La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) se définit comme bras financier de l’Etat, un investisseur public averti de long terme au service de l’intérêt général et surtout un acteur contracyclique tiers de confiance. De très beaux qualificatifs, mais concrètement comment ceci est traduit sur le terrain. Néjia Gharbi, Directrice Générale de la CDC, nous en parle. Interview.
Présentez-nous les chiffres clés des exercices 2020/2021
Au terme de l’année 2020, la CDC a réalisé une belle performance en 2020 malgré la crise de la Covid-19 qui a bouleversé tous les indicateurs et les prévisions.
Au 31 décembre 2020, la Caisse a enregistré un total bilan de 8 996,2 millions de dinars (MDT), des fonds propres de 429 MDT et un résultat net de 80,7 MDT.
Un travail de longue haleine se cache derrière, avec une équipe très dynamique qui malgré la pandémie, a réussi à lever le défi et à maintenir notre institution au service de l’économie nationale. C’était avec un rythme soutenu en mode télétravail en période de confinement mais avec un temps de travail plus élevé.
S’agissant de l’année 2021, la CDC a arrêté, lors de la réunion de sa Commission de surveillance datant du 23 décembre, ses états financiers au 30 juin 2021. A cette date, elle a enregistré une évolution des fonds propres de 20% sur un an, pour atteindre 467 MDT. La Caisse a aussi maintenu sa performance en termes de résultat net avec 37,6 MDT.
Quelles sont les prévisions de la CDC à court et à long termes ?
La CDC se définit comme bras financier de l’Etat, un investisseur public averti de long terme au service de l’intérêt général et surtout un acteur contracyclique tiers de confiance. De très beaux qualificatifs, mais concrètement comment ceci est traduit sur le terrain.
Je ne peux pas parler de futur et de prévisions sans faire un clin d’œil sur les réalisations. Sans renter dans le détail, la CDC depuis sa création était un catalyseur du marché du Private Equity, et grâce à la Caisse, les choses ont bougé et en si peu de temps une certaine dynamique s’est développée et a développé avec elle tout un écosystème. A cela s’ajoute des actions avec des fonds dédiés aux régions et un redressement des Sicars régionales.
La crise de la Covid-19 a permis à la Caisse de jouer son rôle contracyclique. Et des fonds de 600 MDT ont été structurés en un temps record pour répondre aux besoins de toutes la palette des sociétés pour couvrir des besoins allant de 0,1 MDT à 35 MDT. Tout ce track record en si peu de temps rend nos ambitions permises.
Egalement, la Caisse, établissement responsable et citoyen, entend investir dans la RSE, créer des chaines de valeurs et valoriser cette nouvelle niche qui s’offre à notre pays.
Elle attend son accréditation du GCF (Fonds vert pour le climat) et a déjà commencé à préparer les grandes lignes de son intervention sur le marché des Green Bonds avec un méga projet pas loin de Tunis et des actions dans l’énergie et autres
La CDC imagine et propose de nouvelles techniques de financement et de développement des PME, et ce, à travers la recherche de nouvelles opportunités de financement, soit par le soutien de la mise en place du prêt d’honneur qui s’ajoute aux OCA déjà opéré avec la ligne Mezzanine de la Banque Mondiale ou en créant de nouveaux produits sur le marché financier que nous préparons en étroite collaboration avec la Bourse de Tunis.
Donnez-nous plus de détails sur les principales réalisations de la CDC
Qui dit CDC, dit FCPR.
- 21 Fonds opérationnels : la CDC a souscrit pour 172,5 MDT dans 19 fonds locaux de taille cible 745,5 MDT, et pour 15 M€ dans 2 fonds internationaux de taille cible 270 M€. 148 projets sont investis et près de 16220 emplois ont été créés/à créer et maintenus en Tunisie ;
- Ligne Mezzanine : 25,6 MDT sont alloués sous forme d’OCA au profit de 14 entreprises ;
- Ligne SICAR : 20,8 MDT sont alloués à 6 Sicars régionales. 23 projets sont investis ;
- Marché des capitaux et FCP : 8 FCP de 24,9 MDT au total sont investis au profit de 12 entreprises cotées en Bourse ;
- Marché obligataire : 199,8 MDT d’emprunts obligataires, dont 54,4 MDT sont souscrits, soit 6,46 % du total des émissions ;
- Marché boursier : 2,97 MDT (un rendement global de 18,9 %), et 503 MDT mise en pension (4,43% du total du marché de la pension) ;
- Financement de grands projets :104,8 MDT sont investis dans 21 projets.
