un pas en avant vers la finalisation des négociations entre la Tunisie et le FMI. D’après lui le crédit porterait sur un montant entre deux à quatre milliards de dollars, soit entre 6,4 et 12.8 milliards de dinars. Le financement devrait s’opérer sur tranche durant les trois prochaines années.
Est-il besoin de rappeler ici que l’enjeu de cet accord réside dans la décision de son octroi en raison de son effet d’entrainement. « Elle va faciliter l’accès au financement du budget de l’Etat à travers des accords bilatéraux avec le Japon ou les pays du Golfe », a précisé Marouane Abassi.
D’après l’économiste Ridha Chkoundali, le dossier le plus délicat qui risque de poser problème serait celui du poids de la masse salariale dans le PIB et non dans le budget.
Aux dernières nouvelles, il semble qu’un accord ait été trouvé entre le gouvernement et la centrale syndicale à ce sujet. C’est du moins si on a bien compris les propos de Marouane Abassi. Ce dernier a déclaré à Reuter que l’accord entre le gouvernement et l’UGTT va « permettre d’avoir une vision claire au sujet de la masse salariale, durant les prochaines années et que celle-ci allait diminuer au fil du temps ».
Pour leur part, les agences de rating, Fitch rating et Moody’s n’ont pas caché, non sans beaucoup de nuances, leur optimisme quant à la probabilité de la conclusion d’un accord, d’ici la fin de l’année.
L’agence Fitch Ratings a justifié son optimisme par deux nouveautés. La première consiste en l’adoption d’une nouvelle Constitution qui permet de fournir “une base plus solide pour les élections législatives” tandis que le second a trait à l’accord signé entre le gouvernement tunisien et la centrale syndicale (UGTT). Cet accord vient renforcer « la probabilité de signature d’un accord avec le FMI », estime Fitch.
L’agence Moody’s est également montrée optimiste. Elle a perçu dans l’accord conclu entre les partenaires sociaux (gouvernement – UGTT) “d’étape clé” vers un nouveau programme avec le FMI, relevant toutefois que des “obstacles subsistent”.
Tirer les enseignements
Par-delà ces signes positifs qui annoncent une issue heureuse des négociations avec le FMI, nous ne pouvons pas nous interdire de qualifier de scandaleuse la sinistre situation dans laquelle se trouve actuellement la Tunisie par l’effet de l’incompétence de ces gouvernants.
Il n’est pas normal de constater, qu’après 66 ans d’indépendance, les gouvernants (budgétistes et monétaristes confondus) qui se sont succédé à la tête du pays n’ont pas su construire une économie solide, diversifiée et génératrice de richesses pérennes et renouvelables.
Il est inadmissible qu’aucun gouvernement n’ait osé évaluer de manière approfondie les quatre crédits que la Tunisie a obtenus du FMI, depuis l’accès du pays à l’indépendance.
La première fois, en 1964, cela s’était traduit par une dévaluation du dinar de 20%, un prêt de 14 millions de dollars et un engagement jamais tenu: «la suppression du déficit des finances».
La deuxième fois, en septembre 1986. Le dinar fut à nouveau dévalué de 20% et un Plan d’ajustement structurel (PAS) imposé à l’économie tunisienne consacrant la fin de la planification dans le pays avec comme corollaires: l’encouragement de l’investissement offshore au détriment du développement endogène, privatisation des entreprises publiques et institution d’une plus grande flexibilité dans les relations de travail (sous-traitance…).
La troisième fois ressemble aux deux premières. La Tunisie est confrontée, après le soulèvement téléguidé du 14 Janvier 2011, à une crise de ses finances extérieures. En décembre 2012, les réserves officielles sont tombées à l’équivalent de 94 jours d’importation, et la signature tunisienne, très dévaluée sur les marchés financiers internationaux, ne lui permet plus d’y «sortir», c’est-à-dire d’y lancer des emprunts obligataires, comme c’était possible avant janvier 2011. Les deux seuls emprunts réalisés en 2012 n’ont été possibles qu’avec la garantie officielle des trésors américain et japonais.
La quatrième fois remonte au mois de mai 2016. Le FMI a accordé au titre du Mécanisme Élargi de Crédit, un prêt de 2,9 milliards de dollars sur quatre ans en faveur de la Tunisie.
Cela pour dire au final, que c’est plus que jamais le moment pour refonder l’Etat sur de nouvelles bases. Car il est inutile de chercher des boucs émissaires pour leur faire assumer les conséquences d’un tel modèle de développement ou tel autre modèle. C’est l’Etat avec ces choix malheureux et sa corruption qui est le principal responsable.
Brahim