Des militaires menés par un jeune lieutenant-colonel ont annoncé avoir suspendu les institutions et fermé les frontières du Burkina Faso. La veille, plusieurs unités s’étaient mutinées pour dénoncer l’incurie des autorités, civiles et militaires, face aux attaques des groupes djihadistes.
Il y a des signes qui ne trompent pas les Burkinabés. L’habitude, ou presque. Tout commence à l’aube, dimanche 23 janvier. Des tirs retentissent au sein des principales casernes militaires de la capitale, les réseaux de téléphonie mobile sont coupés, des militaires formulent des revendications, un couvre-feu à partir de 20 heures est décrété, et les établissements scolaires sont fermés pour les jours à venir.
A ce stade, difficile encore de savoir s’il s’agit d’une mutinerie ou d’un coup d’État. Puis, dans la nuit de dimanche à lundi, les intentions des militaires se précisent. Des tirs retentissent de nouveau, se resserrent autour de Roch Marc Christian Kaboré. Le président, réélu démocratiquement en 2020, est placé sous la protection de la gendarmerie.
Les conséquences de ce coup d’État en cours au Burkina Faso seraient lourdes, selon les observateurs, pour l’intervention française. Non seulement, cette instabilité menace sérieusement l’avenir de l’opération Barkhane dans le Sahel, mais en plus elle risque de porter un coup fatal à l’engagement militaire des Européens dans la sous-région.
Sur le plan opérationnel, la présence militaire française au Burkina Faso est réduite aux forces spéciales, la « Task Force Sabre ». Par nature discrète, cette force d’environ 350 militaires est utilisée pour traquer et frapper les djihadistes, comme lors de la libération de deux otages français par le commando Hubert, dans le sud du Burkina, le 19 mai 2019.
Dans le contexte actuel, cette force ne sera pas engagée pour protéger le président Kaboré : dans une position déjà très délicate, Paris n’a pas intérêt et sans doute plus les moyens de jouer aux gendarmes de l’Afrique, comme le souligne le colonel Michel Goya dans son dernier livre, Le Temps des guépards.
En revanche, elle peut être déployée en cas de menace sur les Européens : un scénario, pour l’heure, peu probable. « La crise au Burkina peut surtout poser un problème logistique pour l’armée française, analyse le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès des Nations Unies. Les convois de ravitaillement de la base de Gao, dans le nord du Mali, et de Menaka, dans le nord du Niger, passent par le Burkina. » De sorte que la France est obligée de ne pas s’aliéner les autorités qui dirigent le pays.