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La méthodologie courtermiste des islamistes a subi un échec cuisant en ce sens où l’enveloppe budgétaire consacrée à la subvention n’a cessé de gonfler
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L’abandon de la réforme sur la compensation a généré, de 2012 à 2018, un manque à gagner irréversible de plus de 3 milliards par an
TUNIS – UNIVERSNEWS– Selon nos informations, la réduction de la compensation, un des dossiers que le gouvernement tunisien négocie, actuellement, avec le Fonds monétaire international (FMI), ferait l’objet d’un consensus presque total. Le seul point de désaccord entre l’UGTT, le gouvernement et le FMI serait le choix du rythme avec lequel sera exécutée la réforme.
Ainsi, l’UGTT dont les adhérents parmi la classe moyenne sont très sensibles à cette question, n’est pas, en principe, contre la levée de la compensation mais elle souhaite l’étaler sur cinq années et non sur deux ans ou trois comme le propose le FMI.
Pour mémoire cette option du FMI pour la gradualité courtermiste des réductions des subventions a été expérimentée, par les islamistes au pouvoir. En accédant, en 2011, au pouvoir, les islamistes avait stoppé la réforme engagée, au temps de Ben Ali, pour réduire progressivement et sans heurts la compensation et opté pour « le ciblage de la compensation ». Ce qui signifie que seuls les pauvres qui le méritent, environ 1,7 million de personnes vivant en dessous du seuil de la pauvreté, doivent en bénéficier urgemment.
Cette méthodologie courtermiste a été couronnée par un échec cuisant en ce sens où l’enveloppe budgétaire consacrée à la subvention n’a cessé de gonfler, d’année en année, sans aucun résultat significatif.
La vertu des augmentations homéopathiques
Pour remédier à cette situation, l’UGTT propose de revenir à la méthodologie engagée, depuis 2005, par l’équipe gouvernementale de Ben Ali. La démarche menée, à l’époque en partenariat avec la Banque Mondiale consistait en l’engagement du gouvernement « à mettre en œuvre un plan pour des augmentations homéopathiques des prix des produits compensés avec l’objectif de baisser la compensation à moins 1% du PIB à l’horizon 2010 ».
D’après Afif Chelbi, ministre au temps de Ben Ali: « entre 2005 et 2010, le gouvernement est parvenu à effectuer 18 augmentations de prix, tous les cinq, six mois ».
L’ancien ministre qui s’exprimait sur les plateaux de chaînes de télévision locales a précisé qu’en abandonnant, en 2012, ce processus de réductions, les nouveaux gouvernants ont compromis l’évolution naturelle d’une des plus grandes réformes entamées au temps de Ben Ali.
L’ancien ministre a révélé que l’abandon de la réforme sur la compensation a généré, de 2012 à 2018, un manque à gagner irréversible, pour l’Etat tunisien, de plus de 3 milliards par an.
Cette politique des islamistes a eu des conséquences financières inquiétantes sur le budget de l’Etat. Les experts estiment que le budget de la Caisse générale de compensation (CGC) a explosé, depuis 2011, à cause de la hausse du prix du baril de pétrole et la dévaluation du dinar. La CGC est devenue un véritable fardeau pour le gouvernement et surtout pour les bailleurs de fonds.
Ces derniers y perçoivent une source d’iniquité, particulièrement, en ce qui concerne la compensation des hydrocarbures qui profitent aux nantis et sont en plus importées en devises.
C’est d’ailleurs sous leur pression que le gouvernement actuel a décidé, ces dix derniers mois, d’entamer une levée progressive de la compensation de certains produits dont les carburants et de remplacer la CGC par un autre mécanisme celui des transferts monétaires au profit des catégories vulnérables.
L’idéal serait d’éliminer définitivement la compensation
Seulement, l’ensemble de ces approches, qu’elles soient courtermistes ou étalées dans le temps comme le propose la centrale syndicale, pèchent par le fait qu’elles privilégient les solutions à base monétaire. Elles n’ambitionnent pas de résoudre définitivement la compensation comme certains pays sont parvenus à le faire.
La panacée la plus citée dans le monde est mexicaine. En 1995, le Mexique, confronté à une crise économique aigue a décidé de changer sa stratégie de lutte contre la pauvreté. Le plus important dans cette stratégie c’est sa philosophie. Celle-ci consiste à lutter contre la pauvreté et à réduire les subventions en conditionnant le paiement d’une aide sociale à l’obligation pour les bénéficiaires de contribuer à la réalisation de certains programmes socio-économiques de l’Etat. A titre indicatif les bénéficiaires doivent s’engager à envoyer obligatoirement leurs enfants à l’école, à les vacciner et à leur faire des visites médicales régulières.
Les résultats ne se sont pas fait pas attendre. Dix ans après, le gouvernement mexicain a éliminé, progressivement, les subventions alimentaires généralisées et les subventions alimentaires ciblées. Point d’orgue de ces résultats, la disparition des subventions s’est accompagnée par la disparition progressive des bénéficiaires dont la situation s’est améliorée. Ils sont devenus par conséquents inéligibles à l’aide de l’Etat.
Cela pour dire in fine, que l’important ce n’est pas de réduire les subventions mais de programmer leurs suppression sur le long terme. La Tunisie peut s’inspirer de cette expertise mexicaine en actionnant le levier de la diplomatie bilatérale et du partenariat multilatéral (Banque mondiale, PNUD…).
BRAHIM