Tawfik BOURGOU*
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Le Hamas a enclenché la liquidation de la question palestinienne dans son ensemble et sa responsabilité dans la destruction de son propre peuple est pleine et entière
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Peu importera qui sera à la Maison Blanche, même si… nous avons une plus grande aversion pour les démocrates, véritables architectes de la démolition de la Tunisie !!!
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Avec ses prétendus capacités le régime des mollahs a intoxiqué ses alliés du Hamas et du Hezbollah sur ses propres moyens
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Les Iraniens ont posé les deux têtes de leurs alliés sur un plateau d’argent afin d’avoir la possibilité de rouvrir les négociations avec les Américains sur leur nucléaire.
TUNIS – UNIVERSNEWS Depuis le 7 octobre 2023, les territoires palestiniens, le Liban et une partie de la Syrie et même l’Irak sont entrés dans une phase politique et militaire qui rappelle par ses aspects deux épisodes majeurs de l’histoire du Moyen-Orient, d’une part la défaite arabe de 1967 et d’autre part l’invasion du Liban de 1982. Il ne s’agit que d’une simple réminiscence de l’histoire car les résultats de la guerre en cours sont et seront encore plus catastrophiques pour les Palestiniens et les Libanais et d’autres peuples de la région.
Sauf à se parer des vœux pieux du nationalisme arabe, toujours prompt à voir des victoires éclatantes dans la plus sombre des défaites militaires, la question palestinienne a été simplement liquidée en onze mois de guerre. Le 7 octobre 2023, en déclenchant son attaque contre Israël pour le compte de l’Iran, le mouvement frère musulman, le Hamas, a enclenché la liquidation de la question palestinienne dans son ensemble. Sa responsabilité dans la destruction de son propre peuple est pleine et entière.
Gaza a été rayée de la carte et la Cisjordanie sera intégralement réoccupée, même les maigres acquis du processus d’Oslo que les islamistes ont tout fait pour le faire avorter, seront rayés d’un trait de crayon. Ce sera chose faite après la phase terrestre de réoccupation du sud du Liban que l’armée israélienne va entreprendre.
Avec cette guerre, le Liban plonge d’un cran vers un effondrement total non seulement matériel mais aussi politique. C’en est fini. Peu importera qui sera à la Maison Blanche, même si pour notre part nous avons une plus grande aversion pour les démocrates, véritables architectes de la démolition de la Tunisie avec le couple Obama-Clinton. Pour le Moyen-Orient l’équation sera la même, peu importe qui sera à la Maison Blanche.
Cet assassinat met à nu l’Iran et ses ingérences dans le Moyen Orient et ses tentatives de porter ses tentacules au Maghreb, spécialement en Tunisie. Véritable architecte d’une guerre par proxy, par procuration, le régime des mollahs est un prétendu géant mais aux jambes d’argile.
L’armée iranienne est faible, son aviation est inexistante, ses missiles sont d’un autre âge et ses drones tiennent plus de la tondeuse de gazon améliorée que d’un outil militaire. Avec ses prétendus capacités le régime des mollahs a intoxiqué ses alliés du Hamas et du Hezbollah sur ses propres moyens et a même intoxiqué beaucoup de « gens qui pensent » dans le Maghreb et même en Tunisie, dans certains cercles politiques.
L’Iran n’est rien militairement, en tout cas dans les guerres modernes. Les iraniens ne seraient jamais intervenus et n’interviendront jamais pour sauver les arabes, qu’ils soient chiites ou sunnites. A ce titre ils sont comparables aux turcs. Les iraniens se pensent d’abord en perses et non en chiites, encore moins en musulmans pour aller secourir d’autres musulmans. Même s’ils devaient en avoir les moyens, les fronts arabes (Liban, Palestine, Syrie) sont secondaires pour les iraniens.
C’est une leçon de stratégie en direction des porteurs de la nouvelle doctrine fondée sur un lien de coopération avec l’Iran, au Maghreb. Ils devraient bien méditer les cas du Hamas et du Hezbollah et surtout ouvrir quelques livres d’histoire.
En poussant le Hamas à entreprendre l’attaque du 7 octobre 2023, les Iraniens savaient au préalable qu’ils allaient utiliser ce front et son élargissement au Liban pour monnayer les deux mouvements en contrepartie de la levée des sanctions et le retour vers un accord sur le nucléaire. Le moment du déclenchement paraît aujourd’hui logique au regard d’un agenda de l’Iran. Les mollahs voulaient un accord avant un éventuel retour de Trump. En donnant la tête du mouvement chiite au Liban, les Iraniens souhaitaient compléter le message envoyé par le ministre des affaires étrangères iranien aux Américains à l’occasion de l’assemblée générale des Nations Unies.
