Tawfik Bourgou
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Les anciennes colonies ont plus coûté en aides diverses et en gestion de l’immigration qu’elles n’ont rapporté à Paris et à l’Europe en général
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Les pays de l’Afrique subsaharienne, croient naïvement remplacer par la Russie et la Chine, la France et l’Union Européenne
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Depuis le début des années 1960 à aujourd’hui le continent africain supposé riche, a englouti à lui seul près de 75% de l’aide publique au développement, venant quasi-exclusivement de l’Europe occidentale et assez majoritairement de la France.
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La stratégie « BRICS » est plus un club de pression russo-chinois pour améliorer leurs relations avec l’Occident qu’une initiative économique alternative à l’Occident
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Les pays africains qui se gargarisent aujourd’hui de leurs «souveraineté retrouvée» sont ceux qui piétinent le plus la souveraineté des autres en poussant une immigration de masse vers le Maghreb et vers l’Europe
TUNIS – UNIVERSNEWS Soixante-deux ans après, on repasse le même film à Alger, Bamako, Dakar, Ouagadougou, Ndjamena ou Bangui. Soixante-deux ans après la fin des colonisations, les « élites » aux pouvoirs, soit largement nées après l’indépendance, soit faisant partie d’une nomenclatura gérontocratique, jouent face à des gradins vides, en solo, la pièce de « Colonisation et indépendance » (on n’oserait pas écrire « location et dépendance ») avec en prime la recherche d’une rente financière sur fond de mémoire reconstruite pour la énième fois. C’est à la fois pathétique et ridicule.
Sur fond de soutiens indirects à une Russie en incapacité de l’emporter contre une Ukraine exsangue pourtant, les pays africains croient avoir lancé un bras de fer avec Paris. La France a fermé toutes ses bases militaires en Afrique subsaharienne, on peut le dire ouvertement, c’est vraisemblablement la meilleure chose que la France a eu à faire depuis 1960. L’Afrique prise globalement est un fardeau pour la France et pour l’Europe. Les anciennes colonies ont plus coûté en aides diverses et en gestion de l’immigration qu’elles n’ont rapporté à Paris et à l’Europe en général.
La rente mémorielle qui a permis d’attirer protections et aides diverses a fini par aboutir au strict contraire pour les pays d’Afrique en général et va finir par se tarir aussi pour l’Algérie, qui s’est lancée dans une sorte de politique inamicale vis-à-vis de la France sur fond d’affaire du Sahara marocain et avec en arrière-plan l’aide indirecte de l’Algérie à la Russie.
L’Algérie reçoit 800 millions d’Euros d’aide publique au développement principalement de la France. Ses responsables politiques bénéficient d’un privilège de visite de la France, pour agrément, sans visa depuis 2013, il leur suffit d’exhiber un passeport diplomatique. Si on songe aux 2 millions d’immigrés algériens en France et aux quelques 100 000 clandestins, cela relativise la notion d’indépendance, de souveraineté et même « d’égale dignité ». Telle est la réalité des anciens colonisés. Tous sans exception aucune. Ils « trompettent » devant leurs peuples des slogans d’anticolonialisme et à la première occasion tentent de négocier des privilèges de visas pour eux-mêmes. C’est indigne.
Les pays de l’Afrique subsaharienne, croient naïvement remplacer par la Russie et la Chine, la France et l’Union Européenne. Un simple examen des chiffres et des flux montre la stratégie perdante immédiatement des africains et des maghrébins.
Depuis le début des années 1960 à aujourd’hui le continent africain supposé riche, a englouti à lui seul près de 75% de l’aide publique au développement, venant quasi-exclusivement de l’Europe occidentale et assez majoritairement de la France. En pure perte, il suffit de façon réaliste de regarder de près l’état des économies africaines. Toutes sans exceptions sont en perte de vitesse, aucune ne s’est insérée de façon complète dans le jeu économique mondial. Même les pays à ressources en lien avec la Chine ou avec la Russie sont dans des situations critiques.
Hormis le Maroc, les économies de l’Afrique du nord n’ont qu’une insertion anecdotique dans la globalisation actuelle. Même la Chine supposée être l’alternative à l’Union Européenne est plus présente au Maroc qu’en Algérie ou en Tunisie. La Russie et la Turquie sont quant à elles plus dans une logique de la prédation des ressources au sens du XIXe siècle que dans une logique de coopération. Quant à la stratégie « BRICS », on voit ses limites chaque jour. Il s’agit plus d’un club de pression russo-chinois pour améliorer leurs relations avec l’Occident qu’une vraie initiative économique alternative à l’Occident.
