Tawfik BOURGOU
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De fait, on se rend compte que des pays riches poussent leurs populations à partir vers le nord profitant de la bêtise des responsables tunisiens d’abolition des visas
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Certains Etats subsahariens sont acteurs, incitateurs au départ de leurs concitoyens pour s’établir de façon illégale dans d’autres pays du Maghreb ou en Europe et cela peut s’apparenter à un trafic d’êtres humains ou de traite
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Le lynchage de la Tunisie qui a défendu son territoire (elle doit continuer à le faire et le fera quoiqu’il en coûte) relève simplement d’une volonté de se construire une rente au détriment d’un peuple
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En s’ouvrant bêtement, la Tunisie a importé sur son sol les fragilités, les problèmes ethniques d’autres Etats, elle a importé aussi les vecteurs de la pénétration du crime organisé de niveau international
TUNIS – UNIVERSNEWS La vague de contrition, d’excuses multiples sur l’immigration clandestine subsaharienne en Tunisie ne doit pas servir à masquer la responsabilité des Etats africains dans l’immense vague migratoire de leurs nationaux vers le nord du continent. C’est un fait indéniable qui ne peut être passé sous silence.
Ils ne peuvent ni ne doivent être absous de leur responsabilité. On ne peut pousser ses citoyens vers le nord et réclamer pour eux des droits. Pour être clairs sur ce point les Etats subsahariens n’ont aucun droit à faire valoir ni sur, ni à la Tunisie.
Une simple analyse géopolitique.
Aucun de ces Etats ne connait une situation de guerre ou de péril qui lui imposent de laisser partir ses citoyens dans le cadre d’un asile de protection. Aucun de ces Etats n’est dans une guerre du type de celle que subit l’Ukraine à titre d’exemple !
Ni le Sénégal, ni la Côte d’Ivoire, ni La RDC ne sont des pays en péril imminent dont les citoyens seraient éligibles à un asile territorial quelconque au nord du continent, ou en Tunisie en ce qui nous concerne, ni en Europe d’ailleurs. Mais les Européens sauront parler pour eux-mêmes.
Comparativement aux Etats africains subsahariens, la Libye est moins pacifiée et moins calme et doit en plus subir des vagues d’immigration clandestine venant de pays en relative paix civile, assez riches pour certains.
D’abord, les chiffres, ensuite, nous allons soulever la stratégie migratoire vers le nord pratiquée et incitée par les Etats de l’Afrique subsaharienne.
Des chiffres qui dérangent
En pleine crise migratoire les chiffres des arrivées vers le nord de l’Afrique et vers l’Europe ont augmenté ces trois derniers jours, depuis le 8 mars : plus de 1000 migrants subsahariens secourus par la Marine Tunisienne (pays que les subsahariens qualifient d’Etat raciste, a contribué à sauver leurs citoyens !) et plus de 1200 sont arrivés en Italie le 11 mars tous subsahariens, sans exception aucune.
Durant les dix derniers jours, la Garde Nationale tunisienne rapporte qu’elle intercepte entre 80 et 100 personnes par jours qui essayent de franchir la frontière avec l’Algérie. A la pointe sud de l’Algérie, la Gendarmerie algérienne a été obligée d’enrôler les méharis afin de refouler une colonne qui se dirigeait vers Tamanrasset.
Nous avons reconstitué la moyenne d’arrivées sur la frontière tuniso-algérienne au cours des cinq dernières années, depuis les archives de la presse tunisienne : la moyenne quotidienne s’établit entre 50 et 100 entrées illégales par voie terrestre, par jour pendant environ sept ans. Il suffit de calculer !
En même temps, l’administration des frontières tunisienne nous livre un chiffre qui laisse songeur. Seuls 5300 subsahariens sont connus administrativement d’elle, donc disposant d’un titre de séjour en règle. Chiffre avancé début mars et vérifiable par tout un chacun.
