Par Mansour M’henni
La discussion et le vote de la Loi de finances 2019 ont déchaîné des attaques réciproques, virulentes et parfois débordantes de violence et d’agressivité, entre différentes « confréries » de députés de toutes les tendances et de toutes les influences. Il y avait certes, comme de coutume et comme attendu, le chassé-croisé partisan sur lequel se fonde la vision, majoritairement consacrée, de la démocratie ; mais il y avait cette fois un objectif central, la mise en échec, ou au moins le dénigrement, d’abord de Youssef Chahed en personne et, corollairement, de son gouvernement.
Les Tunisiens, même ceux mobilisés ou emportés dans différentes revendications aux étiquettes suspectes parce qu’anachroniques, ont vite compris que, d’un côté comme de l’autre, l’intérêt politique primait sur l’intérêt des citoyens. La démocratie elle-même, pourtant encore au berceau dans notre pays, s’est trouvée ballottée entre l’empire de la majorité institutionnelle et les théâtres contestataires de la rue. Peut-être est-ce là son cheminement inévitable avant d’acquérir son autorité, mais elle y mettra le grand prix, au vu de la situation alarmante du pays sur les plans économique et social.
En attendant, le jeu continue, avec pour simple enjeu, semble-t-il, l’avenir politique de Youssef Chahed qui donne l’impression d’avoir trouvé la sagesse idoine, dans le refus de répondre aux provocations et aux spéculations, pour se concentrer sur le seul exercice de sa fonction de président du Gouvernement, et derrière lui son équipe, en toute discipline, dans la solidarité et la complémentarité gouvernementale, au-delà ou en-deçà de toutes les attaques. Mais au fond de tous les débats et de toutes les spéculations, quelles qu’en soient les étoffes, il y a toujours ces interrogations sur l’avenir politique de Youssef Chahed que les sondages ont propulsé au premier rang de la crédibilité pour la conduite du pays dans l’avenir proche (entendons, la prochaine échéance électorale, en 2019).
A ce propos, la constitution d’un nouveau parti ou d’un nouveau front dit « centriste, moderniste » est apparue comme une conséquence logique de la coalition ayant voté la Loi de finances, avec en perspective deux pôles démocratiquement concurrents, mais pouvant stratégiquement coaliser. On a même annoncé un nouveau parti de Youssef Chahed pour la fin de janvier 2019, une échéance qui semblait coïncider avec le congrès annoncé de Nidaa Tounès, et qui pourrait être repoussée en fonction du report de ce congrès. C’est dire que, d’une manière ou d’une autre, l’avenir de Y. Chahed et de la mouvance politique qui l’entoure se déterminera en articulation étroite à l’avenir de Nidaa Nounès et au statut que le président du Gouvernement pourrait y avoir ou ne pas avoir.
Mentionnons, en passant, que l’avenir de Y. Chahed n’est pas exclusivement fixé sur la présidence de la République et qu’il sera conclu dans un accord préalablement établi entre le front à constituer pour l’échéance. C’est dans cet état d’esprit que, dernièrement, des rumeurs réapparaissent quant à la réconciliation (si jamais rupture il y a vraiment eu !) entre les deux têtes de l’exécutif, le père et le fils politique (non le génétique) de Nidaa Tounès, BCE et YC. Chahed prendrait alors la tête du parti et tout se construirait là-dessus.
Cette rumeur, annoncée comme un scoop par certains, n’a jamais été totalement exclue des débats et des commentaires à ce propos ; elle a seulement été plus ou moins médiatisée, sans un dévoilement attesté de l’auteur ou du commandeur de la rumeur. C’est dire qu’elle a des chances de focaliser sur elle les prochains discours du paysage politique tunisien, jusqu’à son infirmation ou sa confirmation par les faits.
En attendant, il y a de quoi remplir les pages et les plateaux des médias, juste pour brûler certains opportunistes qui ne savent plus à quel saint se vouer.