- Cette amélioration de la notation ne nous a pas retiré de la liste des pays classés à haut risque CCC, et ne nous ne permet pas sortir sur le marché financier international
- Il ne faut pas oublier que le coût de cette situation a été élevé, à savoir la contraction économique, l’aggravation du taux de chômage et l’augmentation des prix
- L’amélioration des équilibres extérieurs, a été faite au détriment de l’approvisionnement du marché intérieur en produits de base nécessaires et en médicaments, notamment les matières premières et semi-manufacturées nécessaires à la production
- Pourquoi ne pas recourir effectivement à l’emprunt auprès du FMI, qui est le moins cher, surtout que Fitch Rating a amélioré ses chiffres en se basant sur le fait que la Tunisie poursuit ses réformes, notamment celles liées à la masse salariale
TUNIS – UNIVERSNEWS – L’universitaire Ridha Chkoundali est revenu sur le relèvement, par Fitch Rating, de la note de défaut émetteur (IDR) de la Tunisie à « CCC+ », contre « CCC- » auparavant. Dans son interview accordée à Universnews, il a souligné que cette classification s’adresse principalement aux prêteurs, en particulier aux investisseurs étrangers sur le marché financier international. « Cette amélioration de la notation est bonne pour l’image de la Tunisie auprès des institutions internationales, dont le Fonds Monétaire International (FMI), même si nous ne nous en occupons pas, mais elle ne nous a pas retiré de la liste des pays classés à haut risque CCC, et donc, avec cette amélioration de la notation, nous ne pouvons pas sortir sur le marché financier international», a-t-il expliqué.
Un coût économique très élevé
Selon lui, l’agence s’est appuyée principalement sur l’amélioration des indicateurs financiers, notamment une amélioration des réserves en devises et de la capacité à rembourser les dettes, notamment étrangères, et une amélioration de la balance commerciale et courante, qui sont des réalisations importantes réalisées par le gouvernement, mais il ne faut pas oublier que le coût économique de cette situation a été élevé, à savoir la contraction économique, l’aggravation du taux de chômage et l’augmentation des prix.
Il a par ailleurs indiqué que l’amélioration des équilibres extérieurs, qui ont été approuvées par l’agence pour améliorer la note souveraine de la Tunisie, comme la balance commerciale et la balance courante ont été faites au détriment de l’approvisionnement du marché intérieur en produits de base nécessaires et en médicaments, notamment les matières premières et semi-manufacturées nécessaires à la production, sans laquelle la croissance économique ne peut pas s’améliorer ni lutter contre le chômage et la hausse des prix.
Chkoundali a en outre indiqué que ce qui compte pour les institutions internationales, y compris Fitch Rating, c’est la capacité du pays à rembourser ses dettes : «Ces institutions travaillent pour le compte des prêteurs et ne se soucient pas des conséquences de cela sur le citoyen tunisien. De même, ce qui compte pour les prêteurs, c’est la capacité des pays à rembourser l’argent qu’ils ont prêté», a-t-il estimé.
Dans le même ordre d’idées, l’universitaire a rappelé qu’il y a un mois, ces agences ont attribué une bonne notation aux banques tunisiennes, car elles ont réalisé d’énormes bénéfices ces dernières années, faisant remarquer que cette notation évalue le niveau de risque auquel elles sont confrontées : « Puisque nos banques tunisiennes prêtent essentiellement à l’État avec zéro risque, elles ont amélioré leur notation au détriment de l’économie réelle malgré un déclin de la croissance et une aggravation du chômage. », a-t-il encore dit.
Des réformes qui donnent satisfaction au FMI
Et d’expliquer dans le même cadre que : «si l’on considère que cette amélioration de la note reflète la réussite du gouvernement, et c’est bien ce que le gouvernement considère comme une réussite à travers un discours économique (paiement de la dette étrangère et amélioration des réserves en devises) qui satisfait effectivement les institutions internationales, au premier rang le Fonds monétaire international, alors pourquoi ne pas recourir effectivement à l’emprunt auprès de ce Fonds, qui est le moins cher? », a-t-il souligné.
« Si nous ne voulons pas des diktats du FMI, pourquoi avons-nous recours à leur mise en œuvre intégrale? L’agence a amélioré ses chiffres en se basant sur le fait que la Tunisie poursuit ses réformes, notamment celles liées à la masse salariale. Cela satisfait le FMI, facilite les négociations avec lui et pose le problème du double discours économique», s’est exclamé Chkoundali.
Selon Ridha lui, le discours doit s’adresser au citoyen tunisien, soucieux avant tout de préserver ses revenus, d’améliorer son pouvoir d’achat et l’avenir de ses enfants en obtenant un emploi stable, et ne se soucie pas d’améliorer les équilibres internes ou externes ou la capacité du pays à rembourser sa dette car tout cela relève du devoir de l’État : « Lorsque les indicateurs économiques réels s’amélioreront, notamment au niveau de la croissance économique, le contrôle des prix et la création de sources de revenus, tous les indicateurs financiers mentionnés par l’agence dans l’amélioration de sa notation pour la Tunisie s’amélioreront respectivement», a-t-il encore précisé.
Une position extérieure plus forte de la Tunisie
Il convient de rappeler à ce propos que le 16 septembre 2024, l’agence de notation Fitch Rating a relevé la note de défaut émetteur (IDR) de la Tunisie à « CCC+ », contre « CCC-« , faisant remarquer que cela reflète sa confiance accrue dans la capacité du gouvernement tunisien à répondre à ses importants besoins de financement budgétaire. Ceci est dû à la position extérieure plus forte de la Tunisie qui lui permet de maintenir ses réserves internationales à un niveau suffisant pour faire face aux paiements extérieurs courants et aux obligations de la dette ».
Fitch Rating a également estimé que cette situation est contrebalancée par des besoins de financement toujours élevés, un accès limité au financement extérieur, l’incertitude quant à la capacité et à la volonté du secteur bancaire d’assumer d’importants volumes de dette intérieure et un budget qui reste vulnérable aux chocs extérieurs.
L’agence note aussi que la capacité de la Tunisie à faire face aux obligations de la dette extérieure en 2024-2025 s’est améliorée, avec un déficit du compte courant (CAD) plus faible, renforçant les réserves internationales au-delà de leurs attentes précédentes.