Par Habib KARAOULI
Le constat d’abord
A ce jour et depuis le 1er janvier 2018, la dépréciation du Dinar par rapport à l’Euro a été de 12.9% et de près de 7.8% face au US$.
- Cette dépréciation, outre les aspects macro-économiques en grande partie responsables de cette situation, est la résultante d’un arbitrage et d’un choix arrêté par la BCT de laisser glisser le Dinar sans intervention excessive pour réguler le cours.
- Le Gouverneur de la BCT a clairement indiqué que sa priorité était la conservation de réserves en devises raisonnables pour assurer le remboursement des échéances et l’importation des matières premières, des produits semi-finis et des biens d’équipement.
- D’aucuns préfèrent imputer cette responsabilité aux recommandations voire aux injonctions du FMI. Mais la BCT a-t-elle le choix ?
- Sur le plan théorique, cette dépréciation aurait dû profiter aux exports. Or, ce ne fut pas le cas. Bien au contraire cela a eu l’effet inverse, et pour des raisons évidentes d’instabilités de tous ordres, de manque de préparation de notre appareil productif éreinté par 8 années de pression et de réelle offre de biens et services exportables, ce sont les importations qui ont bondi pour atteindre 40 milliards de dinars. Avec pour corollaire, un déficit commercial de 17.3 milliards de dinars (qui devrait finir à 19 milliards au 31.12.2018) contre 14,4 milliards à la même période de l’année dernière, un déficit courant de 10.7 milliards à fin novembre 2018 soit 10,1 du PIB contre 9,2 milliards à la même période de l’année dernière, une chute en deçà de 100 jours d’importation (80 jours).
- Qui plus est, autre effet pervers, cette importation est largement responsable de la persistance d’une inflation forte de 7.5%, pour l’année 2018, dont une bonne partie est de l’inflation importée.
Les conséquences
- Toutes choses égales par ailleurs, et à la lumière des derniers événements, le glissement risque de continuer. Au 9 janvier 2019, l’Euro s’est traité à 3.428 TND à l’achat et à 3.436 à la vente. Idem pour l’US$ qui s’est traité à 2.995 TND à l’achat et à 3.0056 à la vente.
- Sur les finances publiques : renchérissement des montants à rembourser en services et principal et augmentation de l’endettement par un ajustement mécanique. Et donc, problème d’allocation optimale des ressources.
- Sur les entreprises : renchérissement de l’importation des intrants et autres biens d’équipement et probable imputation sur les prix ce qui ne manquera pas d’alimenter l’inflation.
- Sur les particuliers : Incidence directe sur l’allocation voyage et l’allocation études pour les étudiants.
- Risque de voir se développer un marché parallèle de devises : Ce genre de contexte, en ce qu’il offre d’opportunités d’enrichissement illicites, est propice au développement d’intermédiaires non agréés pour spéculer.
Les solutions possibles
Beaucoup d’experts affirment que les solutions sont essentiellement monétaires. Ce n’est pas mon point de vue.
D’autres préconisent des mesurettes plus ou moins sérieuses qui s’apparentent plutôt à une stratégie de « rustines » et qui ont pour point commun de traiter le symptôme voire d’être une réelle menace si elles venaient à être exécutées. A titre non exclusif, quelques mesures proposées :
– frapper une nouvelle monnaie,
– retirer le billet de 50 DT,
– revenir à un régime de change fixe du dinar.
Bien évidemment, ceux qui le font se gardent bien d’en évaluer l’impact et surtout de tirer les enseignements des expériences dans les pays où cela a été appliqué.
De mon point de vue, les solutions profondes et durables doivent toucher à la sphère réelle :
– Adopter une approche macro-prudentielle en focalisant sur les secteurs et autres entreprises qui ont un large apport en matière d’exportations et de devises avec un suivi régulier et hebdomadaire (i.e. (i) production du phosphates et dérivés avec un suivi de la CPG et du Groupe chimique (ii) production du pétrole, du gaz et un suivi des sociétés pétrolières)
– Le suivi hebdomadaire des balances commerciales des 4 pays suivants (i) Chine, (ii) Turquie, (iii) Algérie et (iv) Libye
– Actionner les commissions mixtes maghrébines pour servir les intérêts communs et commencer à donner du sens à l’idée de l’Union Maghrébine.
– Adopter une politique rigoureuse en matière d’organisation des circuits de distribution, responsable pour une grande partie de l’inflation principalement des produits alimentaires.
Habib KARAOULI
PDG de CAP Bank (Capital African Partners Bank)