Ces réalisations rendent notre responsabilité plus grande et encore plus lourde puisque le cap doit être maintenu.
Pour les startups, si je me contente de quelques phrases je pense que je ne vais pas leur rendre le mérite du gros travail qui est en train de se faire. Après le lancement de ANAVA et l’opérationnalisation de Flyweel dédié à l’appui à l’écosystème, la boucle sera très prochainement finalisée avec le lancement de Innovatech qui complètera le schéma de financement de l’écosystème puisqu’elle se focalisera sur les PME existantes et innovantes.
Où en êtes-vous des plateformes digitaux « Joussour Invest » et « CDC Online Academy » ?
La CDC, en étroite collaboration avec l’USAID et l’implication très dynamique de nos partenaires la BVMT et l’ATIC, ensemble nous avons concrétisé cette première en Tunisie et même au-delà de la Tunisie une marketplace 100% digital. Il s’agit de la plateforme joussourinvest.tn qui est totalement transparente. Cette plateforme met en contact les demandeurs de financements et les bailleurs ou investisseurs sans intermédiaires. L’échange est direct et le suivi est en temps réel.
Avec ce travail de taille, ensemble on a pu répondre aux besoins des inscrits en une période des plus délicates de confinement et de stagnation totale. Ainsi, la plateforme nous a permis d’imaginer de nouvelles techniques qui faciliteront dans le futur les transactions. Nous y travaillons là-dessus et avec l’enthousiasme des équipes je peux vous rassurer que la réussite soit à portée de main.
En outre, la CDC a clôturé 2021 par le lancement de nouvelle plateforme e-learning « CDC Online Academy » qui est financée par l’Agence Française de Développement (AFD) avec une assistance technique d’Expertise France. Cette plateforme permettra à l’équipe de la Caisse l’exploration d’une nouvelle expérience d’apprentissage axée sur la flexibilité, l’autonomie et le partage.
Etant proactive, la CDC a compris que l’apprentissage et le développement des compétences sont le meilleur chemin pour s’adapter aux changements. S’inscrivant dans cette approche, le choix de l’implémentation d’une plateforme de formation est considéré comme un choix stratégique pour la CDC qui mise sur le développement des compétences de ses collaborateurs.
Donnez-nous un aperçu sur le troisième et dernier appel à projets du programme FAST, mis en place par la CDC et financé par l’AFD.
En Tunisie, les grandes entreprises sont très peu actives dans l’accompagnement des jeunes pousses. Il existe certes quelques expériences qui ont été jugées réussies mais celles-ci relèvent d’une politique RSE plus que d’une logique de compétition, de sourcing ou d’investissement.
L’objectif du programme « Femmes et Accélération pour les Startups et TPE » (FAST) est de soutenir l’accélération, les initiatives d’entrepreneuriat féminin et les initiatives qui visent le développement des liens entre les PME et les startups. C’est dans ce cadre que le troisième et dernier appel à projets a été lancé pour inciter les grands groupes à s’engager davantage dans le soutien de l’écosystème entrepreneurial et pour agir en faveur de l’innovation, tout en proposant des programmes de collaboration avec les startups et les TPE/PME.
Cela peut prendre la forme de différents types de collaboration, à savoir : collaborations produits, assistance technique, espaces de Coworking, services de soutien aux entreprises, programmes startup, incubateurs et accélérateurs, concours de startup…
Par ailleurs, les startups qui collaborent avec des entreprises connues gagnent en crédibilité vis-à-vis de leurs clients.
Ce type de programmes est autant bénéfique pour les startups que pour les grands groupes. Les grands groupes peuvent s’inspirer du fonctionnement des startups et de la rapidité d’exécution qui les caractérisent pour déployer leurs projets plus rapidement.
Les collaborations avec les startups permettent également aux grandes entreprises d’être perçues comme plus innovantes et donc d’attirer de nouveaux talents. C’est aussi un moyen de développer une culture de l’expérimentation au sein de leurs organisations et de se défaire de cette image de bureaucratie.
L’enjeu principal pour les entreprises qui proposeraient ce type de démarche pour la première fois sera donc de trouver des projets cohérents avec leurs objectifs.
Propos recueillis par
Imen Zine