par Amiral (R) Kamel Akrout
TUNIS – UNIVERSNEWS Cent quatre (104) corps ont été repêchés en mer, tous Tunisiens, après le naufrage de leur bateau. Ces derniers temps, le phénomène de harga est devenu plus inquiétant encore, des familles toutes entières en compagnie de leurs enfants en bas âge tentent de rejoindre l’autre rive. Contrairement à ce qu’on peut croire, les candidats à l’émigration sont loin d’être des marginaux, souvent des diplômés sortis de l’université. Ils ont choisi d’affronter les dangers de la mer que de mourir à petit feu dans un pays qui ne peut pas leur garantir un avenir meilleur.
Ces départs massifs et les drames qui s’en suivent ne semblent pas préoccuper ni poser de problèmes pour les responsables du pays. Des disparitions en mer le gouvernement ne dit plus rien, comme s’il s’agissait d’un prix à payer, une taxe due au hasard pour aller espérer ailleurs ce que le pays, son gouvernement et son régime ne sont plus en capacité de d’offrir. Le gouvernement et le pouvoir en place se comportent avec la question des frontières terrestres et avec la frontière maritime du pays comme s’il s’agissait du franchissement d’un passage à niveau ou d’un arrêt à un feu tricolore.
A coup de promesses et de slogans vides, nos élus promettent encore ce qu’ils ne réaliseront jamais. Seule semble compter une transformation politique démiurge, sans aucun impact sur la vie quotidienne des citoyens. Depuis plus d’un an le pays fait fausse route dans tous les domaines, comme il a fait fausse route depuis dix ans. De la sécurité à la diplomatie, de l’éducation à l’économie, aucune stratégie, aucune direction claire, tout est laissé à l’à peu près, un royaume de l’approximatif.
Pendant ce temps, tous les indicateurs montrent que les institutions sont débordées. Il reste l’apparence du pouvoir, les armoiries et le cérémonial, le contrôle du territoire, c’est-à-dire l’essentiel a disparu.
Or, sans les mafias aux frontières, il n’y aurait pas de franchissement des frontières maritimes, il n’y aurait pas une contrebande qui a définitivement détruit l’économie et l’industrie du pays. Sans cette mafia dont personne ne parle plus, on s’y habitue comme faisant partie du décor !
IL suffit seulement de voir les milliers de subsahariens entrer et travailler illicitement en Tunisie, dans l’attente de passer à l’autre rive.
En face un gouvernement qui feigne de regarder ailleurs, comme si cela ne devait pas le concerner. Comme les gouvernements de la Troika qui ont été complaisants avec les vagues de départ en Syrie. En lieu et place de s’attaquer à des questions qui ne concernent en rien la Tunisie, nous aurions dû d’abord s’attaquer à une question de sécurité nationale qui sera explosive pour le pays dans les mois qui viennent : l’établissement en Tunisie de minorités avec l’importation sur le sol national de formes de criminalités inédites.
Au plan interne, tout est raté, nul besoin d’analyser, il suffit d’énumérer : l’insécurité au quotidien est montée en flèche. Toutes les villes, toutes les zones, tout le territoire est soumis à la criminalité et à la délinquance. A l’insécurité au quotidien s’est ajoutée une insécurité économique jamais connue depuis l’indépendance. Presque tout manque. Se défausser sur les spéculateurs ne peut être cru qu’une fois quand on sait que la pénurie vient d’abord de l’incapacité du gouvernement à poser juste une stratégie économique. D’ailleurs, le gouvernement comme le régime politique, comme leurs prédécesseurs n’ont absolument aucune stratégie. En saut de moutons, ils sautent d’une crise à une autre en attendant un miracle qui ne viendra pas. Si l’économie a été détruite par les gouvernements dits de la «révolution », le régime actuel, en un an n’a rien corrigé des travers que vit le pays. Pire encore on assiste désormais à un point de bascule très dangereux : un effondrement du pouvoir d’achat, une inflation qui a dépassé les 8%, une invasion de produits étrangers et de contrebande pendant que le système productif agonise.
Ce qui fait Etat est laissé malheureusement, à l’abandon au profit d’une course derrières des textes qu’on ne qualifiera pas ici.
Je ne n’invente rien lorsque je dis que les jeux économiques et les politiques publiques sont des domaines étrangers à l’esprit de ceux qui nous gouvernent. Aucun des deux (Carthage et La Kasba) n’a un vrai Staff de conseillers. Le résultat, le règne des solutions inefficaces et à la limite de l’insensé. A mon avis la suite logique de tout cela : le club de Paris. C’était largement évitable il y a un an. Cela signifie que pour la première fois, c’est un rééchelonnement des dettes, c’est une mise sous tutelle et des solutions draconiennes : privatisation, levée des subventions, licenciements. Ce ne serait pas un jeu facile. Or, la seule ressource du pays c’était sa stabilité économique et sécuritaire. Cela signifie qu’on va s’enfoncer dans une autre crise plus dangereuse.
L’actuel régime a échoué et ne pourra pas faire plus, ne fera ni plus ni mieux. Comme ses prédécesseurs qui attendent dans les antichambres un miraculeux retour, il doit s’en aller et préserver le pays d’un inéluctable effondrement s’il se maintenait. Les anciens, doivent eux aussi quitter la scène. Plus personne ne pourra les tolérer. Les élections du 17 décembre (encore un fétichisme des dates), qui ne seront pas le miracle qui va remplir les poches et les ventres. Elles couteront plus qu’elles ne rapporteront.
Que faire ?
Le salut ne peut venir qu’avec la participation des forces vives du pays (Ce n’est pas l’affaire du Président tout seul ni de ceux chargés de la campagne tefsiria !) :
- Un gouvernement de salut national provisoire, en charge de sauver le pays et qui mettra en œuvre une économie d’urgence pour sauver les classes nécessiteuses et les classes moyennes, un redressement de la production nationale, une guerre contre les mafias et un vrai contrôle des frontières. Il aura pour charge de revenir aux fondamentaux socio-économiques, diplomatiques et sécuritaires du pays.
- Une loi électorale, préparée par un groupe d’experts indépendants, à l’instar des pays démocratiques.
- Des élections présidentielles avancées.
Ce sont les trois urgences pour le pays, le reste est à mon avis, dérisoire, sauf à croire qu’un code électoral sera meilleur que la constitution qu’on nous a infligée, ou que tous les deux rempliraient les marmites. On peut avoir des doutes légitimes.
Amiral (R) Kamel Akrout