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La Tunisie n’a d’autre choix que de respecter les nouvelles exigences européennes, si elle désire avoir une place dans ce marché fort de 450 millions de personnes
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La Tunisie est tenue de bien négocier son « adhésion » à ces exigences, en demandant de l’UE un programme d’assistance technique dans l’objectif de se préparer et permettre aux entreprises tunisiennes de « se mettre au niveau »
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Les opérateurs tunisiens, comme je viens de l’évoquer plus haut, sont tout à fait capables de relever les nouveaux défis qui se profilent à travers les nouvelles exigences de l’UE
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Les entraves sont multiples notamment la mainmise de l’Etat et de ses structures sur les activités liées à la transition énergétiques
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Le système bancaire qui nécessite un remodelage au niveau du renforcement de ses capacités dans le financement des activités ayant trait à la transition énergétique
TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF – INTERVIEW) – Samir Regaïeg, expert en financement et accompagnement stratégique d’entreprises et expert auprès des bailleurs de fonds internationaux sur les questions de renforcement des capacités institutionnelles et techniques des banques et institutions financières a accordé à Universnews une interview exclusive où il a évoqué plusieurs points en relation avec l’implication des banques dans le financement vert.
- Universnews : Les banques en Tunisie sont-elles vraiment impliquées dans le financement vert ?
Samir Regaïeg : L’accès aux financements « verts », demeure à ce jour timide et « sporadique » en ce sens qu’il est réservé à une catégorie d’entreprises bien spécifiques (mastodontes), voire des groupes d’affaires, avec qui les banques sont déjà fortement présentes et engagées.
Nous estimons que les financements verts des banques tunisiennes sont en deçà de 2% du total des crédits à l’économie accordés par le système financier (124 milliards de dinars à fin 2023).
A préciser qu’au cours des 6 dernières années et sous l’impulsion de l’AFD (Agence Française pour le Développement), via le programme SUNREF (Sustainable Use Of Natural Ressources and Energy Finance, le label finance verte de l’AFD), on a assisté à un « appétit naissant » des banques tunisiennes pour mettre en œuvre une offre de crédit innovante auprès des entreprises désireuses de s’engager dans une démarche de maitrise de l’énergie et de protection de l’environnement. 4 banques seulement sur 23 ont adhéré à cette ligne !
Au niveau des chiffres, grâce à ce programme, 38 millions de prêts mobilisés, ainsi que 43 projets, tous promus par les plus grands groupes d’affaires en Tunisie, ont été financés moyennant des crédits accordés à taux fixe et bonifiés, avec une durée de remboursement de 6 ans et une subvention pouvant atteindre 15% du prêt.
- De nouvelles exigences européennes portant sur la mise en œuvre d’une taxe carbone aux frontières est à exiger à partir de 2026, est-ce une opportunité ou une menace pour la Tunisie ?
Celui qui ne se prépare pas ! …doit se préparer à être négligé ! Là, on n’a plus le choix ! Avec près de 80% de nos échanges commerciaux qui se passent avec les pays de l’Union européenne, la Tunisie n’a d’autre choix que de respecter les nouvelles exigences européennes, si elle désire avoir une place de choix dans ce marché fort de 450 millions de personnes. Par contre, la Tunisie est tenue de bien négocier son « adhésion » à ces exigences, en demandant de l’UE un programme d’assistance technique (à étaler sur 5-7 ans) que celle-ci finance, et ce dans l’objectif de se préparer et permettre aux entreprises tunisiennes de « se mettre au niveau ».
Ce type de programme, la Tunisie en a connu auparavant, durant les années 2000, avec notamment le « Programme de Modernisation Industrielle –PMI-, qui avec une dotation de 50 millions d’euros et qui a sensiblement contribué au renforcement des capacités techniques et financières des centaines d’entreprises tunisiennes opérant dans différents secteurs économiques (textiles et habillement, industries agro-alimentaires, électriques, mécaniques, services,).
- Dans la mesure où plus que 80% de nos échanges se font avec l’UE, les entreprises tunisiennes notamment exportatrices seraient-elles capables de relever de défis ?
Les opérateurs tunisiens, comme je viens de l’évoquer plus haut, sont tout à fait capables de relever les nouveaux défis qui se profilent à travers les nouvelles exigences de l’UE et ce pour les raisons principales suivantes :
- Une parfaite connaissance des spécificités du marché européens, acquise depuis maintenant plus d’une cinquantaine d’années !
- Une grande et rapide adaptabilité et adaptation de l’entreprise aux nouvelles règles et normes internationales (les secteurs du textile et de l’habillement ainsi que l’agroalimentaire, en sont la parfaite illustration
- La présence d’une main d’œuvre hautement qualifiée facilitant l’accès aux nouvelles technologies.
- La forte présence de partenaires stratégiques, dans de nombreuses entreprises tunisiennes serait de nature à estomper les barrières liées à ces nouvelles exigences de l’UE.
- La Tunisie n’arrive pas toujours à réussir sa transition énergétique qui prévoit, d’ici 2030 de produire 35 % de l’électricité à partir des énergies renouvelables, pourquoi ?
Les entraves sont multiples et se résument en les éléments suivants :
- Absence d’un cadre législatif favorisant la réalisation de telles performances
- La mainmise de l’Etat et de ses structures sur les activités liées à la transition énergétiques
- Absence d’un code d’incitations spécifiques dédié aux recherches et investissement dans les énergies renouvelables
- L’ouverture sur les capitaux étrangers fortement intéressés par l’investissement en Tunisie
- Un système bancaire qui nécessite un remodelage au niveau du renforcement de ses capacités dans le financement des activités ayant trait à la transition énergétique
- Intégrer la question sociale qui se veut être une véritable politique de transition énergétique efficace (encourager les changements de comportements, ce qui n’est pas évident à très court terme ! ce qui pourrait malheureusement contraindre davantage les pauvres que les riches).
- Il y’a un obstacle économique de taille : le coût élevé des énergies renouvelables