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Vote utile oblige, place aux tractations et aux désistements en faveur du candidat centriste le mieux placé pour percer…
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Ne pas perdre de vue la volonté du parti islamiste de conquérir La Kasbah, Carthage et Le Bardo
« Ennahdha veut La Kasbah, Carthage et Le Bardo ». C’est Rached Ghannouchi, en personne, qui le dit. Pour lui, Abdelfattah Mourou va gagner la présidentielle et, partant, la dynamique assurera au parti islamiste la majorité à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Autrement dit, la mainmise sur le parlement et la désignation automatique d’une chef du gouvernement du même parti.
C’est dire que malgré la primauté du scrutin présidentiel, théoriquement pénalisant pour Ennahdha, et au vu d’un paysage politique et partisan biaisé, ce parti ose parler d’une plausible victoire sur tous les fronts en dépit de la présence de « grosses cylindrées ».
Quelques mois en arrière, les calculs et les hypothèses étaient tout autres. Ennahdha et Youssef Chahed avaient manigancé un scénario en béton, et ce en faisant effondrer le parti de Nidaa Tounès et en créant Tahya Tounès avec l’aide de la machine gouvernementale.
D’autre part, profitant de l’élan faisant de lui le « champion » de la résistance au legs du pouvoir à Hafedh Caïd Essebsi, Youssef Chahed, a réussi à affaiblir l’autorité morale de son « bienfaiteur » Béji Caïd Essebsi grâce à l’appui tactique d’Ennahdha.
Ensuite, et pour couper l’herbe sous les pieds des autres éventuels candidats pouvant l’inquiéter, le gouvernement a fait un forcing pour tailler des amendements sur mesure à la loi électorale. Mais c’était compter sans la décision de BCE de ne pas ratifier ladite loi d’amendements malgré son adoption par l’ARP, empêchant, à la dernière minute, la mise à l’écart des rivaux de taille dont notamment Nabil Karoui et Abir Moussi.
La pratique de la politique des « dossiers »
Qu’à cela ne tienne ! Voilà que la justice s’en mêle d’une manière voulue ou pas – la question est posée aussi par les politiciens que par les juristes – pour écarter Nabil Karoui, qui este, tout de même en course, mais en pratique, sérieusement affaibli, dans le sens où il est difficile d’envisager que le commun des citoyens choisisse un candidat se trouvant en prison.
Mais voilà que coup de théâtre, un autre favori potentiel qui surgit du néant en la personne d’Abdelkrim Zbidi, ministre de la Défense démissionnaire et candidat indépendant à la présidentielle. Sans tarder, des pages et des profils, en grand nombre, se sont mis à le dénigrer, lui qui n’est pas habitué aux tiraillements et à la pratique du buzz.
Ayant compris cela, ses détracteurs se sont mis à le provoquer et à essayer, par tous les moyens, à le traîner dans cette jungle privilégiant la diffamation et les coups au-dessous de la ceinture. La parade a été vite trouvée avec l’émergence de certaines pages de soutien, l’appui inconditionnel de Nidaa Tounès, malgré une tentative du clan de Youssef Chahed avec le pétard mouillé lancé par le célèbre inconnu Radhouane Ayara, secrétaire d’Etat au sein de l’équipe de La Kasbah, prétendant le soutien de Nidaa à M. Chahed.
Incidents et dommages collatéraux
Bien sûr, il y a eu nombre d’incidents pouvant embêter certains candidats. On citera, entre autres, ce mensonge par omission sur la 2ème nationalité de M. Chahed, ces clashes et pédalages entre Boubaker Ben Akacha et l’équipe d’Abdelkrim Zbidi, cette délégation de pouvoirs par le chef du gouvernement au président du Conseil national de Tahya Tounès, Kamel Morjane, cette « fouille douteuse et humiliante » faite à Hafedh Caïd Essebsi par les douaniers à l’aéroport de Tunis-Carthage, cette déclaration faite par Hafedh Caïd Essebsi laissant entendre qu’il se trouve en France parce qu’il craint « qu’on lui colle un dossier… ».
