‘En trayant sans cesse la vache à lait, on tue la poule aux œufs d’or’ (Henri Jeanson)
TUNIS – UNIVERSNEWS – Dans les rifs lointains, l’élevage et celui des caprins en particulier est pratiqué depuis la nuit des temps. Il joue un rôle socioéconomique important.
Les troupeaux caprins qui pâturaient jadis dans les plaines et surtout sur les hauteurs constituaient, en effet, une source nourricière de grande importance. Ils offraient, le lait: l’équivalent du lait maternel, selon les nutritionnistes, le délicieux fromage traditionnel enveloppé dans des rameaux de romarin, la viande avec un taux de cholestérol bas, les poils pour le tissage des tentes, notamment celles abritant les chevriers nomades (khaymas), les gourdes en peau de chèvres pour le transport de l’eau, de l’huile, des graines et des semoules sans oublier le fumier, utilisé par les agriculteurs pour la fertilisation du sol. Et rares sont les familles dans ces régions qui ne possédaient pas ce genre de bêtes.
De nos jours, cette bête continue de résister, dans nos contrées, après avoir connu une période d’interdiction décidée à la fin des années cinquante du siècle dernier par les responsables du ministère de l’agriculture -A cause des dégâts qu’elle causait au patrimoine arboricole et forestier. Ce ruminant est certes en courbe ascendante, mais son nombre demeure insuffisant pour répondre aux besoins des milliers d’habitants dans les zones rurales -35.000 tètes environs- selon l’arrondissement de la production animale du CRDA de Kairouan. Ceci après le départ massif des habitants de ces contrées vers les métropoles pour vivre dans les bidonvilles inconfortables avec leurs familles avec des salaires de misère. Car le rif, dépeuplé, oublié, et ignoré, n’intéressait plus personne.
Le lait qu’on offrait jadis
Avant cette période d’exode rurale massive, et outre les quelques oliviers et caroubiers centenaires hérités de ses aïeuls, chaque famille rurale possédait son propre petit troupeau de caprins qui satisfaisait journellement les besoins des membres de la famille en lait, assure le chevreau de l’Aïd El Kebir et le diner du mariage de l’un de ses enfants… A cette époque dans ce rif rigoureux mais généreux, honte à celui qui vendait le lait aux voisins. Là, on offrait le babeurre, appelé aussi, lait de beurre (lben), parfois du ‘sman’. On ne refusait jamais une peau de caprin à un voisin pour en faire une gourde pour transporter l’eau potable.
De nos jours, le lait se fait rare. La forte demande de cet or blanc qui se vend au compte-gouttes n’a pas aidé les ménages à se le procurer, à cause de la sécheresse qui persistait depuis plus de deux décennies et les difficultés rencontrées au niveau de l’approvisionnement du bétail en fourrages, dans une région pourtant classée en tête du classement dans l’élevage ovin avec plus de 420.000unités femelles).
Encore faut-il intervenir au niveau de l’approvisionnement du marché en ce produit vital et venir en aide aux éleveurs et leur fournir le fourrage et les produits concentrés suffisants pour ne pas priver les consommateurs et surtout les enfants de lait.
Le rif a également besoin d’être repeuplé. Les pouvoirs publics devront encourager le retour de l’exode de ceux ayant élu domicile dans les bidonvilles en les aidant à élever un nombre, même petit de brebis, de chèvres, de vaches, de poulets de fermes, de ruches d’abeilles et de citernes souterraines pour emmagasiner l’eau des pluies et ainsi assurer au moins l’autosuffisance alimentaire familiale en ces produits dans le rif.
Pour ceux qui aiment les chiffres, et selon l’arrondissement de la production animale relevant du CRDA de Kairouan le gouvernorat de Kairouan compte environ 423.000 unités femelles ovines, 26000 unités femelles bovines, 35.000 caprins et 1000 camélidés. Alors que les quantités de lait évaluées dans la région au cours des trois derniers mois à 5 millions de litres, ont régressé de 7,5% contre 10% dans les autres gouvernorats du pays à cause de la sècheresse et les prix onéreux des produits concentrés.
N.K.