Après que la toile s’est enflammée suite aux photos diffusées montrant un saccage de la tombe du poète Sghaïer Ouled Ahmed et l’indignation générale soulevé par l’ampleur des dégâts, plusieurs versions sont venues expliquer ce qui s’est passé.
D’après Business News, qui cite le porte-parole officiel du ministère de l’Intérieur, « il ne s’agissait pas d’un acte de vandalisme mais plutôt de travaux entrepris pour l’embellissement des sépultures… ».
Pour Ech-chourouK qui, après avoir « dénoncé une agression », se rétracte et évoquant une rumeur sans fondement tout en citant une source sécuritaire parlant d’un ordre donné par les services municipaux en vue d’un réaménagement d’un bon nombre de sépultures et non pas uniquement celle de Sghaïer Ouled Ahmed.
En tout état de cause, la confusion reste totale concernant les causes et les circonstances de cette « démolition » laissant planer des doutes aux explications fournies, surtout que sa veuve a rendu public un statut dans lequel elle confirme l’agression sachant que logiquement, elle est la mieux placée pour dire s’il y a eu démolition délibérée ou s’il s’agit d’une opération d’embellissement dans le sens où toute action de réaménagement ne peut avoir lieu sans aviser et sans l’aval de sa femme.
Nous profitons de cette circonstance pour rééditer un large extrait d’un article que j’avais écrit sur le journal Le Temps, le 6 avril 2016 que voici :
« On se rappellera que pendant l’été dernier et suite aux rumeurs faisant état de son présumé décès alors qu’il était dans un état très critique avant une nouvelle rémission, Sghaïer Ouled Ahmed a eu une réaction avec une re-publication d’un poème écrit en 2009, mais qui reflétait exactement son état sanitaire et psychique du moment
Le poème était tellement d’actualité qu’il avait connu une large audience et fait le buzz sur la toile.
Un poème émouvant écrit avec les « tripes » – et c’est le cas de le dire- et avec la flamme qu’on lui connaît et, surtout, dans son style remarquablement satirique …
Un poème qui a fait et fera date et qui donnera la chair de poule à toutes celles et à tous ceux qui le liront…
Un poème écrit avec une lucidité étonnante à un moment où le virulent et subtil poète est, justement, conscient de la gravité de l’heure et de la lutte qu’il livrait pour la vie…
Un poème où l’on ressent les regrets et l’amertume chez Sghaier Ouled Ahmed, mais où on retrouve l’approche philosophique bien propre au poète qui s’est toujours illustré par son originalité et son anticonformisme…
Un poème qui fait plaisir par la verve du verbe, mais fait terriblement mal par la tristesse qu’il dégage…
Un poème étonnant par la créativité intacte de son auteur et par cette fierté à la limite de l’arrogance qui, venant de « Ouled Hmed » est appréciée et acceptée…
Un poème qui nous fait vivre un moment surréel, un moment de projection dans l’au-delà, déjà !…
Un poème où le poète fait ses adieux à tout le monde avec toutes ses contradictions…
Un poème qui fait dégager l’émotion dans toute sa splendeur…
Un poème avec une chute à donner des frissons tellement elle est super géniale…
Un poème où la chute vaut, à elle seule, mille et un poèmes avec un jeu de mots d’une finesse exceptionnelle sur le thème et le terme autour desquels tourne tout le poème : l’Adieu !…
Voici, par ailleurs, une traduction intégrale de ce poème mais probablement pas tout à fait fidèle, tellement le texte original en arabe, était si imagé et jouait sur le second degré :
Je fais mes adieux à l’antérieur et à l’ultérieur
Je fais mes adieux au plus bas (vil) et au plus haut dans les cimes
Je fais mes adieux aux origines et aux conséquences
Je fais mes adieux aux manières et aux approches
Je fais mes adieux aux cerfs et aux larves
Je fais mes adieux embryons, aux individus et aux groupes
Je fais mes adieux aux pays et aux patries
Je fais mes adieux aux religions
……
Je fais mes adieux à mes plumes et à mes montres
Je fais mes adieux à mes livres et à mes cahiers
Je fais mes adieux aux petits délits et aux gros péchés
Je fais mes adieux aux cigarettes
Je fais mes adieux aux chaînes et aux restrictions
Je fais mes adieux aux soldats et aux frontières
……
Je fais mes adieux au mouchoir
Qui fait ses adieux aux mouchoirs
Qui font leurs adieux
Aux larmes qui me font leurs adieux
Je fais mes adieux à…l’Adieu
Noureddine HLAOUI