Pour revenir à M. Zbidi, bon à souligner qu’après avoir bénéficié d’un élan spontané assez généralisé pour présenter sa candidature à l’élection présidentielle anticipée, il semble avoir acquis le soutien des trois organisations nationales, en l’occurrence l’UGTT, l’UTICA et l’UNFT dont les patrons l’ont tous reçu, ce qui pourrait lui constituer un atout de taille
Quelques certitudes et plusieurs doutes
En résumé, on se trouve, aujourd’hui, face à quelques certitudes et plusieurs doutes. Ennahdha semble avoir mis le paquet pour faire le plein en faveur de son « poulain », Mourou. Abdelkrim Zbidi semble avoir rallié pour lui les deux centrales, syndicale et patronale et l’organisation féminine sans oublier le retour relatif de la machine nidaïste, décidée à honorer la mémoire du défunt fondateur Béji Caïd Essebsi.
Pour les autres candidats, si Abir Moussi peut compter sur la « machine » rcdiste et sur quelques ultras anti « khouwenjia », Youssef Chahed dont le parti Tahya Tounès ne dispose pas encore d’assise populaire convaincue, mais il peut compter sur les cercles proches du gouvernement pour qui il demeure la seule garantie de rempiler à leurs postes. Mais il a été affaibli par son bras de fer avec BCE et par les accusations selon lesquelles il « l’aurait trahi ».
Dans une allocution par wathsapp à partir de Paris et transmise en direct au meeting tenu samedi, à Sfax, HCE s’est adressé à Youssef Chahed, disant que « le président Béji Caid Essebsi a été trahi de son vivant et même après sa mort… ».
Pours les candidats de la gauche, leurs clans souffrent de la débandade, notamment entre Mongi Rahoui et Hamma Hammami, alors que le phénomène Kaïs Saâïed demeure trop flou et probablement monté de toutes pièces dans le sens où ce juriste communique trop mal voire ne communique pas du tout.
En tout état de cause, si en 2014, il y au une sorte d’union sacrée pour un vote utile contre Ennahdha, boosté par le sit-in d’Errahil et la personnalité charismatique et hors-pair de feu Béji Caïd Essebsi, en cette année 2019 la situation se présente autrement.
Abdelfattah Mourou et la famille centriste
D’un côté, il y a Abdelfattah Mourou de l’Islam politique et, de l’autre, il y a les candidats dits de la famille démocrate, centriste et progressiste, qui sont trop dispersés. Alors, peut-on placer Nabil Karoui dans ce panier ou est-il considéré, comme le qualifient certains, comme étant populiste ? D’où le risque sérieux de voir M. Mourou coiffer tout le monde au poteau.
D’ailleurs, les observateurs font état d’un plan « B » du parti islamiste à savoir où en cas de victoire de Chahed à la présidentielle, Ghannouchi prendrait la présidence de l’ARP et Mehdi Jomâa serait placé à La kasbah, d’où l’insistance auprès de M. Jomaâ pour qu’il ne se désiste pas en faveur M. Zbidi.
Dans cet ordre d’idées, des informations font état d’une rencontre entre Youssef Chahed et Mehdi Jomâa qui a eu lieu il y a une quinzaine de jours, suite à une médiation de Béchir Ben Yahmed, directeur de Jeune Afrique et ami personnel de Mehdi Jomâa. Une rencontre sans résultats, semble t-il.
Halte aux alter egos !
Le mot est lâché. L’heure est aux tractations et aux tentatives de convaincre les uns et les autres de se réunir et de prendre une décision en leur âme et conscience, loin des alter egos en vue laisser la place, après une évaluation pragmatique, étudiée en toute transparence, au candidat qui s’avèrerait le mieux placé pour représenter la famille centriste tout en ayant de véritables chances de remporter la décision finale et dans un premier temps, d’être l’un des deux premiers pour disputer le sprint final.
Et même s’il est trop tard pour se retirer, il reste la possibilité de donner des consignes fermes aux adhérents des partis des uns et des autres pour qu’ils votent pour un seul candidat représentatif et éventuel fédérateur. Un appel est lancé aux candidats : L’heure est grave. Et l’Histoire ne pardonnera pas à ceux qui agiraient cotre l’intérêt de la patrie…
Noureddine HLAOUI