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Une Tunisie à terre sera plus facile à dominer et à rendre à son statut de Régence ottomane.
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Les femmes militantes, quelles que soient leurs obédiences, sont souvent une cible de choix pour de telles inconvenances
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FB est un gigantesque dépotoir à mégots et ragots.
Par Abdelaziz KACEM
Je dédie ce propos à nos psychiatres. Nos travers sont sous-analysés. Le moindre d’entre eux est une suffisance illimitée qui nous fait dire à tout bout de champ : « Nous sommes les meilleurs en tout ». Le ridicule s’est beaucoup aggravé, ces dernières années. Notre CV s’est enrichi d’une nouvelle performance : « La Tunisie est le seul pays arabe à avoir accédé à la démocratie ».En vérité, nous sommes si démocrates que nous avons envoyé une armée de jeunes malfrats répandre la nouvelle dans le sang et l’horreur, chez des pays frères, l’Irak, la Syrie et la Libye.
Surdimensionné notre ego nous pousse à renier l’arabité, alors que la plupart d’entre nous ne savent quasiment rien de la grande vivacité de l’intelligentsia au Machreq, en dépit et à cause des difficultés qu’il traverse. Le plus taré de nos compatriotes, vous dira, sans rire, que nos gènes sont supérieurs aux leurs, que le monde n’a d’yeux que sur nous pour s’inspirer de tout ce qui a fait notre exception. Ô sainte simplicité !
Notre réalité dément chaque jour ces fatuités infantiles. Au plan économique, la banqueroute est à l’horizon. La démocratie ? Regardons de quelle étoffe, la majorité de nos députés est faite. Même les LPR, de sinistre mémoire, y sont confortablement représentées.
Quant à nos relations extérieures, nous avons détruit nos rapports avec toute la partie utile du monde arabe, l’Égypte en tête. Au pouce levé et au pouce baissé, ils ont ajouté le pouce replié (de Rabi’a), rien que pour enquiquiner Al-Sissi et flatter le gourou Erdogan
La France, jusqu’à présent, notre premier partenaire, je ne sais ce qui l’empêche encore de déclarer forfait. Son ambassadeur est insulté à longueur de journée, sa langue est outragée par des ignares qui ne savent même pas la baragouiner et on lui réclame de payer la rançon de son passé colonial. À cela s’ajoute l’inexplicable absence, depuis six mois d’un ambassadeur et d’un consul général tunisiens à Paris. Et les gens jasent et font des déductions.
Systématiquement, les bucherons s’acharnent à scier toutes les branches sur lesquelles la Tunisie est assisse. Une Tunisie à terre sera plus facile à dominer et à rendre à son statut de Régence ottomane.
Certes les traités et accords que le parlement allait adopter au détriment de notre souveraineté nationale, ont été retirés du débat. Mais les obligés d’Erdogan n’ont d’autre choix que de revenir à la charge. Ils n’ont pas parachevé leur « Tamkin », mot-clé, dérivé d’un verbe coranique qui signifie établissement, implantation sur le terrain, pleine prise du pouvoir. Pour y parvenir, ils veulent placer leurs affidés à la tête de la plupart des Sociétés nationales, des directions générales d’administration, des Gouvernorats et Délégations. Leur quota de ministres dans le Gouvernement, pourtant conséquent, ne leur suffit pas. Ils tiennent à encadrer le Chef du Gouvernement en lui imposant des contrôleurs dits « conseillers », qui lui déconseilleraient toute velléité d’indépendance.
Au moment où, suite au confinement, le gouvernement dut paralyser le pays, ponctionner les salaires et quémander une aide internationale, l’annonce de nouvelles nominations avec rang et avantages de ministres, n’a pas manqué de soulever un tollé. C’était, pour le moins indécent. Les caciques d’Ennahdha allaient-il faire montre d’un minimum de vergogne ? Que non ! Une de leurs députées, connues pour ses sorties, publie sur sa page FB un statut dans lequel, elle affirme que les nominations prévues seront effectuées envers et contre tous les protestataires et s’ils sont toujours mécontents, « ils n’ont qu’à boire de l’eau de mer ».
Cette députée ayant déjà été à l’origine d’une crise au sein de l’ARP, pour avoir, dans son argot, traité une de ses consœurs de « clochara » (clocharde), nous avons pensé qu’elle s’était quelque peu assagie. La « clocharde » n’est autre que la présidente du PDL, Abir Moussi, brillante juriste de son état. Ses interventions à l’ARP, rigoureuses et bien structurées, agacent au plus haut degré les « Frères » et, par ricochet, leurs satellites. Un député de Qalb Tunis, emporté par le désir de plaire au « Cheikh », se lance dans une diatribe contre la Passionaria et lui signifie que sa place appropriée serait dans « Tel lupanar… ». L’indignation des honnêtes gens est à son comble. Très courageux, au lieu de présenter ses excuses, l’insulteur choisit de nier.
Trêve de dissimulation. La grossièreté est largement partagée chez nous, elle atteint tous les âges et toutes les couches sociales, sous deux formes aigües, la coprolalie ou l’usage de mots orduriers et scatologiques, et la pornolalie ou l’usage de mots obscènes. Deux maladies du langage essentiellement masculin, elles affectent l’expression de nos divers affects, la colère, la joie, la plaisanterie. La ferveur religieuse est, elle-même, émaillée d’obscénités. Les vomissures des incalculables mouches électroniques lâchées par ceux que l’on sait contre toute pensée libre donnent une petite idée sur l’ampleur exponentielle de cette invincible vulgarité. FB est, à cet égard, un gigantesque dépotoir à mégots et à ragots.
Les femmes militantes, quelles que soient leurs obédiences, sont souvent une cible de choix pour de telles inconvenances en lieu et place d’un débat constructif. Pourquoi ? Est-ce le signe d’un déficit lexical, chez le contradicteur, ou d’un manque d’éducation ? Les deux sans doute. Vulgarité masculine ai-je dit. Le féminin s’aventure, parfois, sur ces plates-bandes insalubres. Je viens de lire, sous la plume d’une dame dont je tairai le nom, une expression, on ne peut plus explicite, « l’ayatollah de mes deux ».