Tunis – UNIVERSNEWS (Education) – Les vacances scolaires ont deux dimensions principales aux yeux des Tunisiens : le repos et la découverte. Elles représentent en premier lieu une période de récupération après un trimestre chargé en travail. Pourtant, si les vacances constituent bien un élément essentiel de la vie de tout un chacun, les Tunisiens sont loin d’être égaux devant ce sujet. Pour certains, le temps libre n’existe pas, c’est du temps mort, vide, de la morosité, de l’ennui, de l’oisiveté. Les inégalités devant l’accès aux vacances se reflètent-elles aussi dans des différences de durée, de destination, de mode d’hébergement et de transport ? Ont-elles tendance à se réduire ou au contraire à perdurer ? Les explications de Ridha Zahrouni, président de l’Association tunisienne des parents et des élèves
- UNIVERSNEWS : Les vacances scolaires creusent-elles les inégalités scolaires ?
Ridha Zahrouni : Les lois qui régissent le travail garantissent les droits des travailleurs à des congés annuels, dont les durées et les modalités varient suivant les secteurs, les spécialités et les domaines d’activité. Des périodes de repos, jugées nécessaires pour le maintien de la forme physique et mentale de l’employé. Ce qui n’est malheureusement pas le cas pour nos enfants. Fermer les portes des établissements scolaires pour interrompre les cours ne signifie aucunement que nos enfants vont jouir de vraies vacances et c’est loin d’être la parenthèse dans le quotidien dont ils ont tous besoin.
L’emploi de ces périodes de trêve qu’offrent les calendriers scolaires est généralement géré par les familles indépendamment de la volonté et des besoins de repos et de détente de leurs enfants. Les uns se trouvent contraints à suivre des cours particuliers jugés nécessaires par les parents pour améliorer le niveau s’ils veulent réussir leur cursus de scolarité avec de bonnes moyennes ou dans les collèges et lycées pilotes. Les cours particuliers semblent être la solution miracle, un phénomène qui prend de l’ampleur même pendant les vacances d’été. Ces élèves suivent le temps scolaire fixés par les programmes d’enseignement officiels, un temps pour les cours particuliers et un temps pour réviser et faire leurs devoirs chez soi.
Les autres se dépensent dans les champs pour aider les parents dans leurs activités agricoles ou dans différentes tâches rémunératrices, pour participer à côté de la famille à la guerre qu’elle mène au quotidien contre la cherté de la vie et l’érosion de leur pouvoir d’achat. Pour le reste des enfants on les voit, soi dans les lieux publics comme les cafés ou les salles de jeux s’ils ont les moyens, l’âge et le physique qui convient, où ils restent chez eux dans le cas contraire. C’est-à dire des filles et des garçons, quand ils ne sont pas à l’école, ils se trouvent obligés d’exercer des occupations, loin d’être prioritaires et utiles pour eux.
- Quelles sont les pistes pour que partir en vacances devienne un droit effectif ?
Les vacances permettent un temps d’évasion, d’émancipation, de lien social, de dépassement et d’estime de soi, de découverte et de retrouvailles. Elles sont également un réel vecteur d’éducation. L’accès aux vacances est aussi vital que le droit de se nourrir. Pour les personnes, c’est une pause dans un quotidien difficile qui permet de resserrer les liens familiaux, de renouer les liens sociaux. Les vacances scolaires devraient être des périodes attendues avec impatience par les élèves pour rompre avec les longues heures d’école, les examens difficiles et stressants, les déplacements et les aléas de la route, les discussions violentes et les disputes entre camarades qui se vivent au quotidien à l’intérieur et en dehors des enceintes de nos écoles, et avec la pression soutenue des parents. Des périodes au cours desquelles nos enfants auraient dû se détendre pour exercer une multitude d’activités de détente et de loisir pour leur permettre de se découvrir de nouveaux talents, se faire de nouveaux amis, apprendre de nouvelles choses, etc. Des occupations nécessaires pour s’aérer la tête quand la rupture se fait réellement avec le quotidien. . Ce qui est nécessaire pour leur permettre de grandir dans les meilleures conditions et pour renforcer leur confiance en soi et développer leurs aptitudes et compétences humaines, culturelles, et sociales. Une alternative qui n’est aujourd’hui permise que pour les familles très aisées. Il nous faut reconnaître que pour les enfants de familles à très petit budget et à moyens limités, la majorité écrasante de nos familles, de vraies vacances ne figurent même pas parmi leurs rêves, quand on sait que 40 % des citoyens tunisiens gagnent moins de 417 dinars par mois. Et ça fait mal.
- La durée des vacances, et la forme qu’elles prennent, jouent –elles donc un rôle indéniable dans l’écart de l’apprentissage entre élèves favorisés et défavorisés ?
Les vacances scolaires, notamment celles de l’été, accentuent immanquablement la discrimination entre les familles et les régions à cause inégalités scolaires entre les apprenants. Les enfants des familles aisées ont la possibilité de préparer chaque rentrée avec le maximum d’atouts en remédiant aux défaillances constatées au niveau des acquis et des connaissances. A l’opposé, les enfants des familles démunies se trouvent avec des chances de réussite encore réduites, à cause des périodes qu’ils passent loin de l’école et de la perte d’une partie de leurs acquis scolaires. Les décideurs sont invités à réfléchir sérieusement sur le sujet, la réforme de notre système éducatif est une réponse urgente à ce dilemme, la première, en attendant l’amélioration de la situation économique et sociale du pays, c’est à dire l’amélioration des conditions de vie des foyers et de leur pouvoir d’achat. (M.S)