Dans l’un comme dans l’autre cas, les Iraniens ont posé les deux têtes de leurs alliés sur un plateau d’argent afin d’avoir la possibilité de rouvrir les négociations avec les Américains sur leur nucléaire
Ces manœuvres se sont faites au su et au vu des pays arabes du Golfe et du Maghreb. Si les pays riches du golfe se sont tus et ont regardé ailleurs comme à leur habitude, le Qatar, fort de son statut d’Etat factotum, a joué un rôle particulier auprès du Hamas avant et après le 7 octobre, autant il a été le financeur du mouvement tout en connaissant les liens entre le Hamas, mouvement frère musulman, et l’Iran, autant il en a été le liquidateur financier après l’ordre israélo-américain donné au Qatar de cesser toute relation avec le mouvement islamiste.
Les liquidations des chefs libanais et palestiniens signent de fait la fin des partis-milices armées, structurées et organisées grâce à des moyens prêtés par des Etats régionaux ou plus lointains. Ce qui fut d’ailleurs l’outil de base utilisé par les Américains et les Occidentaux en Syrie, Libye, partiellement en Tunisie à travers Ennahdha et la nébuleuse associative. Ce fut l’outil privilégiée de l’Iran en Syrie, en Irak, au Liban, au Yémen et dans les territoires palestiniens après annexion du Hamas par la nébuleuse chiite.
La période qui s’ouvre sera une période de désarmement de ces milices. Les Iraniens, mais aussi d’autres acteurs régionaux, n’ont plus besoin de milices-Etats, trop coûteuses et peu efficaces dans la nouvelle ère qui s’ouvre.
Cet épisode qui démarre avec l’attaque du 7 octobre 2023 sur ordre iranien au Hamas d’attaquer les israéliens et se termine par la liquidation des chefs du Hamas et du Hezbollah, souligne encore une fois de plus le rôle américain dans le monde arabe.
A certains égards, il s’agit même d’un résumé des quatre-vingt dernières années des relations arabo-américaines. D’abord, sans le cacher, les Etats-Unis, peu importe la couleur politique de l’administration, démocrate ou républicaine, sont partie prenante des guerres menées par les israéliens dans le monde arabe. Le dernier épisode le montre, notamment en ce qui concerne l’aide logistique prodiguée par Washington pour réaliser le chapelet de frappes qui ont amené la mort du chef chiite. Le type de bombes utilisées le prouve.
En fait, plus largement, toutes les relations entre le Monde arabe et les Etats-Unis procèdent de ce point fondamental qui est la relation stratégique entre les Etats-Unis et Israël, et les USA n’ont jamais caché cela. Ainsi, quand l’administration américaine entreprend de mettre sur pied les funestes printemps arabes et qu’elle rencontre les chefs islamistes, elle leur pose comme condition de ne jamais s’opposer, ni contrecarrer de façon ou d’une autre cette relation privilégiée avec Israël. Tous ont accepté cela, y compris Rached Ghannouchi pour la Tunisie. Le camp islamiste qui feint la solidarité avec le Hamas n’ignore pas cela. Le silence de certains de leurs lobbyistes à Washington en dit long.
D’ailleurs, à l’annonce de la liquidation de Nasrallah, dans les fiefs de Daech, lié à la stratégie américaine et israélienne en Syrie, ce sont des tirs de liesse qui ont raisonné toute la journée.
En 1982 le monde arabe, bien que structuré en Etats assiste à la liquidation d’une partie du Liban et de l’OLP. C’est le même silence qui prévaut hormis les condamnations d’usage. Ce qui a changé depuis c’est la quasi-disparition d’Etats au Moyen-Orient et leur affaiblissement et leur début d’effondrement au Maghreb. La Syrie, l’Irak, le Liban ont quasiment disparu comme acteurs étatiques. La Libye a été démantelée par les Occidentaux et offerte aux jeux de milices comme la Syrie et le Liban. La Tunisie a été offerte par les Etats-Unis aux islamistes qui l’ont démolie, elle a été même promise aux immigrés clandestins subsahariens par un ambassadeur qui les a déclarés « habitants originaux ».
Une leçon à l’endroit de la Tunisie peut être tirée de ce qui se passe au Liban. Quand on s’en remet à un voisin pour se faire protéger… ont finit toujours par être une monnaie d’échange.
T.B.
*Politologue