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Cette résilience est visible à travers la capacité de l’économie tunisienne à atténuer les effets de plusieurs chocs exogènes
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Pour ls deux prochains exercices, tout indique que la résilience sera encore au rendez-vous
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Cette résilience enregistrée en 2023, n’est pas « de courte durée » comme le pensent les bailleurs de fonds dont le FMI
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La résilience de l’économie tunisienne reste insuffisante en ce sens où elle n’a pas été accompagnée de mesures de relance
TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF) – Une évidence : l’économie tunisienne a fait preuve, en 2023, de résilience en dépit de graves crises exogènes et la réalisation d’un faible taux de croissance de 0,4%.
Cette résilience a évité au pays le défaut de paiement que lui avaient prédit moult experts et Think tanks, hors-jeu. Gros plan sur les tenants et aboutissants de cette aptitude à résister qui a tendance à s’inscrire dans la durée.
Cette résilience est visible à travers la capacité de l’économie tunisienne à atténuer les effets de plusieurs chocs exogènes. Il s’agit, particulièrement, des conséquences persistantes de la pandémie du Coronavirus Covid 19 et, son corollaire, la perturbation des chaînes d’approvisionnement à l’international.
A cette crise sanitaire, il y a lieu d’ajouter les effets catastrophiques de la guerre géoéconomique qui fait toujours rage entre la Russie et l’Ukraine (hausse des cours des matières premières : céréales et pétrole) et du réchauffement climatique (sécheresses consécutives).
Mieux, cette capacité de résister aux chocs exogènes a été possible en dépit de l’absence, depuis 2019, de tout apport financier étranger significatif. Le FMI n’a pas daigné valider l’accord technique conclu au mois d’octobre 2022, avec le gouvernement tunisien de l’époque. En vertu de cet accord, le FMI devait octroyer à la Tunisie des facilités de paiement d’un montant de 1,9 milliard de dollars. Ce crédit pour peu qu’il aurait été accordé avec son effet d’entrainement automatique sur la mobilisation de fonds supplémentaires auprès d’autres bailleurs de fonds et pays partenaires, aurait pu soulager les finances publiques tunisiennes.
Une résilience réelle selon les économistes
Au plan théorique, pour l’économiste Ridha Gouia, cette résilience est réelle dans la mesure où la crise que connaît l’économie tunisienne n’est ni une dépression qui correspond à une baisse forte et durable de la production et de la consommation, ni une récession laquelle serait perceptible entre autres à travers une hausse du taux de chômage et les pertes d’emplois avec comme corollaire une perte de revenu et une diminution des dépenses.
L’économiste, qui s’exprimait lors de l’université de Mohamed Ali Hammi, devait évoquer, ensuite, deux leviers qui ont favorisé cette résilience, en l’occurrence, le recours de plus en plus à l’endettement intérieur et l’amélioration du recouvrement fiscal.
Il faudrait ajouter à ces deux leviers les apports significatifs en devises générées par les exportations de produits agricoles (huile d’olive, dattes, fruits de mer), l’augmentation des recettes touristiques et les transferts des travailleurs tunisiens à l’étranger (TRE). Ces apports en devises ont permis au pays de rembourser, dans les règles de l’art, son service de la dette lequel était particulièrement élevé en 2023. Pour ls deux prochains exercices, tout indique que la résilience sera encore au rendez-vous.
L’exécutif pavoise
Considérée comme une performance, le gouvernement tunisien a cherché à la promouvoir auprès des bailleurs de fonds. C’est ce à quoi s’est attelé, entre autres, la délégation officielle tunisienne qui a participé aux dernières assises du printemps, à Washington, des institutions de Bretton Woods.
Ces dernières ont minimisé l’impact de cette résilience et estimé, dans leurs réactions, que cette résistance est de « courte durée » et ne peut pas supplanter les réformes structurelles et profondes qu’elles exigent pour l’octroi des facilités convenues.
Commentant cette réaction, le nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Fethi Zouheir Nouri, s’est inscrit en faux contre cette réaction.
S’exprimant, lors d’un dîner-débat organisé, le 24 avril dernier, par l’ambassade européenne en Tunisie sur les relances des IDE, le gouverneur de la BCT, a tenu à indiquer que « cette résilience enregistrée en 2023, n’est pas « de courte durée » comme le pensent les bailleurs de fonds dont le FMI. Elle est bien réelle car derrière il y a des réformes structurelles en cours d’exécution (inclusion financière, code de change…) ».
Le chef de l’Etat n’a pas manqué de rejoindre les convictions du gouverneur de la Banque centrale. En recevant, le 28 juin 2024, Fethi Nouri Zouheir venu lui présenter les états financiers de la BCT pour l’exercice 2023, Kaïs Saïed « a souligné que les résultats obtenus par la Tunisie (…) démentent toutes les prévisions négatives relayées par certains cercles », ajoutant que les indicateurs de la maitrise, au cours de cet exercice du taux d’inflation, du remboursement de la dette, des réserves en devises sont la meilleure preuve que les obstacles et les difficultés peuvent être surmontés ».
Plaidoyer pour une résilience dynamique
Par-delà cette satisfaction du pouvoir exécutif, cette résilience de l’économie tunisienne reste insuffisante en ce sens où elle n’a pas été accompagnée de mesures de relance.
Selon l’économiste et ancien ministre des finances Hakim Ben Hammouda économiste «une économie est résiliente si elle est en mesure de réagir rapidement à cette situation critique et à surmonter les désordres créés. Par conséquent, la résilience permet à une économie de retrouver sa dynamique de croissance et de développement. La résilience doit donc comprendre deux niveaux importants, le premier est statique et concerne le sauvetage des grands équilibres et les politiques de stabilisation à mettre en place pour éviter une dérive plus importante de l’économie. Le second niveau est dynamique et concerne la capacité de l’économie et des politiques économiques mises en place à assurer un rebond lui permettant de retrouver son sentier de croissance potentielle ».
Le message est désormais clair, « la résilience c’est non seulement la résistance à la chute mais également la capacité de rebondir », estime Hakim Ben Hammouda dans une communication intitulée « Comment sortir de la trappe de la résilience ? »
L’équipe du chef du gouvernement Ahmed Hachani semble avoir entendu ce message. C’est du moins au regard de récentes déclarations faites par la ministre de l’économie et de la planification Feriel Ouerghi et du gouverneur de la BCT lors de forums régionaux (forum de l’investissement en Tunisie 12-13 juin 2024) ou de rencontres avec de hauts responsables internationaux comme Ousmane Dione. Vice-président de la Banque Mondiale pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA).
Ces manifestations ont donné l’opportunité aux deux responsables tunisiens pour informer, en exclusivité, leurs auditoires étrangers d’une panoplie de réformes structurelles sur lesquelles ils travaillent actuellement.
Globalement il s’agit, entre autres, « de stimuler l’activité économique, d’accélérer le rythme de la croissance, de réformer les entreprises publiques, d’améliorer le climat des investissements dans les secteurs porteurs : transition énergétique, dessalement de l’eau de mer, recyclage des eaux usées et autres créneaux…
En dépit de leur pertinence, le seul hic dans la panoplie des réformes défendues ongles et bec devant les étrangers par les décideurs locaux réside dans le fait que les tunisiens n’en savent rien -bien n’en savent rien-.
En l’absence de communication, il semble que ces stratégies futures ont été concoctées dans des chambres noires, voire en catimini… Sans commentaire !!!
Khemaies KRIMI