Les activistes des droits, annoncent 22 000 subsahariens en Tunisie, en situation régulière selon eux. Ce chiffre serait donc faux sauf si on considère que ce sont les ONG qui délivrent les titres de résidence.
L’UGTT annonçait 700 000 en 2020. Les flux d’entrée par voie aérienne, et ceux par voie terrestre, libres depuis 2016 et ne sont contrôlés que depuis la mi-février 2023 laissent entrevoir l’ampleur de la vague migratoire en Tunisie. Ce n’est pas un crime que de l’évoquer.
Des réalités qui doivent déranger les Etats subsahariens eux-mêmes.
La situation économique des pays pourvoyeurs d’immigrés clandestins en Tunisie est loin d’être dramatique.
Le PIB de la Côte d’Ivoire est meilleur que celui de la Tunisie. Ce pays est plus riche que la Tunisie. Il en est de même pour la RDC dont le territoire est le plus riche au monde en ressources stratégiques dont la Tunisie est dépourvu. Le Sénégal aussi est dans une position meilleure que la Tunisie sur plein d’aspects. Comparée à d’autres pays, la Tunisie fait figure de pays pauvre, ce qu’elle est réellement. Ce n’est pas une honte de le dire.
La Tunisie est dans une situation de stress hydrique et en dépendance alimentaire. Elle nourrit ses enfants en s’endettant par l’argent des impôts des Tunisiens. Ce n’est pas le cas des pays de l’Afrique Subsaharienne, certains louent leurs terres à la Chine et à l’Inde dans ce qu’on appelle la « géopolitique foncière ». Nous avons eu à enseigner cela et nous connaissons parfaitement la rente tirée par ces pays de cette coopération avec la Chine et l’Inde.
Le Nigéria est un pays riche, très riche, une vraie éponge à pétrole quand la Tunisie est en dépendance énergétique totale et se doit d’importer son carburant à coup de devises et d’endettement.
De fait, on se rend compte que des pays riches poussent leurs populations à partir vers le nord profitant de la bêtise des responsables tunisiens d’abolition des visas. Certains Etats vont même jusqu’à accompagner par des moyens de transport en commun terrestres leurs citoyens jusqu’à la frontière quand ils entreprennent un voyage d’immigration clandestine vers le nord.
Autrement dit, certains Etats subsahariens sont acteurs, incitateurs au départ de leurs concitoyens pour s’établir de façon illégale dans d’autres pays du Maghreb ou en Europe. En termes clairs, cela peut s’apparenter à un trafic d’êtres humains ou de traite.
En même temps on s’aperçoit que la politique de délivrance de passeports, notamment en Côte d’Ivoire s’est accélérée au cours des cinq dernières années pour des Ivoiriens originaires du nord de la Côte d’Ivoire. L’objectif est évident, accélérer le départ d’une population dans son ensemble. Or on sait que cela est dû aux dissensions internes et à la problématique liée à la présence des Burkinabés dans le nord de la Côte d’Ivoire et à « l’Ivoirité ».
D’ailleurs, en même temps qu’il s’offusquait de ce que la Tunisie réclame le départ des clandestins subsahariens sur son sol, l’Etat ivoirien expulsait manu-militari 200 000 Burkinabés. Auparavant l’Afrique du Sud a fait de même avec 180 000 Zimbabwéens, le Nigéria en fait de même tous les ans. L’Union Africaine aux indignations sélectives a regardé ailleurs. On dira qu’elle s’est concentrée sur la Tunisie sous l’impulsion de quelques lobbys.
Irresponsabilité, faux alibis et rente mémorielle.
Ce qui se passe dans l’espace sahélo-saharien est moins dû à la guerre qu’à l’incurie des régimes politiques et à leur irresponsabilité dans la direction de leurs affaires. Entre 1960 et 2023, l’Afrique subsaharienne a reçu la plus grande part de l’aide publique au développement venant du monde entier.
