- La télémédecine est devenue un outil indispensable pour rapprocher les soins des patients et leur assurer une surveillance à distance
- Malgré les avancées, l’absence d’une stratégie et d’un cadre juridique approprié demeure un obstacle majeur à la progression de la santé numérique en Tunisie
- Malgré notre élan initial, notre progression a été entravée par des retards causés principalement par des lacunes dans l’organisation structurelle
- Les médecins doivent se familiariser avec une nouvelle écoute du patient et les patients doivent apprendre à communiquer différemment avec leur thérapeute
TUNIS – UNIVERSNEWS (Santé – MS) – Dans le secteur de la santé comme ailleurs, les nouvelles technologies se multiplient, ouvrant des perspectives prometteuses pour la télémédecine et l’e-santé. Cette nouvelle vague technologique suscite de nouveaux espoirs, alors qu’en même temps les avancées promises par la précédente peinent encore à se concrétiser. Comment expliquer ces blocages ? Et comment amener patients et professionnels de santé vers ces nouveaux usages ? Les explications du Professeur Aziz El Matri, président de la Société tunisienne de télémédecine et e-santé, qui a animé un débat sur la télémédecine lors du 9ème Forum International de la Santé Numérique «Contribution du numérique et de l’intelligence artificielle à la transformation de la santé et du bien-être», du 23 au 25 mai 2024 à Yasmine Hammamet
- UNIVERSNEWS : Quel est le rôle de la télémédecine ?
Pr. Aziz El Matri : La neuvième édition du forum de la santé numérique d’Hammamet a mis en lumière la contribution du numérique et de l’intelligence artificielle à la transformation de la santé et du bien-être, reconnaissant ainsi l’importance de ces technologies pour améliorer la qualité de vie. Ce secteur est en effet l’un de ceux qui cristallisent le plus d’espoirs et d’attentes, et où l’application pratique de l’IA promet les plus belles avancées. La télémédecine est devenue un outil indispensable pour rapprocher les soins des patients, leur éviter des déplacements inutiles et leur assurer, en cas de nécessite, une surveillance médicale à distance. En Tunisie, la première expérience de liaison de télémédecine a eu lieu en 1996 et la même année le ministère de la santé publique a opté dans le cadre de son plan informatique stratégique pour son introduction comme outil de travail dans les établissements publics de la santé. La Société Tunisienne de Télémédecine et e-Santé a été créée en mars 1999.
- Sommes-nous en avance en Tunisie ?
Le secteur de la santé est désormais et plus que jamais concerné par l’irruption de l’Intelligence artificielle. Les solutions d’IA sont déjà présentes et permettent de faire progresser la médecine et la recherche. Il ne s’agit pas seulement d’une révolution technique, cette évolution s’est accompagnée de changements organisationnels, structurels et managériaux. Malgré les avancées notables, l’absence d’une stratégie et d’un cadre juridique approprié demeure un obstacle majeur à la progression de la santé numérique en Tunisie. Les lois existent depuis dix ans mais il manque des textes d’application.
- Qu’est-ce qu’il manque ?
Nous avons pris une longueur d’avance dans le domaine de la télémédecine il y a plus de deux décennies avec la fondation de la Société Tunisienne de Télémédecine en 1990, ce qui nous a positionnés en tête de peloton, devant, même, certains pays européens. Cependant, malgré notre élan initial, notre progression a été entravée par des retards causés principalement par des lacunes dans l’organisation structurelle. La télémédecine, une réponse pertinente aux déserts médicaux mais il n’y a pas un réseau national de télémédecine. On ne peut pas consulter un dossier à l’hôpital de Sfax pour une personne hospitalisée à Tunis. Il n’y a pas de rendez-vous à distance en Tunisie. Sur le plan pratique, les médecins doivent se familiariser avec une nouvelle écoute du patient, désormais situé à distance et présent en deux dimensions. De leur côté, les patients doivent apprendre à communiquer différemment avec leur thérapeute. Pour faire avancer les choses, il faudrait une stratégie à savoir la mise en place d’un réseau national de télémédecine et des structures à l’échelle nationale, ainsi que l’implication des secteurs sanitaires aussi bien publics que privés. La santé numérique peut être valorisée et adoptée si elle répond à certaines conditions dont l’accessibilité pour favoriser un accès équitable à des services de santé de qualité. Ceci étant, la volonté des différents acteurs est présente, mais il reste beaucoup de travail à faire.