Tawfik BOURGOU*
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L’islam politique défendu par Washington a effondré l’Etat, démoli la République, installé le terrorisme, l’ingérence du Qatar et celui d’autres petits roitelets
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Pour dire les choses de façon crue et directe, les anciens amis de la Tunisie l’ont aidée plus à s’effondrer qu’à se reconstruire.
TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF) –Bien sûr, les peuples sont responsables de leurs turpitudes, de leurs fautes, de leur façon de sortir de l’histoire. Car la Tunisie est en train de sortir de l’histoire.
Par leurs fautes, les peuples créent pour leurs ennemis et rivaux des opportunités d’ingérences et même de quasi-colonisation. Les peuples sont aussi responsables du sort que leur réserve ceux qui se saisissent de leur destinés, pays, terre et patrimoine.
Les Tunisiens ne dérogent pas à cette règle simple et réaliste de l’histoire. 2011 a été un moment où un peuple entier s’est trompé de voie et d’aiguillage. Une faute collective exploitée par les puissances du moment pour orienter le destin du pays dans un sens qui leur est favorable et donc défavorable aux Tunisiens eux-mêmes. Car en effet, aucun Etat n’aide et n’intervient en faveur d’un autre sans tenir compte de ses intérêts propres d’abord et avant tout. On ajoutera qu’il ne tient compte que de ses propres intérêts d’ailleurs. C’est une leçon de réalisme que nous préférons répéter.
Au bout de bientôt quatorze années, les parrains de ce moment de l’histoire tunisienne, 2011, les Etats-Unis et l’Union Européenne en l’occurrence, constatent que le résultat de leurs actions n’a fait que pousser la Tunisie dans les bras de leurs rivaux et adversaires. Le basculement vient d’avoir lieu.
Il y a quelques semaines, certains responsables européens poussaient de faux cris d’Orfraie sur le possible basculement de la Tunisie vers un autre axe. Ils feignent l’étonnement, car ils savent d’expérience que leurs actions en Tunisie depuis 2011 ne pouvaient avoir pour conséquences que de pousser la Tunisie vers leurs rivaux et adversaires. Expliquons-nous.
Le bilan de la coopération entre la Tunisie avec l’Union Européenne et les Etats-Unis entre 2011 et 2024 montre clairement une concentration sur des outils et des actions qui ne permettent que de gérer la « marge » géographique de l’Europe et non les outils de développement. Autrement dit, l’Union Européenne et les Etats-Unis, dès 2011 avaient pour projet de créer un « bantoustan » pour gérer les problèmes sécuritaires que leurs interventions ont fait naitre dans l’espace arabe, moyen-orientale et africain.
En 2011, par l’accord de Paris imposé par le couple Obama-Clinton, ils avaient confié la gestion de cette marge ou ce bantoustan aux islamistes, anciens ennemis mais nouveaux « mâtons ». L’accord passé avec les islamistes en ce février 2011 fait d’eux les gardiens des « limes » du monde occidental, dans le cadre d’un « concordat » planétaire avec l’islam politique. C’est le sort réservé à la Tunisie dès le départ, les documents déclassifiés aujourd’hui et les mémoires des acteurs de l’époque le prouvent.
En 2011, lorsqu’il fallait abattre le régime de Kadhafi, ou en 2022 lorsque l’Italie a décidé de renforcer ses relations gazières avec l’Algérie après l’invasion russe de l’Ukraine, la Tunisie a été renvoyé au sort peu enviable de corridor de passage, un « couloir » stratégique que tout le monde peut piétiner à loisir, peu importe si cela devait broyer la vie de onze millions de Tunisiens qui, il faut le dire, ont participé à divers degrés à leur propre asservissement. C’est ainsi que nous envisageons la condominium algéro-italien sur la Tunisie au vu et au su de Washington. Faut-il un argument de plus ?
