Par Hatem ZAARA
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Le risque financier majeur ne peut provenir que des pays émergents.
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Le FMI cherche, avant tout, à sauver son vieux système où il puise sa force et son existence
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Il y a un détournement méprisant des aides collectées au nom de la COVID vers des emplois inconnus
En parcourant les différents rendus des panels des Réunions Annuelles du FMI j’ai déduit avec beaucoup d’appréhension et d’anxiété la nouvelle position de la plupart des économistes et des institutions financières internationales.
Une position non sans dégâts qui admet que le risque financier majeur ne peut provenir que des pays émergents.
Ils estiment sans le moindre doute que la situation économique et financière de ces pays souffre de plus en plus du cocktail Molotov suivant :
- Une chute sans précédent de leurs exportations
- Un niveau très élevé de leurs monnaies domestiques
- Un gonflement exponentiel de leurs dettes
- Un détournement méprisant des aides collectées jusque-là au nom du COVID vers des emplois inconnus
- Une absence de réformes et donc une fuite en avant en attendant un jour meilleur qui ne viendra jamais
- Et j’ajoute avec amertume la disparition pour le cas de la Tunisie de la valeur Travail
Or cette évaluation certes défendable du risque majeur me rappelle également une position diamétralement opposée des mêmes économistes lorsque survint il n’y a pas longtemps la crise grecque ou la crise italienne.
La générosité était alors bien au-rendez-vous puisqu’il s’agit en fait de sauver les grands créanciers.
L’analyse cette fois-ci est plus singulière. Elle s’inscrit dans un modèle d’évaluation tout à fait autre de stress test et de calculs stochastiques qui identifie et détermine le maillon le plus faible de la chaîne de crédit ainsi que le risque de le voir écrouler avec lui le grand Breton Woods.
Et comme on n’est pas prêt d’oublier de si peu l’affaire Lehman Brothers, il est évident que le modèle retenu prévoit une forme de château de cartes qu’ils redoutent et qui commence par :
- une succession d’impayés des dettes privées,
- une remontée rapide vers les fameuses garanties et engagements par signatures données à bras ouverts et à la va vite par les Etats et gouvernements,
- un atterrissage en catastrophe chez les banquiers centraux locaux comme c’est toujours le cas
- un dossier certainement indéfendable à produire pour les bailleurs de fonds et à leur tête l’incontournable FMI
Mais cette fois-ci, il est clair que le sort de ce fameux dossier sera tout autre. Le FMI, pour ces pays émergents, brandira certainement un nouveau dictat légitime et rationnel bien loin des discours farfelus et humanitaires qu’il n’a cessé d’employer depuis le début de la crise sanitaire.
Un nouveau traitement chimio thérapeutique sera ainsi dispensé sans la moindre vergogne aux économies les plus métastasées afin de sauver principalement les créanciers majeurs.
Sauf que l’histoire nous a souvent enseigné que ce sont toujours les dettes qui provoquent les plus douloureux désordres et ensuite la recherche lente de nouveaux équilibres ou compromis.
Et là j’essaie toujours de me rappeler la phrase suivante sur le site du FMI « A époque exceptionnelle, action exceptionnelle » et j’ajoute parmi la série de mesures proposées la suspension des remboursements des dettes bilatérales officielles pour les pays pauvres jusqu’à la fin de 2020.
Toutefois la 2ème vague de la pandémie s’annonce pour certains pays plus meurtrière, je suis donc curieux de voir la réaction du FMI si on lui demande aimablement de suspendre tout simplement les règlements rien que pour le 1er semestre de l’année 2021 et de radier de manière populiste les intérêts intercalaires !
Malheureusement, cette demande sous forme de vœux me rappelle un fameux proverbe arabe qui dit que « pour qu’on t’obéisse demande le possible ».
Et là, il est évident que la Banque Centrale du Monde en l’occurrence le FMI doit, avant tout, sauver son vieux système à partir duquel elle puise sa force et son existence quitte à sacrifier au passage certaines économies pauvres. Une situation qui m’interpelle au plus profond de moi-même et me rappelle des souvenirs et une histoire douloureuse que la Tunisie n’est pas prête d’oublier : La rue de la commission.
D’ailleurs, à ce rythme j’anticipe déjà son aménagement du côté du Lac 2 pour bien accueillir nos créanciers.
En tout cas, j’espère de tout mon cœur pour nos chers enfants que l’histoire n’est pas toujours un éternel recommencement.