L’affaire de la société aérienne privée, Syphax Airlines continue à susciter des points d’interrogation et des zones d’ombre. Après un démarrage en trombe, la compagnie a commencé à connaître des déboires et des difficultés, et surtout des dettes monstres s’élevant à des centaines de millions de dinars envers plusieurs créanciers dont notamment la Banque nationale agricole, l’Office de l’aviation civile et des aéroports (OACA), la Société nationale de distribution pétrolière (SNDP)
Retour sur une genèse d’une faillite annoncée…
Pour revenir aux sources, on s’aperçoit que la compagnie a connu, lors de son lancement, un montage financier pas compliqué du tout. Il est même des plus classiques : Il s’agit d’apports en fonds propres de Mohamed Frikha, directeur fondateur de la compagnie, issus du cash out perçu de l’introduction en Bourse de Telnet en plus d’un crédit bancaire et d’un appel public à l’épargne suite à l’introduction en Bourse de Syphax dans le marché alternatif (une levée de 11 millions de dinars).
Mais si le démarrage a eu lieu dans les normes, quelles seraient les raisons de l’arrêt des activités de Syphax ? Selon des experts ayant suivi l’affaire, on mentionne, d’abord, la saisie et le recours de l’IATA suite à la multiplication des impayés, saisie des avions, suspension de la licence et procédures spéciales concernant les faillites des entreprises au niveau du ministère de l‘Industrie.
Et aux mêmes experts d’ajouter que la sous-capitalisation de Syphax outre la prise de risques excessifs et un développement mal géré, ont précipité la chute de la Compagnie. Mais déjà les alertes ont commencé depuis le fameux rapport du Commissaire aux comptes en 2014 qui a relevé près de 11 réserves et avait refusé la certification des comptes de l’entreprise !…
Or, il est logique de se demander comment Mohamed Frikha a-t-il réussi à obtenir une autorisation de reprises des activités ? Et est-il effectivement en mesure d’honorer ses engagements, plus précisément les centaines de milliards de dettes ?
Les connaisseurs assurent que ce n’est pas du tout normal dans le sens où ils sont persuadés que Mohamed Frikha « a toujours utilisé sa position politique et son affiliation au parti Ennahdha pour obtenir des faveurs et contourner les règles et les procédures en vigueur ».
Et il semble que jusqu’à nouvel ordre, Syphax Airlines n’a pas réglé l’ensemble de ses impayés notamment ceux relatifs aux prestations fournies par la SNDP (plus de vingt millions de dinars, l’OACA ainsi qu’un crédit bancaire de la BNA (7 millions de dinars environ) qui a servi au rachat du jet privé exproprié de Sakhr Materi. Mais, Mohamed Frikha compterait sur la relance des activités pour obtenir des fonds qui serviront à rembourser ses anciens engagements, ce qui n’est pas du tout évident.
D’autre part, et concernant les présomptions pesant que la compagnie quant à un probable rôle dans les voyages des jeunes vers les foyers de tension à travers la Turquie, puisque la majorité des voyages assurés par Syphax ont été dirigés vers un petit aéroport près d’Istanbul en Turquie. Et la question qui se pose ici est la suivante :Y a-t-il eu une enquête sérieuse sur la nature des vols de Syphax, surtout le nombre des vols vers la Turquie, et peut-on obtenir un « inventaire » de ces vols et des noms des passagers ?
La réponse est « non » pour la simple raison qu’il n’y a pas beaucoup d’informations relatives à ces questions. Toutefois, bon de rappeler qu’une seule enquête a eu lieu à ce propos par une commission parlementaire présidée par la députée, Leïla Chettaoui, appartenant à l’époque au parti Machrou Tounès.
Elle disait en substance : « «il s’agit d’un dossier d’Etat. Parmi tous les dossiers de corruption, celui de Syphax est sans doute le plus important à traiter. Il porte atteinte à l’Etat puisque Mohamed Frikha a acheté cet avion qui appartenait à Sakher El Materi avec l’argent de l’Etat ».
Mais maintenant que l’autorisation est renouvelée, les partisans de Syphax estiment que le blocage de la reprise de l’activité de Syphax Airlines représente un cas énigmatique dont les raisons sont inexplicables. « Bien que la compagnie ait respecté, selon ces mêmes partisans, le plan de redressement ordonné par la justice et qu’elle a déployé de considérables efforts pour régulariser sa situation afin de reprendre ses activités, et bien qu’elle se soit dotée depuis de longs mois de deux avions Bombardier CRJ 900, Syphax Airlines est toujours bloqué par le Conseil supérieur de l’aviation civile (CSAC).
Pour conclure, comment se présente, alors, l’avenir de Syphax, si elle a un avenir, bien entendu ? Les experts répondent comme suit : « Syphax Airlines n’aura pas les mêmes activités ni les mêmes faveurs ou passe-droits obtenus avant (notamment de faire voler les avions de l’aéroport Tunis – Carthage alors que l’ancien agrément stipule que ça doit être de Sfax !)
Sans oublier qu’il y a un problème de crédibilité difficilement surmontable dans le domaine très sensible de l’aéronautique. En tout état de cause, le cas de la Syphax Airlines est jugé, selon ses détracteurs, comme étant rocambolesque à cause de certaines anomalies dont «la spoliation des actionnaires, une éventuelle manipulation des comptes et un refus de se soumettre aux règles et procédures en vigueur. En bref, ça restera dans les annales des cas de faillites retentissantes en Tunisie ! »