• Comptant sur le soutien de Saïed, Fakhfakh n’a ni la capacité, ni le charisme pour s’imposer• Ennahdha voudrait reprendre la main, mais avec quel scénario ?• Le chef du gouvernement chargé a multiplié les bourdes et les aberrations
En ce jour du samedi 15 février 2020 où Elyès Fakhfakh devait présenter sa formation de l’équipe gouvernementale au président de la République, un coup de théâtre s’est produit avec l’annonce par le parti Ennahdha de retirer ses candidats aux postes ministériels et de ne pas voter la confiance à ce gouvernement.
La décision du parti islamiste est irrévocable, selon les propres termes di président du Conseil de la Choura, Abdelkrim Harouni, soutenu par Noureddine Bhiri, chef du bloc parlementaire d’Ennahdha.
Les premières réactions sont venue de Mohamed Abbou, secrétaire général du parti d’Attayar démocratique, qui fustigé la décision d’Ennahdha la qualifiant de chantage inadmissible tout en en appelant M. Fakhfakh à ne pas y céder, à remplacer les membres d’Ennahdha et de présenter son cabinet devant l’Assemblée des représentants du peuple même si le verdict est connu d’avance, l’important étant que le peuple sache qui se trouve derrière le blocage actuel.
Et de préciser que son parti a accepté de coopérer avec Ennahdha malgré toutes les réserves, mais « il est venu le temps de dire qu’Ennahdha est un parti dont il s’en lave les mains pour la simple raison qu’il a des agendas douteux et qu’il a probablement des dossiers qu’il ne souhaite pas voir ouverts… »
Le secrétaire général du mouvement Echaâb, Zouhair, a accordé à Mosaïque FM, une déclaration dans la quelle il accuse le parti islamiste de « pousser le pays vers une crise dangereuse. Et d’ajouter que « le passage à des élections législatives anticipées vaut mieux que céder au chantage du mouvement Ennahdha ».
Quant à Elyès Fakhfakh, il a annoncé qu’il va exploiter le temps restant du délai autorisé par la Constitution se contentant de dire la raison du retard est due à la « persistance de l’exigence d’Ennahdha de faire associer Qalb Tounès à l’équipe gouvernementale… ».
Kaïs Saïed a eu, pour sa part, un entretien avec Noureddine Tabboubi, président de l’UGTT, Samir Majoul, président de l’UTICA rejoints par M. Fakhfakh. Le communiqué rendu public par la présidence de la République assure que la rencontre a porté, notamment, sur. »la phase délicate que traverse la Tunisie au niveau politique et ses répercussions sur la situation économique et sociale ».
Les deux responsables de la Centrale syndicale et patronale se sont accordés à qualifier l’étape actuelle de cruciale et nécessite que toutes les parties concernées assument leurs responsabilités respectives et évitent d’alimenter les tiraillements en propageant d’éventuelles et multiples interprétations de la Constitution.
En effet, les milieux politiques et médiatiques parlent et analysent l’éventuel scénario suivant :
«Si le gouvernement Fakhfakh est, effectivement, calé, Ennahdha and Cie mettraient au point le plan « B », à savoir la présentation d’une motion de censure contre le gouvernement Chahed tout en soumettant la candidature de son remplaçant lors de la même séance plénière. Les adeptes de ce scénario indique, encore, la prochaine équipe gouvernementale étant déjà presque prête, l’opération de formation d’un nouveau gouvernement ne prendrait pas plus de 48 :72 heures afin d’éviter un vide administratif prolongé.
Quant aux éventuels candidats au poste de chef de gouvernement, dans ce cas, plusieurs noms sont avancés dont trois sont cités plus que les autres, en l’occurrence Mohamed Fadhel Abdelkefi, Ghazi Jeribi et Hakim Ben Hammouda…
On n’en est pas encore là certes. Et les temps sont encore à l’analyse du comportement de Fakhfakh ? Les observateurs sont unanimes à dire qu’il est de loin un des moins compétents, politiquement, et qu’au vu des multiples échecs qu’il a déjà essuyés, il était l’un des plus mal placés pour ce haut poste de l’exécutif.
Qu’on en juge : Il est le ministre qui a signé les décrets pour le paiement de pas moins de 1,5 milliard de dinars aux amnistiés formés à plus de 90% des Nahdhaouis alors que M. Dimassi avait préféré démissionner de signer lesdits décrets. Et d’un !
C’est lors de son passage au ministère des Finances que les impôts ont été les plus élevés tout en prenant la dénomination religieuse de « itawa ». Et de deux !
