Ayant succombé à la COVID-19; il fut l’un des principaux architectes des accords d’Oslo, adversaire d’Israël dans les forums mondiaux et du plan Trump
Saeb Erekat, diplomate palestinien qui a passé des décennies à mener des négociations avec Israël, est mort à l’âge de 65 ans des suites de complications dues au coronavirus, a annoncé mardi l’hôpital israélien où il avait été hospitalisé.
L’OLP avait annoncé le 9 octobre qu’il avait contracté le nouveau coronavirus et avait été transféré le 18 octobre à l’hôpital Hadassah d’Al Qods occupée.
Erekat, atteint de fibrose pulmonaire et greffé du poumon en 2017, avait dans un premier temps été soigné par sa fille à son domicile en Cisjordanie.
Dans un communiqué, l’établissement a confirmé le décès, présentant ses condoléances à la famille et « au peuple palestinien ». Après être arrivé « dans un état grave », selon l’hôpital, M. Erekat avait été mis sous respirateur et endormi, puis placé sous une machine appelée « Ecmo », qui remplace de facto le cœur et les poumons pour oxygéner et faire circuler le sang dans le corps.
Quand Erekat avait été testé positif au coronavirus, au début du mois d’octobre, il avait cherché à se montrer optimiste au cours d’un entretien téléphonique avec le Times of Israel. Aucun autre membre de sa famille n’avait attrapé le virus, ce qui, selon lui, avait tenu du « miracle ».
Mais il avait reconnu que son état de santé était loin d’être bon. Il avait survécu à une attaque cardiaque, en 2012, et à une greffe des poumons, en 2017, après des années de souffrances entraînées par une fibrose pulmonaire, une maladie qui touche les poumons et qui nuit à leur capacité de faire circuler l’oxygène.
Erekat a dirigé les négociations palestiniennes successives avec Israël pendant des décennies, y compris les pourparlers qui ont abouti à la signature des accords d’Oslo en 1995, le premier accord de paix majeur entre Israël et les Palestiniens.
Figure dominante de la politique palestinienne pendant des décennies, il est devenu secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 2015, bien que son influence sur les relations de Ramallah avec Israël et le monde aille bien au-delà du poste bureaucratique.
Il était un défenseur franc et passionné de l’État palestinien, et de nombreux responsables israéliens assis en face de lui à la table des négociations cautionnaient son engagement en faveur d’une solution à deux États.
Né à Abu Dis, une ville de la banlieue de Jérusalem, en 1955, l’ex-journaliste au quotidien indépendant Al-Qods de -Est était docteur en polémologie (les relations internationales mettant l’accent sur la compréhension des conflits, NDLR) de l’université britannique de Bradford et avait enseigné à l’université An-Najah de Naplouse de 1979 à 1991. Il était aussi titulaire d’un Bachelor of Arts et d’un Master of Arts de l’université d’État de San Francisco en relations internationales. Il s’est finalement installé à Ariha avec sa femme et ses quatre enfants.
Auteur d’une dizaine de livres sur la diplomatie et la résolution de conflits, il a contribué à un ouvrage sorti en mai 2020 sur les effets de la pandémie de nouveau coronavirus sur la société palestinienne.
Membre du mouvement palestinien du Fatah, Erekat était un confident du président de l’OLP et chef du Fatah Yasser Arafat. Après la mort d’Arafat, Erekat est devenu un proche collaborateur de son successeur, le président Mahmoud Abbas.
« Le départ d’un frère et d’un ami, du grand combattant, le Dr Saëb Erekat, est une grande perte pour la Palestine et pour notre peuple, et nous en sommes profondément attristés », a déclaré dans un communiqué en arabe Abbas, en annonçant un deuil de trois jours pour les Palestiniens.
« A la Palestine manque aujourd’hui un chef patriotique, un grand combattant qui a joué un rôle crucial dans l’élévation du pavillon de la Palestine », a ajouté Abbas, soulignant la contribution d’Erekat dans les pourparlers ayant mené aux accords d’Oslo, dans les années 90, entre Israël et les Palestiniens.
« Attristée », l’ancienne négociatrice israélienne Tzipi Livni a présenté ses condoléances « aux Palestiniens et à la famille » de M. Erekat. « Saëb a consacré sa vie à son peuple. Malade, il m’avait écrit : ‘Je n’ai pas terminé de faire ce pour quoi j’étais né’ », a-t-elle écrit sur Twitter.
Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, dit dans un communiqué : «C’est avec beaucoup de chagrin que j’ai appris que Saeb Erekat, secrétaire-général du comité exécutif de l’OLP, s’est éteint aujourd’hui », a-t-il dit dans un communiqué.
« Son décès est une grande perte pour les Palestiniens et pour le processus de paix au Moyen-Orient ». « Pendant toute sa vie, Saeb Erekat a œuvré sans relâche à répondre aux aspirations légitimes de son peuple. En tant que participant de premier plan aux négociations des Accords d’Oslo, il a toujours défendu une solution à deux Etats négociée, juste et durable, pour résoudre le conflit israélo-palestinien.
Il a personnellement contribué à développer d’étroites relations entre l’UE et la Palestine. Je lui suis reconnaissant pour sa contribution dans ces liens ». « Je transmets mes sincères condoléances à sa famille, à l’Organisation de libération de la Palestine et à tous les Palestiniens », a ajouté Borrell.
Dans un court message publié sur Twitter, le département d’Etat américain a présenté ses condoléances. « Nos pensées et prières sont avec sa famille en ces temps difficiles ».
Erekat a été l’un des premiers défenseurs des pourparlers avec Israël. Dès les années 1980, il a déclaré que le conflit avec Israël n’avait pas de solution militaire.
À partir de 1999, il a participé à d’interminables séries de réunions avec des responsables israéliens et américains, à la recherche d’une percée sur la question de l’État. Ces pourparlers – qui ont abouti à des sommets de paix avec la médiation américaine à Camp David en 2000 et à Taba au début de janvier 2001 – ont finalement échoué, les Israéliens et les Palestiniens critiquant l’intransigeance de l’autre.
« Au bout du compte, je sais que les Palestiniens et les Israéliens peuvent faire la paix. Mon cœur souffre parce que je sais que nous étions si proches », a déclaré Erekat dans une interview accordée à un documentaire télévisé « Frontline ».
Nommé en 2003 chef de l’équipe de négociations de l’OLP, il avait démissionné de ce poste brièvement en 2011 en raison de la divulgation de centaines d’archives sur les discussions avec Israël de 1999 à 2010 – les « Palestine Papers » – diffusées par la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera.
Erekat a critiqué sévèrement la politique de l’administration Trump sur le processus de paix, qui, selon lui, dissuade les Israéliens de revenir négocier avec les Palestiniens. Il a catégoriquement refusé de négocier sur la base du plan de paix Trump, qui, selon lui, ne satisfaisait même pas les demandes minimales des Palestiniens.
Au Caire, le ministère égyptien des Affaires étrangères a estimé que « la cause palestinienne a(vait) perdu un combattant inébranlable (…) qui a passé sa vie à faire valoir les droits du peuple palestinien par la politique et la diplomatie ».