Par Taoufik Baccar
Dans un statut rendu public, il y a à peine une heure sur sa page officielle Facebook, Taoufik, ancien ministre, ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie et consultant financier auprès des instances internationales, fait une analyse rationnelle de la crise générée par la propagation du Coronavirus, et surtout, de ses éventuelles conséquences économique et financier.
Au vu de la pertinence de cette analyse, nous procédons, après autorisation de notre ami auteur, à la reproduction intégrale dudit statut :
« Je viens de parcourir un condensé de la position de l’ancien Président de la FED, Ben Bernanke qui était au premier front lors de la grave crise financière internationale de 2007/2008.
Comme lui, je considère que sur le plan économique et financier, la crise actuelle est moins grave que celle de 2007/2008. Alors que celle d’aujourd’hui est liée à une pandémie dont les impacts économiques et financiers pourraient être maîtrisés dès que des solutions seraient trouvées à cette pandémie, la crise financière puis économique de 2007/2008 a touché les fondements même du système économique et financier à travers une profonde crise de confiance dans le système lui-même.
Il y aura certes une période de récession et une baisse de l’activité qui pourrait être très importante, mais comme lui je considère que la situation pourrait se redresser assez rapidement dès qu’une solution sera trouvée à cette maladie.
La situation actuelle est davantage comparable à une catastrophe naturelle tel un tremblement de terre, de fortes inondations ou un tsunami..
Le monde a connu après la crise financière de 2007/2008 près de 12 années de récession et Ben Bernanke a raison de considérer que les gens n’ont pas perçu la profondeur de la crise de 2007/2008 et a peur qu’ils se trompent aujourd’hui dans le sens inverse .
Il est vrai que la situation économique et financière mondiale était meilleure avant cette récente crise ,que la situation des banques et des institutions financière a été largement assainie de sorte qu’elles ont aujourd’hui davantage de moyens pour amortir le choc et que le monde a beaucoup appris de la crise financière internationale de 2007/2008 en développant de nouveaux instruments d’intervention ( quantitative easing/rachat de dettes publiques et privées, même celles carbonisées…),des instruments qui peuvent être aisément actionnés aujourd’hui.
Il y aura certainement des impacts économiques et financiers et même une baisse importante de la croissance mondiale, mais elle ne durera pas longtemps comme celle de 2007/2008.
Par contre les enseignements à tirer de cette crise sont fondamentaux et les pays et la communauté mondiale dans son ensemble doivent en tenir compte : plus grande coopération internationales sur les questions de santé et de pauvreté ,orientation des politiques publiques vers la santé, l’enseignement ,les nouvelles technologies et la recherche et la satisfaction des besoins essentiels de la population, en plus de la mise en place de stratégies nationales plus efficaces de lutte contre la pauvreté.
Au plan national l’assainissement au cours des dernières années du système bancaire auquel a participé directement ou indirectement l’Etat et les bénéfices réalisés par les banques au cours des dernières années grâce aux masses de liquidités injectées par la Banque centrale, et dont une partie a servi à l’acquisition de BTA, opération rendue nécessaire par l’explosion des déficits publics, exigent de celles ci une plus grande contribution au financement des programmes de lutte contre la pandémie. Certes les 112 millions de dinars proposés par les banques de la place constituent un effort louable de leur part. Mais, je pense que cette contribution pourrait être portée, dans les circonstances actuelles, à 25 voire 30 % des bénéfices. L’Etat pourrait, pour sa part, faire bénéficier les montants additionnels fournis par les banques de l’exonération fiscale au même titre que les bénéfices réinvestis dans des projets prioritaires tels que le développement régional.
Par ailleurs un effort additionnel est requis de la BCT. Il serait à cet égard primordial qu’elle veille à la fourniture des liquidités nécessaires pour financer l’économie, surtout les petites et moyennes entreprises. Elle pourrait dans ce cadre augmenter l’enveloppe fixée pour le rachat d’une partie de la dette intérieure auprès des banques de la place tout en allongeant la maturité des émissions éligibles (opérations d’Open Market). Elle pourrait aussi envisager une nouvelle baisse du taux directeur surtout si l’inflation continue à baisser, ce qui ne manquerait pas d’impacter les taux longs et induire ainsi la réduction du coût de la dette publique.
Enfin, elle doit veiller à la stabilisation du taux de change du dinar afin d’améliorer la visibilité de l’ensemble des agents économiques, de réduire davantage l’inflation importée et de pouvoir ainsi gagner en crédibilité dans son combat de toujours contre le danger inflationniste.