Par Abdelaziz Kacem
Plus l’État hébreu se montre répressif à l’égard des femmes et des enfants dans les territoires occupés, plus il spolie, plus il emprisonne, plus il démolit, plus il confisque, et plus les pays du Golfe, moins le Koweït, sont démangés par l’irrépressible désir de se jeter dans sa gueule. Le 13 août dernier, n’en pouvant plus, Abou Dhabi, en chaleur, passe aux aveux. La normalisation sera actée, début septembre. Le Bahreïn s’impatiente. Qu’attend-il pour sauter le pas ? Que Netanyahu parachève l’annexion, sans doute.
Bien des amis m’ont écrit, par messenger, que notre cuisine intérieure ne devrait pas nous cacher ce qui se mijote alentours. Il est vrai que, moi, le nationaliste arabe, j’ai de plus en plus tendance à me boucher les oreilles, à zapper, à regarder ailleurs…
Tout aussi désemparé que les Palestiniens, je me donne une pause de réflexion pour mieux diagnostiquer les maladies congénitales du monde arabe.
Il y a d’abord, passez-moi l’expression, je n’en ai pas d’autres, ce piège à c… qu’est la Ligue des États arabes. Elle a été, dans le contexte de la Guerre froide à venir, façonnée, en 1945, par les bons soins de l’Angleterre, sur le point de lâcher prise, dans le seul but de constituer un bloc à même de contenir la poussée communiste dans notre région. Or le marxisme, à l’époque, agissait sur la jeune intelligentsia arabe comme la seule pédagogie possible pour s’exercer à la réflexion et à la dialectique.
La Ligue arabe. De ce cadeau colonial empoisonné, l’Égypte nassérienne, puis la Tunisie de Bourguiba, durant les années 1980, ont essayé d’en faire œuvre utile, pour nos causes communes, la Palestine, en tête. Mais où sont les Mahmoud Riadh et les Chedli Klibi ? Aujourd’hui, ce machin est entre les mains des « Normalisateurs », porteurs du qamis, tête enserrée par une cordelette disposée en double zéro, véritable préservatif contre l’intelligence.
Il y a aussi l’islam. Sensé être le ciment d’une communauté, le garant d’une solidarité pleine et entière, il a été corrompu, détourné de ses principes, cyniquement manipulé, honteusement domestiqué, poussé à l’horreur. C’est par un tour de passe-passe purement islamique que l’on a changé d’ennemi. La Palestine est bradée, Dieu ayant réquisitionné le Peuple élu pour défendre la Mecque contre Téhéran.
Des nations, des États indigents, en nombre, se livrent au plus fort, moyennant subsistance. Cela nous paraissait compréhensible. Mais, quand, gaiement, les riches rentiers aux neurones appauvris achètent, à prix d’or, chez les puissants, leur propre ilotisme, ne s’agit-il pas là d’une première dans l’histoire de l’humanité.
Cela fait des décennies que l’on dit à la partie noble du monde arabe, le Levant et le Maghreb, confrontés à toutes les trahisons, « il faut faire avec ». Déjà congénital signifie « est né avec ». Et si l’on essayait de « faire sans » ?
Certes, être soumis à un dominant est toujours infamant. Mais n’est-ce pas le summum de la mésestime de soi que d’être inféodé au valet du maître ? J’ai vécu sous le régime colonial dans sa phase la plus violente. Mais je ne me suis jamais senti aussi humilié que depuis presque dix ans. Qu’avons-nous fait au bon Dieu, nous, descendants des lions de l’Atlas, pour mériter d’être devenus une proie possible pour les fennecs des terres infécondes ?
Les Palestiniens sont plus que jamais seuls. Ils doivent prouver leur capacité de survie. Nous autres, de plus en plus paupérisés, nous ne leur sommes d’aucun secours. Nous sommes juste capables de surendettement.
Cela ne nous empêche pas de rappeler aux bons musulmans le verset 97 de la sourate IX : « Les Bédouins vont plus loin que quiconque dans la dénégation, l’hypocrisie, la propension à ignorer les normes expresses que Dieu a fait descendre sur Son Envoyé » (Trad. J. Berque). Notre mal vient de là.
A.K