par Abdelaziz Kacem
La féroce bataille électorale et son abasourdissante issue constituent une fable en quête d’un Ibn al-Mouqaffaâ ou d’un La Fontaine.
Les forces supposées éclairées, bourguibiennes à l’envi, n’ont fait que multiplier les coups bas, les uns contre les autres. Jusqu’à l’abominable. J’en citerais, à titre d’exemple, un ou deux cas : le Dr Abdelkrim Zbidi est l’un des hommes les plus intègres. On est allé jusqu’à ironiser sur son immense chagrin, dû à la perte tragique de son fils unique. Et comme si pareille infamie ne suffisait pas, on le traita de « Zbinochet ».
Une femme courageuse, Abir Moussi, porteuse d’un projet concret de société, continue de se faire diaboliser par les inconscients. Alors qu’elle est la seule candidate à contrer, nettement et à son corps défendant, l’hydre des nuits sans matin.
Pendant que chacals et autres canidés s’entredéchiraient sauvagement, un lycaon méconnu a raflé la mise, toute la mise. Ou presque. Car, on savait que M. Nabil Karoui, en dépit ou à cause de son incarcération rocambolesque, intempestive et stupide, serait présent au second tour. Encore faut-il qu’il bénéficie des mêmes droits dont jouit son rival. Le monde nous regarde et se gausse de notre drôle de démocratie.
Les extrêmes se rejoignent, dit-on. On croit savoir que M. Kaïs Saïed doit sa fulgurante ascension à la coalition des contraires : la magouille des LPR, les prétentions califales du Hizb al-Tahrir et le zeste d’un léninisme récurrent. Certains parlent de Cocktail Molotov. Je ne connais pas M. Saied, mais je me fie aux jugements de ses collègues.
55 % des électeurs inscrits ont préféré se prélasser au lit, aller au café du coin ou à la plage, faire leurs adieux à un été lourd, récalcitrant. Les herméneutes des politiques de quatre sous ont vu, chez ces fainéants infantiles, le signe d’un rejet irrémédiable du système. On voulait presque les en féliciter. Les peuples ont toujours mérité ce qui leur arrive.
Une amie m’a reproché d’avoir écrit : « Le clair-obscur est terminé. La nuit vient de tomber ». Je réviserais mon pessimisme à la baisse, si les débris de notre modernité décidaient de se ramasser, de s’unir, de former un bloc.
En Turquie, pour arracher la très symbolique mairie d’Istanbul des griffes du Dracula du Bosphore, Ekrem İmamoğlu a bénéficié du soutien de tous les partis d’opposition, qui avaient su faire taire leurs ambitions personnelles et dompter leur ego. Sauvons les législatives.