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A part la conjoncture favorable dans les secteurs agricole et touristique, rien n’avance positivement…
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2020 sera l’année de tous les dangers pour les équilibres financiers de la Tunisie et de la soutenabilité de la dette publique !
Par Dr Moez JOUDI*
Depuis le 14 janvier 2011, la situation économique et financière de la Tunisie n’a cessé de se détériorer d’une manière continue et accentuée, au point d’arriver aujourd’hui, à un état très alarmant notamment au niveau du cumul des déficits, de la hausse de l’endettement et de la faible croissance économique qui ne permet ni de créer suffisamment d’emplois, ni de générer assez de ressources pour supporter l’inflation des dépenses publiques !?
Comme chaque année maintenant depuis 2011, le débat économique se concentre sur la loi de finances et le budget de l’Etat !? Rien sur la balance et les politiques économiques des gouvernements successifs et de l’Etat, absolument rien sur l’avancement des réformes ni sur l’analyse de l’évolution des indicateurs macroéconomiques du pays, rien également sur la situation des secteurs d’activités économiques vitaux, sur la santé des PME, sur l’état du climat des affaires…
Uniquement quelques brèves communications sur les quelques indicateurs qui évoluent positivement mais d’une manière relative et sans chercher vraiment à comprendre les fondements et les raisons !?
Il s’ensuit que le moral des opérateurs économiques est à plat ! Aucune visibilité, aucune tendance positive, que des zones d’ombres et beaucoup d’ambigüités au niveau de la fiscalité, de l’évolution des taux d’intérêt, du taux de change, des lois et des différentes réglementations en vigueur en matière économique et financière.
Au niveau des déficits, le cumul se poursuit ! La balance commerciale atteindra un niveau record à fin 2019 avec un déficit estimé entre 19 et 20 milliards de dinars. Le déficit chronique et abyssal de la balance commerciale impacte la balance des paiements courants dont le déficit atteindra les 11% voire plus cette année !
De son côté, la croissance économique demeure faible et atone! A part l’activité agricole et la reprise du tourisme, tous les moteurs de la croissance sont en panne! 1.4% au mieux en 2019 alors que le gouvernement a annoncé une prévision de 3.1% dans le cadre de la loi de finances 2019 !? Le gap est considérable !
Mais l’alerte maximale se situe au niveau de l’endettement public! En effet, la Tunisie a contracté un ensemble de crédits depuis 2011, notamment extérieurs, qui ont fait passer le taux d’endettement public global du pays de 40% en 2010 à 75% à fin 2019. L’année 2020 sera l’année de tous les dangers aux niveaux des équilibres financiers de la Tunisie et de la soutenabilité de la dette publique !
En effet, avec la faible croissance économique, l’inflation des dépenses publiques (plus de 19 milliards de dinars de masse salariale dans le public en 2020 !) et un niveau conséquent des services de la dette (11.8 milliards de dinars en 2020), la Tunisie aura vraiment du mal à assurer ses remboursements et la mobilisation de nouveaux crédits (12 milliards de dinars de besoin d’endettement en 2020 !) !?
A noter que depuis le 14 janvier 2011, la majeure partie de l’endettement contractée a été consommée dans le titre I du budget de l’Etat! La Tunisie s’endette donc pour dépenser et verser les salaires de ses fonctionnaires voire même pour rembourser d’anciens crédits échus!? Pire encore, si on rajoute l’endettement des entreprises publiques, on sera à environ 120% du taux d’endettement global !?!
Face à ce tableau noir qu’on ne cesse d’actualiser et de rappeler pour tirer les sonnettes d’alarmes et contribuer à une prise de conscience au niveau des gouvernants, il n’y a aucun plan de sauvetage vraiment actionné ?! Que des constats et des alertes émanant même des décideurs du pays qui apparemment n’ont ni les marges de manœuvres nécessaires, ni le courage politique, ni encore les compétences et les aptitudes pour enclencher le sauvetage et la relance de l’économie nationale !
L’instabilité de situation politique du pays, les dysfonctionnements du système de gouvernance, les lacunes du code électoral, les conflits d’intérêts entre les parties politiques, économiques et sociales, la corruption, les malversations, les calculs partisans, le corporatisme et l’économie parallèle et souterraine constituent autant de facteurs de détérioration de la situation économique et financière de la Tunisie !
Dès janvier 2020, si un gouvernement restreint de guerre d’une quinzaine de compétences nationales ne voit pas le jour, le point de non-retour est à craindre et les risques de banqueroute de l’Etat deviendront conséquents! Un gouvernement qui doit être muni d’un plan de sauvetage et de relance discuté et décidé à la suite d’un dialogue national économique et social. Alerte maximale donc, sauvons la Tunisie avant qu’il ne soit trop tard !
A bon entendeur !
*Président de l’Association Tunisienne de la Gouvernance