
- En un an, plus de 3,1 milliards DT supplémentaires ont quitté les coffres bancaires pour se retrouver dans les portefeuilles
- Une progression de +13,89 % qui interpelle autant qu’elle inquiète !!!
- Le recours massif au liquide alimente, à son tour, signe d’une pression inflationniste indirecte !!
- Cette envolée de la monnaie en circulation pose au moins trois défis majeurs : de traçabilité, d’efficacité monétaire & d’inclusion financière !
- Il est impératif d’éviter que cette « culture du cash » ne s’installe durablement !!!
- Soit cette tendance est contenue et réorientée vers une modernisation des paiements, soit le pays risque d’entrer dans une ère de surliquidité informelle !!!
Tunis, UNIVERSNEWS (MONDE) – À la fin juillet 2025, la masse fiduciaire a franchi la barre historique des 25,7 milliards de dinars, un bond de près de 14 % en un an. Derrière ce record se cache une double réalité : d’un côté, des facteurs saisonniers et culturels qui dopent l’usage du cash ; de l’autre, un basculement structurel provoqué par la nouvelle loi sur les chèques et par un assouplissement réglementaire qui a levé l’obligation de justifier la détention d’importantes sommes en espèces.
Résultat : le pays s’enfonce dans une « économie liquide » où la traçabilité recule, l’informel gagne du terrain, et la politique monétaire se retrouve face à un défi inédit, sur fond d’inflation persistante et de réserves de change sous tension.
En un an, ce sont plus de 3,1 milliards de dinars supplémentaires qui ont quitté les coffres bancaires pour se retrouver dans les portefeuilles, les tiroirs-caisses… et parfois sous les matelas. Une progression de +13,89 % qui interpelle autant qu’elle inquiète.
Une dynamique estivale… mais pas seulement
Depuis le 22 juillet, les records se succèdent presque chaque jour. Certes, l’été, les vacances et les fêtes religieuses (Aïd El-Kébir, Aïd Esseghir) expliquent une partie de cette flambée saisonnière. Mais l’impact de la nouvelle loi sur les chèques est encore plus spectaculaire :
- 62 % de chèques émis en nombre au premier trimestre 2025,
- –48,3 % en valeur,
- part du chèque dans les paiements tombée à 16,3 % en volume, contre 36 % fin 2024.
Cette contraction a mécaniquement poussé ménages et entreprises à se tourner vers le cash, plus souple… mais moins traçable.
Un changement réglementaire clé
Depuis octobre 2024, la détention de grosses sommes en liquide n’est plus soumise à l’obligation de justifier l’origine des fonds. Pour certains analystes, c’est un facteur majeur de « décomplexion » vis-à-vis du cash.
La tendance ne se résume pas à la question du chèque : elle est nourrie par une inflation persistante, des comportements d’épargne défensive et une méfiance structurelle envers le système bancaire, surtout en période d’incertitude économique.
L’ombre portée de l’inflation
Le taux d’inflation annuel reste installé au-dessus des 7 %, grignotant le pouvoir d’achat et incitant certains ménages à retirer leurs dépôts pour effectuer leurs achats avant de nouvelles hausses de prix.
Ce recours massif au liquide alimente, à son tour, une pression inflationniste indirecte : plus l’argent circule rapidement, plus il stimule la demande, ce qui peut contribuer à maintenir les prix élevés.
Réserves de change : un équilibre fragile
La BCT maintient ses réserves de change à un niveau relativement stable, autour de 23,8 milliards de dinars (environ 125 jours d’importations), mais cette stabilité masque une tension : l’économie reste très dépendante de la disponibilité de devises pour financer les importations, tandis que la masse fiduciaire croît à un rythme difficilement compatible avec une politique monétaire rigoureuse.
Les risques à moyen terme
Cette envolée de la monnaie en circulation pose au moins trois défis majeurs :
- Traçabilité – Plus de cash signifie plus de flux hors radar, et donc un terrain fertile pour l’économie informelle.
- Efficacité monétaire – Une masse fiduciaire trop importante complique la maîtrise de l’inflation par la BCT.
- Inclusion financière – Moins d’utilisation des moyens de paiement électroniques, donc un retard dans la modernisation des transactions.
Et maintenant ?
Si la Tunisie veut éviter que cette « culture du cash » ne s’installe durablement, plusieurs leviers sont envisageables :
- Renforcer la confiance dans le système bancaire par une politique de services plus inclusive,
- Améliorer la sécurité juridique et opérationnelle des paiements électroniques,
- Mener une pédagogie publique sur les coûts et les risques du tout-liquide,
- Introduire des incitations fiscales pour les transactions digitales.
En conclusion, franchir la barre des 25,7 milliards de dinars en circulation n’est pas un simple record statistique : c’est le symptôme d’une économie qui, face aux mutations réglementaires et aux tensions économiques, se replie sur des pratiques anciennes.
Le choix qui s’offre aux autorités est clair : soit cette tendance est contenue et réorientée vers une modernisation des paiements, soit le pays risque d’entrer dans une ère de surliquidité informelle… avec toutes les dérives que cela implique.