De fait, les pays de la « rente des ressources » et de la « rente mémorielle » se sont rendus vite compte que Moscou n’est pas l’allié certain, il suffit de se rappeler le sort de Bachar Al Assad, lâché par Poutine suite à un accord avec Israël et les Etats-Unis. Moscou ne lui a offert que l’asile, pour un temps. Quant aux chinois, ils ne s’intéressent qu’aux pays solvables et n’aident personne politiquement. Ils peuvent offrir des feuilletons radiophoniques, mais là s’arrête la générosité.
Après avoir tenté de jouer la rente des ressources et la rente mémorielle avec Paris, Alger s’est vite rendu compte des limites de l’exercice. D’abord, contrairement à ce que croient beaucoup, le gaz algérien est négligeable dans l’équation énergétique française, moins de 8% de la consommation hexagonale. Seule l’Italie dépend du gaz algérien au point que cette dépendance a amené Rome à vouloir vassaliser la Tunisie via l’Algérie à cause du corridor de passage du gazoduc algérien. Mais cette dépendance n’est que momentanée. Dans la décade qui s’ouvre, celle-ci cesserait.
Alger a compris aussi que Paris est dans la volonté de renégocier le traité franco-algérien de 1968. Cette renégociation semble inéluctable, car le traité en lui-même devient problématique pour la sécurité nationale française.
Par ailleurs, les faits sont têtus et sont au détriment de l’Algérie. Comme tous les pays de la rente mémorielle vis-à-vis de la France, l’Algérie a une diaspora de 2 millions de personnes vivant et travaillant en France. C’est de loin le contingent le plus important. Les Algériens sont aussi la communauté la plus importante d’immigrés illégaux en France avec des arrivées via l’Espagne et la Tunisie. Paris a décidé de fermer le robinet et a entrepris de bloquer les flux.
Les pays africains qui se gargarisent aujourd’hui de leurs «souveraineté retrouvée» sont ceux qui piétinent le plus la souveraineté des autres en poussant une immigration de masse vers le Maghreb et vers l’Europe au point de tenter de coloniser ouvertement et sciemment la Tunisie. Les régimes africains vivant de la rente mémorielle nourrissent leurs peuples de fausses revanches, de paroles et de vociférations. Le Mali, le Burkina, le Niger, le Tchad et même le Sénégal ont de grandes difficultés à remplacer la France et l’Union Européenne. Les aides venant d’autres pays sont anecdotiques et limitées en même temps que commence à apparaitre un terrorisme de plus en plus violent.
Le Tchad a récupéré ses bases, le Niger a gardé son uranium qui ne constituait que 12% des besoins de la France remplacé aussitôt par le Kazakhstan. Le Sénégal a un grand contingent d’étudiants dans les universités françaises, comme tous les pays africains et du Maghreb. Il n’est pas certain que la Chine ou la Russie, encore moins les Etats-Unis accepteraient un tel contingent quasi-gratuitement.
La rente issue de la présence des diasporas dans les pays de l’Europe occidentale et en France spécialement, constitue une source majeure de devises pour les pays d’Afrique. La diaspora malienne vivant en France fait vivre l’Etat malien, les envois des Tunisiens de France sont la première source de devises du pays. Cette réalité multiforme, économique ne semble pas avoir retenu l’attention des régimes africains et ceux de la rente mémorielle, même ceux vivant de la rente des ressources. Le vent va tourner en Europe, il est vraisemblable qu’avec le retour de Trump à la Maison Blanche, certainement un accord avec la Russie, que les rapports avec l’Afrique et le Maghreb seront moins importants hormis l’immigration clandestine que l’Europe peut juguler quasi-militairement.
Englués dans leurs contradictions, leurs retards économiques, leur sous-développement endémique, malgré parfois des rentes de ressources considérables, les pays de la rente mémorielle ressassent soixante ans après les mêmes antiennes à des peuples dont la seule envie est d’immigrer fut ce clandestinement et de vivre dans la terre des anciens « colons ». Les peuples ont compris que l’écart entre les promesses et les réalités ne sera pas comblé par la logorrhée de la rente mémorielle de régimes en fin de parcours.
T.B.
Politologue