- Le couvert végétal des montagnes qui encercle les villes et qui représente un rempart naturel contre les inondations, a fini par disparaître au fil des années
- Rien ne sera possible ni réellement efficace si les populations ne perçoivent pas la réalité du risque auquel elles sont soumises
- Le risque zéro n’existe pas, et le non-retour d’une crue non plus. Habitants, entreprises, associations, institutions… tous sont concernés par le risque inondation
TUNIS – UNIVERSNEWS (NAT – MS) – Les catastrophes naturelles s’intensifient sous l’effet des changements climatiques. Les inondations sont un des plus importants risques de ces catastrophes qui frappent les villes côtières en Tunisie et posent des risques importants pour les communautés. C’est un fléau de plus en plus redouté. Il est certes possible de souligner l’ampleur de l’aléa, l’importance des précipitations sur un laps de temps. Mais, le plus souvent, la catastrophe survient à cause d’une vulnérabilité grandissante. Les pluies qui se sont abattues sur le Cap Bon, le 22 septembre 2018 étaient intenses. Comprendre ces risques et vulnérabilité est crucial pour une préparation, une atténuation et une réponse efficace et résiliente aux catastrophes comme le précise Najla Tlatli, professeur à l’Institut National Agronomique de Tunisie lors d’un atelier participatif organisé entre le laboratoire Green Team de l’INAT et l’école des ingénieurs suisse (HES –Valais) à l’espace Jeelen
- UNIVERSNEWS: Est-ce que le changement climatique accentue le risque d’inondations en Tunisie?
Pr. Najla Tlatli: Comme tous les pays du monde, la Tunisie est affectée par les impacts du changement climatique. Le changement climatique, qui se traduit localement par une hausse des pluies violentes, accentue encore le risque d’inondations. Irrégularité de précipitations, hausse des températures et répétition et rapprochement des phénomènes climatiques extrêmes sont tous des indicateurs qui exposent les écosystèmes et les populations dans toutes les régions tunisiennes à une grande vulnérabilité face à l’influence des variables climatiques. En témoignent les dernières inondations de 2018 et 2019 à Nabeul et Dar Châabane Fehri ayant causé de graves dégâts et des pertes économiques et humaines. Les deux villes ont été submergées en quelques heures par les eaux. Le couvert végétal des montagnes qui encercle les deux villes et qui représente un rempart naturel contre les inondations, a fini par disparaître au fil des années. A cela vient s’ajouter une urbanisation galopante et chaotique qui s’est traduite par la hausse du nombre des constructions anarchiques aménagées sur les parcelles agricoles qui absorbent l’eau. De nombreux réseaux d’infrastructures et d’habitations ont en été construits en zone inondable. Au cours des vingt dernières années la conjugaison de plusieurs facteurs a balisé le terrain à une vulnérabilité plus élevée de la région de Nabeul, contribuant ainsi à augmenter le risque d’inondation et sur les lits des oueds qui se sont considérablement rétrécis, impactant négativement leur capacité naturelle à assurer la fluidité du ruissellement les eaux pluviales. Une autre raison serait également derrière la mauvaise évacuation des eaux pluviales: les lacs collinaires qui ne joueraient plus convenablement leur rôle. La réalisation de ces derniers a été décidée en 1986 après des inondations provoquées par les pluies torrentielles qui se sont abattues sur la ville de Nabeul. Des solutions appropriées ont été proposées pour éradiquer le passage des sept cours d’eau traversant la zone urbaine de Nabeul et Dar Châabane El Fehri. A l’heure actuelle, les politiques publiques se mobilisent pour accompagner et préparer la population à l’éventualité d’événements catastrophiques, notamment dans le cas du risque inondation. D’où l’intérêt de cet atelier participatif organisé entre le laboratoire Green Team de l’INAT et l’école des ingénieurs suisse (HES –Valais )
- Quel est l’objectif de cet atelier ?
Cet atelier sur les enjeux et vulnérabilité du risque d’inondation (le cas du Cap Bon) a rassemblé des enseignants chercheurs, des directions techniques aux ministères de l’agriculture, de l’équipement, de la protection civile, des représentants de la société civile, des ONG, des leaders communautaires pour discuter des défis et des vulnérabilités liés au risque d’inondation dans la région et pour identifier avec les parties prenantes les actions potentielles pour renforcer la résilience et réduire le risque d’inondation à Nabeul – Dar Châabane
- Pourquoi cette implication de la société civile ?
Rien ne sera possible ni réellement efficace si les populations ne perçoivent pas la réalité du risque auquel elles sont soumises. C’est pourquoi de nombreux efforts sont consentis pour sensibiliser les habitants des zones inondables. Les collectivités territoriales en sont les principaux fers de lance. Mobilisant au-delà de la panoplie d’outils réglementaires à leur disposition, elles innovent et inventent de nouvelles façons de communiquer sur le risque inondation. Elles précèdent en cela la volonté de l’État de faire du partage de la culture du risque l’un des axes transversaux de sa future stratégie nationale de gestion des risques d’inondation. Réduire la vulnérabilité de nos territoires, partager ensemble une culture du risque efficace est le nouvel enjeu qui nous attend tous, citoyens et État. Il faut veiller à ce que la population ait une bonne connaissance du risque est un point qui me paraît très important. Le risque zéro n’existe pas, et le non-retour d’une crue non plus. Habitants, entreprises, associations, institutions… tous sont concernés par le risque inondation. Développer une culture du risque au niveau local, partager un diagnostic du territoire, faire prendre conscience à chacun des risques encourus est essentiel. Une population informée avec les bons réflexes est une population moins exposée.