Largement plus que les Etats du Maghreb. Par habitant, l’aide au Sénégal ou à la Côte d’Ivoire est supérieure à l’aide par habitant pour la Tunisie. Y compris au cours des dix dernières années. Le fragile développement de la Tunisie de Bourguiba est plus dû à une politique de prêts qu’à une politique d’aide. Il serait utile de le rappeler à tous en ce temps de révisionnisme historique, pour lequel nous allons consacrer un article.
Par ailleurs, la situation des pays comme le Mali, le Burkina Faso, la RDC, n’est en aucun cas due à la responsabilité des Etats du Maghreb, encore moins de la Tunisie, qui n’a jamais eu historiquement aucun prolongement vers l’Afrique au-delà du Sahara. La situation actuelle incombe aux Etats subsahariens et à leurs peuples.
En outre nous sommes à plus de trois générations depuis les indépendances, la colonisation n’explique plus grand-chose.
D’ailleurs, celle-ci n’est pas du fait des Maghrébins et encore moins des Tunisiens.
Dès lors, on peut considérer que le lynchage de la Tunisie qui a défendu son territoire (elle doit continuer à le faire et le fera quoiqu’il en coûte) relève simplement d’une volonté de se construire une rente au détriment d’un peuple qui n’a invité personne à venir sur son sol et qui subit lui-même la faute de deux de ces dirigeants, démiurges et incompétents, actuellement en train de professer cette funeste expérience dans une université américaine.
Le lynchage de la Tunisie vient aussi du fait qu’il y a une interpénétration entre les milieux politiques de certains Etats pourvoyeurs de l’immigration clandestine subsaharienne et le crime organisé international. Cette interpénétration a créé une rente pour certains Etats et certains régimes sur le dos de personnes humaines et sur le dos d’autres peuples.
Ce réseau a fait de la Tunisie son point de passage. Pour s’en convaincre, nous recommandons à certains responsables de lire l’ouvrage, très documenté sur ces réseaux au cœur des pouvoirs: Mafia Africa.
Cette enquête a mis au grand jour les croisements multiples depuis le Nigéria jusqu’en France entre les réseaux de l’immigration clandestine, ceux des drogues dures, de la prostitution d’enfants. Ces réseaux empruntent les mêmes routes et les mêmes intermédiaires.
D’ailleurs, le Nigéria a été obligé de livrer à l’Italie un des chefs des réseaux dans le cadre d’une affaire de traite de personnes humaines liée à l’immigration clandestine. Dans cet ouvrage on apprend la collusion directe entre ces réseaux africains et Cosa Nostra.
Nous sommes loin d’une immigration de nécessité et nous sommes très loin d’une Tunisie simple passage comme se plaisent à le dire certains somnambules tunisiens.
Nous sommes au cœur d’un système qui est au cœur de certains pouvoirs. En s’ouvrant bêtement, la Tunisie a importé sur son sol les fragilités, les problèmes ethniques d’autres Etats, elle a importé aussi les vecteurs de la pénétration du crime organisé de niveau international au sein de la société tunisienne et des structures du pays. Ce n’est pas par hasard que le pays a accueilli des conteneurs de déchets hospitaliers ultimes italiens. Les mêmes réseaux opèrent en viol de la convention de Bâle.
Un des supports de l’immigration clandestine vers l’Europe, en passant par la Tunisie ce sont aussi les cartels de la drogue, ceux-ci font relâche dans le Golfe de Guinée, ont soudoyé des Etats et des gouvernants et ont étendu leurs tentacules vers le nord.
Il suffit de regarder la carte des narco-Etats dans le monde pour s’en convaincre. Il suffit de regarder les noms des Etats.
Techniquement nous sommes loin d’un simple dossier de dépassement de délais de séjour.
C’est bien plus profond et plus dangereux. Maintenant que la poussière des véhémences commence à tomber, il appartient à chacun de faire son examen de consciences et d’ôter les œillères. Il ne s’agit plus de posture, il s’agit de la terres des ancêtres : la Tunisie.
Taoufik BOURGOU
* Politologue