Son parti Ettakatol avait obtenu des résultats nuls aux législatives de 2014 et aux municipales de 2018. Et de trois !
Lui-même, il a reçu une claque humiliante à la présidentielle de 2019 avec un score de 0,3% alors que son parti Ettakatol a eu, encore une fois, 0 siège à l’ARP. Et de quatre et excusez le peu.
Donc, comment, un personnage, avec des résultats aussi nuls, peut-il être chargé de diriger un gouvernement dans une étape sociopolitique aussi délicate que celle vécue actuellement par notre pays ?
Or, M. Fakhfakh qu’on n’avait pas vu des années durant, a réapparu à l’occasion de ladite présidentielle de 2019 et faisait déjà preuve lors de sa campagne électorale d’autosuffisance exagérée voire ne pas dire de « prétention » selon les observateurs qui trouvent qu’il s’est fait l’illusion qu’il avait de l’envergure et la carrure d’un présidentiable, sachant qu’au sein d’Ettakatol, il était complètement effacé par les fortes personnalités de Mustapha Ben Jaâfar et Khalil Ezzaouia.
Venons-en maintenant à son comportement après avoir été chargé de former le gouvernement. D’entrée, il a cru bon de placer la barre trop haute en excluant le deuxième parti au Parlement pour le motif qu’il ne va composer qu’avec les partis avaient pris position pour Kaïs Saïed au second tour de la présidentielle. Une décision aberrante pour la simple raison qu’elle est sans fondement !
Argumentation encore plus aberrante, avancée par Jaouher Ben Mbarek, devenu son porte-parole : « Le gouvernement n’est pas l’Arche de Noé qui doit transporter tout le monde dans la même barque !
Mais malgré, les conseils des politiciens et des constitutionnalistes, M. Fakhfakh s’est entêté en maintenant cette idée fixe qui tournait à l’obsession qui lui aurait été soufflée par Kaïs Saïed ou qu’il a adoptée de son propre chef pour « plaire à son patron » comme il le qualifie tout en avouant qu’il ne savait pas les raisons pour lesquelles il avait été chargé de former le gouvernement. Comble de l’aberration !
Ce n’est pas fini, M. Fakhfakh a cru jouer au « fin rusé » en acceptant, sur insistance d’Ennahdha et de son Cheikh, une rencontre tripartie avec Rached Ghannouchi et Nabil Karoui, suivie d’une réunion avec les principaux leaders de Qalb Tounès. Croyant qu’avec cette audience, il a réussi à provoquer le dégel et qu’il pouvait continue sa mission sans Qalb Tounès. Une grande erreur d’appréciation.
A ce niveau, on est en droit de s’interroger si Elyès Fakhfakh ne prenait-il pas Ennahdha et Qalb pour de simples petits enfants qu’on console avec, juste, quelques « bonbons ! ». De deux choses l’une : Ou bien il prend les responsables des deux partis pour de simples apprentis politiciens, ou bien c’est le contraire – et ce qui es plus plausible – s’il n’est pas lui-même un apprenti-politicien, ayant cru qu’avec l’appui de Kaïs Saïed, il pouvait imposer « sa » loi ! Une grave erreur de jugement.
Autre erreur. M. Fakhfakh refuse de nommer Anouar Maârouf au département des Télécommunications et de Technologies de l’information sous prétexte qu’il ne peut confier un ministère aussi sensible et qui gère les données de tous les Tunisiens à quelqu’un appartenant à un parti. Soit ! Mais il y nomme Lobna Jeribi qui est membre très actif au sein d’Ettakatol auquel appartient le chef du gouvernement chargé ! C’est ce qu’on appelle prendre les gens pour des naïfs !
Et une énième bourde. Fakhfakh semble avoir pris les mises en garde d’Ennahdha à la légère ou un simple bluff, juste pour le faire changer d’attitude, et partant il foncé tête baissé pour effectuer un passage en force, faisant, ainsi, preuve, d’une grande « naïveté politique » face au manœuvrier Ghannouchi. Encore une bourde monumentale qui le place dans ses derniers retranchements.
Nous nous limiterons à ce stade sans entrer dans les supputations concernant l’évolution de la situation, une équation à multiples inconnues !
En tout état de cause, une chose est sûre. « Elyès » a surestimé ses capacités, a trop tablé sur le soutien de Kaïs Saïed tout en maquant de personnalité et sans le moindre charisme, ce qui en ferait un faible chef de gouvernement !
Noureddine HLAOUI