Par Khélil LAJIMI
Ancien ministre
A la BCE et à la FED les économistes sont sur le pied de guerre pour alimenter les comités de politique monétaire d’un diagnostic sur la conjoncture. Il s’agit de poser le bon diagnostic de crise. Il ne faut surtout pas commettre d’erreur compte tenu de la situation économique mondiale. L’inflation est de retour. Le monde occidental l’a oublié. La dernière crise inflationniste remonte au début des années 1980 suite au second choc pétrolier de 1979. L’inflation actuelle est d’une autre nature. Elle a deux sources : la première, la politique de QE (quantitative easing) qui a vu la FED et la BCE inonder les marchés de liquidités pour stimuler une croissance atone et soutenir la sphère réelle, lors du COVID, pour qu’elle ne s’effondre pas ; la seconde, la guerre en Ukraine qui a créé un choc sur les prix mondiaux.
La FED et la BCE sont conscientes de cette situation. Elles ont commencé à relever leurs taux directeurs et vont continuer à le faire, sachant que cette hausse aboutira à une récession. Elles ont choisi la récession, qui durera selon les prévisionnistes jusqu’à la fin du premier trimestre 2023, à la Stagflation. Pourquoi ? Tout d’abord le mandat des banques centrales est la stabilité des prix. Ensuite l’économie se rétablit beaucoup plus rapidement d’une récession que d’une forte inflation. Enfin, cette dernière enlève du pouvoir d’achat aux citoyens, surtout les plus modestes, sur toute la période où elle demeure élevée.
En Tunisie notre croissance économique est en moyenne proche de zéro sur toute la période post 2010. Ce sont des milliards de dinars de richesses non créées et les emplois qui vont avec. La croissance ne repartira que si la confiance revient. Il ne s’agit ni de modèle de croissance plus inclusif, ni d’autre chose. LA CONFIANCE. On ouvrira le débat sur le modèle de croissance une fois celle-ci retrouvée.
L’inflation est en forte hausse, 8,1% à fin juin. Elle continuera sur ce trend. Des ajustements de prix de l’énergie sont à venir. La caisse de compensation énergétique a besoin de 5 milliards de dinars de financements supplémentaires pour boucler l’année en cours. Il est vrai que des augmentations de prix ont eu lieu. Le baril reste tout de même à plus de 100$ alors que la LF 2022 l’a prévu à 75$.
La Banque centrale devrait rapidement relever son taux directeur à 8% (+ 100 points de base) pour au moins atteindre une neutralité de la politique monétaire et contenir l’inflation qui appauvrit les citoyens tunisiens. On ne choisit pas la récession, on y est depuis un moment, mais on combat l’inflation qui vide les poches des Tunisiens.
Khélil LAJIMI