TUNIS – UNIVERSNEWS (INTERVIEW) – L’intelligence artificielle est omniprésente dans de nombreux domaines aujourd’hui. On la retrouve dans les assistants des voitures, dans les téléphones pour faire de la reconnaissance faciale, pour générer des images ou en tant qu’assistants virtuels. Depuis plusieurs années, l’intelligence artificielle (IA) est utilisée au quotidien. Mais le développement fulgurant suscite toutefois de nombreuses craintes. D’une grande complexité technique, les systèmes d’IA fascinent autant qu’ils inquiètent comme l’atteste Ridha Zahrouni, Président de l’Association tunisienne des parents et des élèves. Le développement de l’intelligence artificielle : risque ou opportunité ?
- Universnews : Quelle place pour l’intelligence artificielle dans l’éducation ?
Ridha Zahrouni : L’intelligence artificielle (IA) offre des potentialités pour relever nombre de défis majeurs dans l’éducation, innover dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Actuellement, l’IA est utilisée dans l’éducation de diverses manières, depuis les chatbots qui fournissent une assistance aux étudiants 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 jusqu’aux algorithmes d’apprentissage personnalisés qui s’adaptent aux besoins de chaque élève.
Les outils alimentés par l’IA sont également utilisés pour automatiser les tâches administratives, telles que la notation des devoirs et la fourniture d’un retour d’information. En outre, l’IA est utilisée pour analyser de grandes quantités de données afin d’identifier des modèles et des idées qui peuvent éclairer l’élaboration de nouvelles stratégies et politiques éducatives.
- L’IA a évolué pour devenir une technologie de pointe, utilisée dans une multitude d’applications. A qui profitent les technologies de pointe ?
Les technologies de pointe résultent tout simplement de l’aptitude du génie humain et de son intelligence à dompter les énormes potentiels des technologies de l’information et de la communication pour tirer le maximum de profits des incroyables des performances de la numérisation en termes de gigantesque capacités de données gérées et archivées, de rapidité vertigineuse et de précision chirurgicales au niveau des traitements, de l’étendue incroyable des domaines d’applicabilité et d’employabilité, de réduction évidente de coûts. D’où un gain évident et considérable au niveau de la productivité, de valeur ajoutée et de retour sur investissement.
Personnellement, je considère que la maîtrise des technologies de l’information et de communication et leur bon emploi, est d’un apport considérable pour le développement de l’économie numérique, comparable à l’apport économique généré par l’invention de la roue notamment pour les domaines des transports et de la mécanisation. Aujourd’hui on parle de plus en plus d’intelligence artificielle, une vraie course engagée par plusieurs pays pour faire partie des leaders mondiaux dans ce domaine, de l’internet des objets pour rassembler des masses de données se rapportant aux connaissances et aux différentes formes de savoir, de big-data ou métadonnées issues de croisement de multitudes de données de natures et d’origines différentes destinées à une exploitation professionnelle ou personnelle. On peut évoquer également la succession des générations d’internet, le développement de la robotique et des voitures sans chauffeur, le stockage et la transmission des données par blockchain, le développement des drones, l’édition des génomes, l’impression en trois dimensions (3d), les nanotechnologies qui s’intéressent aux molécules et aux atomes, du photovoltaïque.
Pratiquement tous les utilisateurs sont concernés : Etats, entreprises, universités, écoles, chercheurs, concepteurs, développeurs et citoyens ordinaires, etc. Tous les domaines sont également concernés y compris les domaines sensibles et pointus tels que la santé -avec les diverses applications se rapportant à la médecine, aux diagnostiques, au suivi, à la microchirurgie, etc.-, la sécurité, la défense, l’espace, etc. Sans oublier l’informatique classique et quotidienne qui reste d’actualité et qui se rapporte à des actes de gestion, de simulation d’assistance et de prise de décision.
Et bien que ces technologies de pointe génèrent de réelles craintes quant à leur emploi et provoquent certains effets négatifs à cause de leur nature à creuser les inégalités entre /intra sociétés, à accroître la fracture numérique et à perturber la cohésion sociopolitique, elles deviennent de plus en plus nécessaires pour atteindre les objectifs de développement durable et pour aider nos jeunes à prendre conscience de leurs talents en passant de la procréation à l’innovation et en réalisant leurs propres succès story.
- Quelles politiques devrions-nous mettre en œuvre pour mieux profiter des technologies de pointe ?
Pour bien nous préparer à relever le défi qui consiste à faire des technologies de pointe un vrai vecteur de progrès dans tous les domaines, il nous faut commencer par augmenter nos capacités nationales en matière d’investissement dans les infrastructures de base et dans le capital humain par le biais de politiques bien réfléchies et de stratégies bien conçues pour accroître les efforts déployés pour étendre le champ d’action et multiplier les domaines d’intervention technologique. Toutefois, il nous faudrait tout d’abord assainir la situation économique, sociale et politique du pays, relancer les bases de notre production avec une bonne maîtrise des technologies existantes. En parallèle, il nous faut agir sur les leviers des secteurs innovants : la plupart d’entre eux sont encore fragiles, objets de plusieurs défaillances à la fois systémiques, structurelles, réglementaires, procédurales etc.
