Le variant Omicron fait exploser les cas de contaminations sur la planète, en particulier en Amérique du Nord et en Europe. En Tunisie, les dernières analyses effectuées sur les cas de contamination par le virus Omicron ont dépassé les 30%, parmi la totalité des séquençages effectuées à l’Institut Pasteur.
Docteur Souhail Alouini, expert chez OMS Tunisie et ex-président de la Commission parlementaire de la santé et des affaires sociales revient sur les spécificités de ce nouveau variant. Interview.
Qu’est-ce qu’Omicron ?
C’est un nouveau variant du virus SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19, qui a émergé, comme vous savez, en décembre 2019 dans la ville de Wuhan en Chine.
Dans le paysage épidémique, d’autres variants ont vu le jour, tels que Alpha, Bêta, Delta. Pour ce qui concerne Omicron, il est le dernier variant qui possède un nombre élevé de mutations au niveau de la génétique. Donc, il peut muter chaque fois qu’il se reproduit.
Il y a des variants qu’on appelle variant of concern et il y a des variants d’intérêt. Et Omicron est un variant of concern (variant préoccupant), c’est-à-dire il peut se propager assez vite et provoquer la maladie un peu plus grave que les variants d’intérêt.
Malheureusement, Omicron est en train de se propager rapidement ainsi que de prendre la place de tous les anciens variants.
En quoi Omicron diffère-t-il des autres variants ?
La première chose qui le diffère énormément c’est la quantité de mutation qu’il a au niveau de la protéine S. Pour expliquer, vous savez qu’on appelle le Coronavirus parce que c’est un virus qui a une sorte de couronne autour de lui. Celle-ci est la protéine S qui sort du virus et qui lui permet de rentrer dans les cellules. En fait, cette protéine est très importante car son système lui permet de s’accrocher à la cellule et de l’ouvrir pour entrer dedans et pouvoir se multiplier. Plus elle adhère à la cellule, plus elle rentre facilement et le virus se multipliera au niveau de l’organisme.
Ce qui s’est passé avec Omicron, nous avons plus de 30 mutations au niveau de génome qui fabrique cette protéine S du virus. En fait, c’est un variant avec beaucoup de mutation en comparaison avec les autres variants, Delta à titre d’exemple avait 4 mutations au niveau de la protéine S. C’est vrai qu’au niveau des virus aériens ils peuvent avoir des mutations, mais cette fois-ci il y a une mutation très importante.
Autre chose, apparemment, que ce nouveau variant ne descend pas aussi bas que les autres variants au niveau des poumons.
Les données que nous avons actuellement permettent de dire qu’il se propage beaucoup plus facilement que tous les autres. Il faut savoir qu’il est un peu moins dangereux que les précédents, mais il faut quand même relativiser puisque les recherches sont en cours.
Les vaccins et l’immunité post-infection protègent-ils contre Omicron ?
On a remarqué que les vaccins protègent de toutes façons contre ce nouveau variant, mais il faut savoir qu’on peut l’attraper même si on est vacciné ou même si on était malade auparavant. Donc, il peut rentrer dans le corps et se multiplier.
On a, de même, remarqué qu’à partir du moment qu’on rattrape la maladie, on peut par la suite avoir une bonne immunité moyenne permettant de ne pas avoir les effets très néfastes de la corona.
Omicron est probablement moins nocif et même si les vaccins ne sont pas fortement actifs, ils représentent une certaine immunité qui persiste après la vaccination. D’ailleurs, c’est pour cette raison que plusieurs pays s’orientent vers la troisième dose qui permet de booster l’immunité. Il faut préciser ici que l’immunité a une tendance à disparaître après 6 mois, particulièrement, chez les personnes âgées (au-delà de 60 ans) ou les personnes ayant des maladies chroniques.
Omicron et les enfants ?
Les enfants peuvent attraper le virus, mais ce ne sont jamais des maladies graves. D’ailleurs, en Tunisie, très peu d’enfants ont été hospitalisés et sont en réanimation, sauf ceux qui souffrent des maladies congénitales ou des problèmes cardiaques et immunitaires. Actuellement, avec Omicron, ils peuvent attraper le virus et le transmettre à faible quantité.
Quant à la question de la vaccination chez les enfants, certains pays ont déjà commencé à vacciner les enfants de moins de 12 ans. Chez nous, il y a une certaine prudence à ce niveau. Je pense qu’il faut surtout mesurer le bienfait de ce vaccin.
Quelles sont, selon vous, les mesures nécessaires que doit imposer le gouvernement, en urgence, pour diminuer la contamination ?
Plusieurs mesures ont été déjà prises surtout au niveau des frontières, mais elles ne sont pas suffisantes et ne seront jamais suffisantes.
On ne peut pas être hermétique à 100% et la preuve nous avons Omicron en Tunisie. La propagation rapide du virus était attendue par rapport à ce variant.
Maintenant, le problème c’est que certaines personnes affectées par Omicron devraient être hospitalisées, ce qui représente un problème vu les conditions actuelles de nos hôpitaux : un manque de matériel, un manque de personnel…
Donc il faut essayer de diminuer le nombre des personnes qui doivent être hospitalisées, ce qui revient à la communication au niveau des gestes barrières que tout le monde connaît. Le port du masque reste quand même nécessaire. On doit vraiment faire attention durant la période qui va venir, probablement qui ne va pas durer longtemps, la poussée avec Omicron monte très rapidement et descend aussi rapidement.
Je suis personnellement convaincu que la vaccination protège contre l’admission dans l’hôpital, vu que les gens vaccinés vont juste avoir des signes faibles : maux de tête, écoulement nasal, douleur à la gorge, peut-être un peu de fièvre…
Finalement, on doit penser à protéger les gens qui ne sont pas vaccinés pour éviter l’encombrement de nos hôpitaux. Personnellement, je ne suis pas pour l’obligation du vaccin, mais je demande aux personnes qui ne veulent pas se vacciner de respecter quand-même les gestes barrières.
Propos recueillis par
Jihen Mkehli