Une table ronde a été organisée ce matin du jeudi 7 mars 2019 à l’amphithéâtre de l’Université Centrale, sous le thème : « Les enjeux économiques, sociopolitiques : bilan et perspectives ». Cet événement a été marqué par la présence de plusieurs sommités et spécialistes économiques et politiciens. Il s’agit de l’économiste et l’universitaire Abderrazak Zouari, Fadhel Abdelkefi, ancien ministre des Finances et directeur général de Tunisie Valeurs et Mahmoud Ben Romdhane, économiste et professeur de macro économie aux facultés des sciences économiques et de gestion de Sfax et de Tunis.
Quel bilan tirer des enjeux économiques et sociopolitiques et quelles perspectives se dessinent ? Telle est la question qui a été posée lors de cette rencontre.
La table ronde a été organisée par Ghalia Eltaief Chabchoub, directrice de la Business School et Farhat Horchani, directeur de l’Ecole Centrale de droit et des sciences politiques et ancien ministre de la Défense. Plusieurs experts étaient réunis pour s’exprimer sur le sujet. On retrouve ainsi Fadhel Abdelkefi, ancien ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale et des Finances par intérim, Mahmoud Ben Romdhane, ancien ministre du Transport et des Affaires sociales et Abderrazak Zouari, ancien ministre du Développement régional.
Ghalia Eltaief Chabchoub a expliqué que les débats concernent la situation socioéconomique et sociopolitique actuelle et les perspectives d’avenir, et constituent un intérêt aussi bien pour les invités que pour les étudiants qui s’apprêtent à rejoindre la vie active.
En effet, les interventions ont porté essentiellement sur le rôle des transitions politique, économique et sociale dans la concrétisation de la transition démocratique. Elles ont également relevé les lacunes et les obstacles auxquels la Tunisie doit faire face en vue de faire réussir cette transition.
Lors de son intervention, M. Horchani a souligné la persistance de quelques lacunes qui prêtent à confusion dans la Constitution dont notamment les articles relatifs à l’identité, aux droits et libertés ainsi qu’au système politique.
Il s’agit, selon Farhat Horchani, d’une Constitution, à la fois, moderniste et exceptionnelle mais ambigüe et contient des contradictions et autres confusions pouvant générer des conflits et aboutir à un système hybride. Le système politique est, par ailleurs, problématique notamment en ce qui concerne le non-respect des règles constitutionnelles inhérentes à ce système.
Abderrazak Zouari : « La Tunisie est devenu spécialiste des textes et des lois »
L’universitaire et ancien ministre du Développement, Abderrazak Zouari a déclaré que la Tunisie a choisi le régime politique le plus défavorable à la croissance économique. Et d’ajouter: « Au sein de l’ARP, le problème économique était mineur pour les députés. La priorité dans l’ARP se limite à la résolution des problèmes politiques. La politique économique, depuis 2011, a été conjoncturelle ».
M. Zouari a fait savoir aussi qu’en Tunisie, les changements qui ont été faits ont été limités aux aspects juridiques ; « On a beaucoup agi sur les textes juridiques, mais jamais sur l’aspect de fonctionnement des institutions. Ce qui est important dans l’économie, ce n’est pas le texte voté. On peut voter tous les textes qu’on veut. Et d’ailleurs, la Tunisie est devenue le pays le plus prolifique en textes et lois. Ce qui est primordial dans l’économie, c’est l’impact de chaque texte sur le comportement des agents économiques ».
« Pour l’investissement, nous avons quatre ou cinq institutions consacrées à la promotion du moteur des investissements dans le pays tels que l’API, l’APIA, le FIP, qui ont été créées depuis 1972. Or, une institution c’est comme une cellule humaine qui a une durée de vie limitée. Il ne suffit pas d’ajouter de nouvelles institutions qui s’ajoutent aux anciennes sans pour autant faire le diagnostic nécessaire et corriger les imperfections », a-t-il montré.
Le marché du travail a complètement changé, mais…
En ce qui concerne l’emploi, M. Zouari a annoncé qu’il y a une révolution sur le marché de l’emploi en Tunisie ; « Avant 2011, on avait 90 mille demandeurs d’emploi qui venaient sur le marché du travail. Aujourd’hui, l’offre de travail est de 40 mille. Il y a une transition démographique énorme. Actuellement, on ne crée que 35 mille postes emplois et le gouvernement annonce que le taux de chômage s’est stabilisé. Cette stagnation, ne s’explique pas par la création effective de postes d’emplois mais plutôt par le repli des demandeurs d’emplois qui sont passés de 90 mille à 40 mille ».
De son côté, Mahmoud Ben Romdhane a indiqué que la consolidation de la démocratie devient, aujourd’hui, un horizon définitif,. Cependant, c’est uniquement en réunissant certaines conditions à l’instar du développement social que cette consolidation sera possible. Un développement social qui ne s’est pas réalisé étant donné l’absence d’une révolution sociale qui n’a pas posé les rapports de production et de propriété.
Fadhel Abdelkefi : » La situation économique n’est pas catastrophique et les solutions existent »
Lors de son allocution en marge de la table ronde organisée sous le thème : » les enjeux économiques et sociopolitiques, bilan et perspectives « , l’actuel patron de Tunisie Valeurs et ancien ministres des Finances, Fadhel Abdelkefi, a déclaré que l’Etat n’est pas pauvre, mais c’est la population qui l’est. » 20% de la population tunisienne vivent au dessous du seuil de pauvreté », a-t-il souligné.
M. Abdelkefi a indiqué, également, que le premier ministre tunisien qui a débarqué dans la période post-révolution a trouvé un excédent budgétaire technique. L’ancien ministre des Finances a précisé que la politique économique adoptée dans le pays est une politique pragmatique.
« Les dépenses publiques ont fait l’étape de « Go » et jusqu’au moment présent, ils n’ont pas fait du « stop ». Le résultat est le déséquilibre de toute l’économie », a-t-ajouté.
Par ailleurs, M. Abdelkefi s’est montré optimiste tout en indiquant que la situation n’est pas assez catastrophique et que les solutions existent.
N.A