Des politiques et des stratégies qui devraient être alignées et nivelées sur les politiques et les stratégies nationales en matière de science, de technologie et d’innovation ainsi sur les politiques de productions traditionnelles en accélérant la transformation structurelle de l’économie dans le cadre d’une synergie avec les autres politiques économiques du pays: industrielles, commerciales, fiscales, monétaires et notamment celles se rapportant à l’éducation, à l’enseignement et à la formation. Toutes les forces vives du pays devraient collaborer ensemble pour amplifier le potentiel des technologies dans le but d’accroître en urgence leur productivité.
Des stratégies qui devraient préalablement prendre conscience de l’importance des ressources humaines pour garantir la réussite de toutes les politiques à mettre en œuvre. Des hommes et des femmes qui devraient disposer des qualifications et des compétences numériques nécessaires pour adopter et adapter les technologies de pointe dans les bases de production déjà existantes chez nous et également ailleurs, dans d’autres pays, dont plusieurs sont en quête de cerveaux. Des personnes ayant pour motivation la prospection des opportunités de développement du secteur des technologies de pointe comme objectif et moyen, planifier et décider des politiques à mettre en place, développer les stratégies nécessaires, concevoir les systèmes, les réaliser les valider, assurer leur bonne exploitation. Les utilisateurs ordinaires qui font partie de la population qui se connectent eux aussi à Internet pour satisfaire leurs besoins en informations et données hébergées par les sites se trouvant à des milliers de kilomètres et pour accéder à des services à distance. Les technologies de pointe exigent en effet une numérisation à outrance et une connectivité très étendue allant jusqu’aux quatre coins de la planète. Il nous faut non seulement mettre en œuvre des mesures incitatives et réserver les ressources nécessaires pour accroître l’accès au réseau internet, mais aussi pour mettre en place les plates-formes par lesquelles ces utilisateurs peuvent se connecter.
- Quels sont les réels dangers de l’intelligence artificielle à l’heure actuelle ?
Plusieurs fictions ont mis en scène l’aptitude de cette intelligence à mettre en péril l’avenir de l’humanité ou à s’incruster pour nuire à la vie des gens. Des discours de notoriété tels que Stephen Hawking physicien britannique décédé en 2018 ou de nombreuses personnalités de la Silicon Valley, concourent à éveiller chez les êtres humains la crainte que l’intelligence artificielle ne détruise un jour l’humanité. On a organisé même des sommets à haut niveau sur la régulation de l’IA. La Maison-Blanche a signé un décret pour encadrer l’emploi de l’IA et l’Union européenne voudrait se doter d’une réglementation avant-gardiste sur le sujet.
Il faut prendre conscience du fait que l’IA dite générative, c’est-à-dire capable de produire textes, images et sons sur une simple commande en langage courant, soulève notamment la question sur le devenir des emplois qui seraient remplacés par la machine, dont plusieurs tâches le sont déjà, essentiellement dans de nombreuses industries, de l’agriculture aux usines. Avec ses capacités génératives, l’IA touche désormais aussi le personnel administratif, les juristes, les médecins, les journalistes, le corps enseignant, et de nombreux autres métiers. Sur un autre plan, la création de la richesse va certainement changer de mains et d’envergure et sa répartition poserait certainement plusieurs questions. Comme évoqué ci- dessus, certains outils sont capables de générer des images sur demande, une technologie qui en un sens va s’inspirer ou utiliser des œuvres mis en ligne, et ce sans la permission des auteurs concernés et sans leur rémunération. Une technologie qui peut servir également pour faire valoir des connaissances que l’on ne maîtrise pas. Un professeur s’est posé la question sur le moyen pour reconnaître si les résultats des travaux de recherches de ses étudiants sont bien les leurs ou issus de l’IA.
Un autre sujet d’inquiétude porte sur la désinformation et le cybercrime. On sait bien que les fausses informations et les hyper-trucages ne sont pas nouveaux, mais l’IA générative fait craindre plus que jamais un déferlement de faux contenus en ligne. En outre, elle va faciliter certainement l’escroquerie et la malversation, des gens malintentionnés pourraient créer des offres malveillantes, sortes d’hameçons très convaincants. Ayant toujours dans l’esprit que cette technologie rend facile la copie d’un visage ou d’une voix, ce qui permet donc de piéger des gens en leur faisant croire toute sorte de spéculation et les plus invraisemblables des scénarios.
Aujourd’hui et plus que jamais on doit être conscient que plusieurs spécialistes du domaine craignent qu’une IA ne devienne capable de raisonner au point de pouvoir prendre le contrôle sur les êtres humains. C’est une simple fiction ou une réalité, mais c’est une éventualité qu’on doit prendre très au sérieux. On doit savoir que l’on est en train de travailler réellement à la construction d’une intelligence artificielle qui serait plus intelligente que l’Homme et, comme raison invoquée, servir son bien-être. Elle s’appuie sur l’utilisation à grande échelle de ses modèles de vie pour identifier les problèmes avant de le résoudre. Mais l’expérience nous a prouvé à travers l’histoire de l’humanité, qu’autant la puissance de l’outil, et peu importe son domaine, peut servir l’Homme quand elle est entre de bonnes mains, elle peut être très nocive pour l’humanité quand elle tombe entre les mains de malintentionnés.
M.S.