TUNIS – UNIVERSNEWS Par Taoufik BOURGOU – Quand le ventriloque parle, le public a l’illusion que c’est sa marionnette qui émet les sons. Le ventriloque est souvent un artiste ou un illusionniste. En politique, les illusionnistes sont foison. On peut même parler de pouvoirs ventriloques. La défunte république nahdhawiste de 2011 à 2021 était un régime ventriloque : un seul pense et une armée de marionnettes donnent l’illusion de parler. Dans les régimes totalitaires, le pouvoir est nécessairement ventriloque. Le chef joue la partition de la parcimonie de la parole, sa communauté émotionnelle se répand en explications glorifiant le silence, la gestuelle, les regards va jusqu’à inventer des postures. Il suffit de lire les chroniques des laudateurs du Duce, un clown doublé d’une brute, mais un vrai ventriloque quand c’est nécessaire.
Le 21e siècle a créé des possibilités illimitées pour l’art ventriloque en politique. La capture d’un écran peut se transformer en un gargouillis de ventre, rapidement saisis par la communauté émotionnelle, par la masse et transformés en une « Symphonie du nouveau monde » (le 4e mouvement surtout).
Depuis quelques heures, sentant tourner le vent, les girouettes se sont agitées. Après avoir participé à la comédie, les voilà prises dans la bourrasque des vents contraires, de honte, elles entreprennent de faire moulin.
Soudain Monsieur Son frère, dans un élan ventriloque, vient énumérer rapidement les conditions dans lesquelles les girouettes ont été blousées, cinq points lapidaires résumant pour eux le strict domaine de leur malheur. En bref, vous étiez la mule de l’histoire en attendant l’autre mule de l’Histoire avec un grand « H », la masse qui croit au ventriloque jusqu’à ce qu’elle s’aperçoit qu’elle a alimenté un pouvoir qui va inévitablement la décevoir.
Monsieur Son Frère est bien évidement le laudateur principal du frère qui a réussi à se poser sur le trône. Une sorte de double utile à sortir en cas de nécessité. Ce double peut être physique. Saddam Hussein avait son sosie. Les anciens rois avaient leurs gouteurs. Les dirigeants actuels ont leurs rédacteurs Facebook, leur rédacteurs tweeter, une armées de laudateurs et des brigades SA du monde du net. Monsieur son Frère, est le généralissime, voire un Maréchal de la Parole, une sorte de « grosse Berta » (le gros canon allemand de la 1ere guerre mondiale qui ne peut être sorti que pour tout dégommer). Sur Facebook, Grosse Berta est une sulfateuse ultime de la parole, une sorte de « flytox » de l’argument. Un coup de pompe et la messe est dite. D’ailleurs, il a dit la messe dans le latin de son frère en invoquant l’autre mule de l’Histoire (avec un grand « H »), la masse qui le 25 juillet va accorder un score soviétique à ce qu’elle comprendra dans quelques années de pratiques.
Juste pour terminer sur une note lèvres ouvertes cette fois, lisez la lettre d’Epicure à Menecé, surtout le passage qui commence par « L’impie n’est pas…. »
Taoufik BOURGOU
Politologue, Chercheur au CERDAP2, Sciences Po Grenoble