En fait, dès 2011 la Tunisie a été érigée en laboratoire d’établissement de marges, une sorte de « banlieue » de l’Europe, une Naples de l’Afrique du Nord, un dépotoir pour délester l’Europe du sud de nombre de ses problèmes
C’est ainsi qu’on peut analyser les récentes apparitions de la mafia italienne à Hammamet, qui coïncide avec l’arrivée massive des drogues dures en Tunisie, drogues qui suivent la route des mafias africaines de l’immigration d’implantation en Tunisie. Cette même mafia italienne s’est confrontée aux services de renseignements italiens, sur le sol tunisien.
C’est aussi dans ce sens qu’il faut analyser l’affaire des conteneurs des déchets italiens déposé dans le port de Sousse. Or on sait que tout le marché des déchets en Italie est tenu par les familles mafieuses italiennes. Le gouvernement néo-fasciste que certains prennent en exemple dans l’Union Européenne était parfaitement en courant et a laissé passer des conteneurs de poisons, dont certains contenaient des déchets hospitaliers ultimes issus de la gestion de la COVID19 par le défaillant système de santé italien.
C’est ainsi qu’il faut enfin comprendre le statut de dépotoir des démographies et des immigrations subsahariennes dévolu à la Tunisie par le funeste accord tuniso-italien signé en dépit du bon sens, un accord contraire aux intérêts vitaux de la Tunisie. Un statut de Somalie de l’Afrique du Nord.
En fait, dès 2011, la Tunisie a été poussée dans le sens de devenir la marge, le bout de trottoir de l’Europe, tout le « fameux » processus de démocratisation par ingérence extérieure n’avait pour objectif que de faire advenir ce statut peu enviable. Or, en même temps, l’Union Européenne orientait vers le Maroc investissements structurants et projets à forte teneurs d’emplois. Un double standard que montrent les propres chiffres et rapports de l’Union Européenne elle-même.
Paradoxalement, le Maroc c’est plus des deux tiers des immigrés clandestins de l’Espagne, de la France et de l’Italie, c’est la majeure partie des mineurs isolés, c’est 90% du cannabis, c’est la Macro-mafia en Hollande, c’est la filière marocaine qui a été derrière les attaques de Paris, de Molenbeek. Ce n’est pas au Maroc que Monsieur Rutte est allé faire signer un oukase ou un diktat, mais en Tunisie, alors que la Tunisie n’a que des relations anecdotiques avec les Pays-Bas.
Au bout de cette énumération partielle, on peut comprendre le jeu d’association qui se fait de plus en plus entre l’action de l’Union Européenne, celle des Etats-Unis et le glissement de la Tunisie vers le sort peu enviable de zones grise, de bantoustan ou de dépôt.
L’islam politique défendu par Washington a effondré l’Etat, démoli la République, installé le terrorisme, l’ingérence du Qatar et celui d’autres petits roitelets. Depuis 2011 l’action de l’UE se distingue elle aussi par une orientation dans le sens de l’installation d’une ingénierie sociale dérangeante au regard de ses objectifs. L’UE, a totalement revu ses engagements conclus sous Ben Ali et qui avaient des objectifs économiques. Désormais l’UE agit d’abord sur de « pseudo » mécanismes sociaux, par l’entremise d’associations, d’ONG et autres structures sans aucune valeur ajoutée économique. Certaines ont des objectifs nébuleux. Parallèlement, les Etats-Unis n’ont fait que renforcer les structures sécuritaires pour les amener à répondre aux insécurités que les ingérences américaines et européennes ont créé.
Pour dire les choses de façon crue et directe, les anciens amis de la Tunisie l’ont aidée plus à s’effondrer qu’à se reconstruire. Nul besoin alors d’expliquer les raisons qui amènent les rivaux de l’Occident sur les rives sud de la Méditerranée. La Chine, la Russie ou même l’Iran n’ont pas besoin de lobbying, les maladroites et contreproductives ingérences occidentales ont creusé pour eux le sillon d’une implantation en Afrique du Nord. C’est désormais chose faite. La Tunisie s’est éloignée de la rive nord. De part et d’autre ce sont des ressentiments négatifs.
T.B.
Politologue