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Ennahdha, un parti qui a détruit le pays pendant dix ans.
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Les « peuples qui voulaient », se sont tous trompés, ont fini par avoir ce qu’ils ne voulaient pas.
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Jamais le pays n’a enduré autant d’ingérences servant des intérêts extérieurs, du Qatar à la Turquie, des milices libyennes aux agents de Qardhaoui.
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La farce du « ghannouchisme » n’est qu’une forme de dictature, celle des médiocres, des incultes, des butés, des rétrogrades, des violents…
Par Taoufik BOURGOU *
Aux dernières nouvelles, Ubu s’est autoproclamé Calife et a élu domicile en Tunisie.
Si ce n’est le drame qui se joue dans le pays, cette boutade passerait pour la réplique du jour à la veille du plus totalitaire des exercices auxquels recourent les régimes sentant la proximité de leurs fins :
la manifestation organisée contre le peuple et les ennemis du cercle des intimes du Régime lui-même. Tel un Ceausescu s’obstinant à croire qu’il était indispensable à son pays alors qu’il en était le pire fardeau. Une manifestation supervisée par le Régent-Calife contre les turpitudes de son propre règne avec l’aide de ceux qu’il a trompés, dépouillés et envoyés vers la faillite. Plus ubuesque que l’islam politique on ne pourra pas trouver dans le théâtre de la politique.
Une partie de ce peuple, encore crédule et achetable comme à chaque élection, sera trainée dans une manifestation que va financer, organiser et structurer Ennahdha, parti qui a détruit le pays pendant dix ans. Son bilan est pourtant des plus dramatiques, tout en échec. Ghannouchi est comptable et responsable des dix dernières années, les dénégations de ses ouailles n’y feraient rien. Les chiffres sont têtus, les faits aussi. L’histoire ne retiendra de lui qu’un « solde de tous comptes » en guise de pierre tombale d’un régime qui a démarré avec une farce de l’histoire et qui se terminera certainement en une fuite.
La farce de l’histoire a été de voir les parrains des régimes arabes, les Etats-Unis, se débarrasser de ceux qui ont été leur plus fidèles amis, ceux qui les ont aidés dans une entreprise de contrôle d’une zone depuis près d’un demi siècle. Après le discours du Caire de leur président Obama, les Etats-Unis se sont mis à la recherche de plus servile que leurs anciens amis, non pas pour changer le modèle de leurs relations avec le Monde Arabe, mais pour mieux l’enraciner. Ghannouchi et son pouvoir sont les produits de cette farce de l’histoire, qui d’ailleurs démarre plus exactement en 2003, date du début de son idylle américaine, par l’intercession des services de sa Majesté, depuis Londres. Aujourd’hui, en chute libre, c’est vers eux qu’il vient de se tourner en payant une tribune à prix d’or dans un journal américain. Il aura été jusqu’au bout la créature putative de Burson, Cohn and Marsteller. Une story telling enjolivée payée à la firme de communication politique américaine à coup de milliers de dollars quand le peuple fouille les poubelles pour se nourrir. Ubu Calife n’a pas lu l’histoire du pays qu’il prétend vouloir gouverner. Il l’a fait revivre au peuple. Les historiens jugeront.
Les « peuples qui voulaient », se sont tous trompés, ont fini par avoir ce qu’ils ne voulaient pas. Les voilà piégés dans un jour sans fin. Le terrorisme d’hier, le nihilisme comme idéologie deviennent soudain les parangons d’une démocratie qu’ils dénonçaient hier lorsqu’ils résistaient dans les clubs de Londres ou les Malls de Doha. La suite de la farce se trace en chiffres et en réalisations en décor de cinéma, en maquettes tout autant ubuesques.
Le pays en faillite assiste médusé à une visite d’Ubu Calife au Sijoumi pour qu’il supervise la marche d’un projet fictif de réhabilitation du quartier. Surréaliste lorsqu’on songe qu’il a ajouté à l’usurpation des fonctions de quelques ministres, le mensonge. Le pays n’a pas le début du zeste d’un millième de Dinar pour la plus urgente des urgences. Mais Ubu Calife, frappé par la maladie des pouvoirs déclinants, le « bougisme », supervise à tour de bras tous les projets en papier qui ne se réaliseront jamais. Peu importe, l’essentiel du pouvoir ubuesque c’est l’ostentation.
Dans la farce qui continue encore sous nos yeux, les gouvernants du moment font croire aux crédules et à ceux qui veulent encore croire que le Califat d’Ubu est un temps enchanteur de démocratie et de prospérité. Mais le pire de la face est à venir. Une manifestation à la Kim Jung Un pour continuer et faire prospérer l’ubuesque et la faillite.
Ghannouchi fait manifester ses acolytes contre les méfaits de son régime dont le bilan, est pourtant le plus détestable de l’histoire du pays depuis 1860. Un bilan qui se résume en quelques chiffres et en beaucoup de souffrances. 8000 terroristes hommes et femmes envoyés en Syrie perpétrer les pires crimes, au moins trois assassinats politiques perpétrés sous son règne, un pays intégralement en faillite, des aides et des crédits abyssaux qui se sont évaporés entre Sheraton et Istanbul, une razzia appelée « tamkin » qui a tué tout ce qui était vert et solide : l’éducation, la santé, les entreprises publiques, les caisses de retraite, la sécurité sociale, la diplomatie, les collectivités, absolument tout a été miné et mité jusqu’à la dernière fibre. Rien n’a pu échapper.
Le pays approche les 8000 morts à cause de la COVID19, une épidémie gérée au départ par l’un de ses « généraux » autoproclamés dont on dit qu’il serait l’homme du Calife pour Carthage en 2024. Sur quoi pensent-ils régner encore dans trois ans ? Des ruines certainement.
Ce régime aura été certainement le plus servile de l’histoire du pays. Jamais le pays n’a eu à endurer autant d’ingérences et d’officines qui pullulent dans tous les rouages de l’Etat et qui servent des intérêts extérieurs, du Qatar à la Turquie, des milices libyennes aux agents de Qardhaoui. A la faute de la servilité il ajoute celle de demander à l’étranger de l’aider contre le peuple dont il se prétend être le Président autoproclamé. Les visites d’ambassadeurs se multiplient pour faire croire aux crédules que Calife Ubu est plus grand que sa vraie taille politique.
Au bout de dix ans, la farce nous révèle que le « ghannouchisme » n’est qu’une forme de dictature, celle des médiocres, des incultes, des butes, des rétrogrades, des violents. Bien sur dans cet aréopage on trouve quelques suiveurs. Les anciens de l’ancien régime et des Qalb Tounes. Dans les ruines, les délabrements multiples du pays, ils ont prospérés, telles les herbes folles des salines, celles qui poussent sur les terrains pollués dés qu’une eau saumâtre peut les arroser. C’est le propre des pouvoirs totalitaires que de prospérer sur le délabrement et de grimer les ruines en palais.
Dix ans d’une saison sèche et longue où ils n’ont rien apporté au pays. Une décade qui se termine en une manifestation du régime ubuesque contre ses propres turpitudes pour les prêter aux autres. Sous le règne d’Ubu Calife, le pays est devenu un honteux archétype de la mendicité internationale. Tout est objet de mendicité. Les salaires et les vaccins, le manger et l’équipement, les écoles et les universités. A la mendicité ils ont ajouté le vol « halal ». Dix ans d’un pillage méthodique, un « ihtitab » qu’ils portent en culture et qu’ils ont instauré en idéologie de régime.
Leur manifestation n’est que la suite de la farce initiale, ils pourraient être nombreux, à hauteur du nombre de sandwichs et des pièces de monnaie qu’ils vont distribuer à leurs mercenaires. Mais à ne pas en douter, la conscience politique de leurs suiveurs sera à la hauteur de leurs ventres. Il est bien connu que les totalitarismes n’ont pas besoin des cerveaux de leurs peuples, ils ont juste besoin de leurs ventres et de leurs instincts.
T.B
* Politologue, chercheur au CERDAP2, Sciences Po Grenoble