Les parties influentes à l’ARP ont tenté de renverser la légalité par un putsh médical et constitutionnel
J’ai mis en garde le chef du gouvernement que j’étais prêt à avoir recours à l’armée pour empêcher le scénario de la prise du pouvoir légal. Et Youssef Chahed m’avait donné raison et soutenu
Le chef du gouvernement a usé d’avions militaires, avec un coût de 90 mille dinars, pour des activités qui n’étaient pas de son ressort…
Les électeurs tunisiens attendaient avec beaucoup de curiosité le passage du candidat indépendant à l’élection présidentielle anticipée et ministre de la Défense en congé, Abdelkrim Zbidi, pour l’interview sur la chaîne d’Hannibal TV, dans la soirée d’hier mardi 3 septembre 2019.
On s’attendait, certes, à une évolution progressive de ce candidat que la plupart des observateurs trouvaient, plutôt, « crispé » et peu à l’aise face aux projecteurs des caméras et des journalistes. Ses partisans étaient curieux de voir sa prestation face à Sameh Meftah qui a joué, certes, son rôle, parfois en allant trop loin en coupant, à plusieurs reprises, la parole à son hôte et en lui faisant subir un véritable interrogatoire comme s’il se trouvait devant un juge d’instruction.
Poussant l’agressivité à la limite de la provocation tolérée, certains ont craint l’explosion et l’énervement du candidat, mais Abdelkrim Zbidi a réagi positivement en se libérant complètement tout en restant soi-même, à savoir franc, spontané et, enfin, bien à l’aise en répondant du tac au tac prenant, parfois, des risques en faisant des révélations fracassantes et insoupçonnées.
L’interview commençait, donc, dans le calme, avec des réponses classiques, surtout lorsqu’il s’agissait de ses projets, de son programme et de ses priorités dans le cas où il serait élu. Mais au fur et à mesure que la rencontre avançait et face aux questions piégées suivies par des commentaires tendancieux et d’avis personnels de la journaliste, M. Zbidi s’est subitement décidé à sortir le grand jeu, à savoir dire toute la vérité concernant tous les sujets évoqués.
Après certaines questions sur son passé lointain du temps où il était ministre sous l’ère de Ben Ali et desquelles il s’en est sorti en y répondant, à la fois, sincèrement et diplomatiquement, l’on passa aux choses sérieuses.
Cela a commencé par l’affaire de sa démission. En effet, malgré l’insistance du candidat sur le fait qu’il l’avait présentée au président de la République par intérim, la journaliste insistait, de son côté pour dire qu’il aurait dû la présente au chef du gouvernement.
Ensuite, se basant sur des ragots, elle le taxe d’être le candidat de la famille des Caïd Essebsi. Mais, sans démordre, M. Zbidi l’a formellement démentie en assurant qu’avant la maladie de feu BCE, il n’avait jamais rencontré les membres de cette famille.
Et en évoquant les soutiens des partis et des personnalités, le candidat a affirmé que tout soutien est le bienvenu. Mais la journaliste avait sa petite idée en faisant sortir du lot le soutien de Kamel Letaïef tout en lui demandant s’il ne le connaissait pas auparavant. Il lui avoir précisé qu’il l’a vu deux fois dans sa vie à savoir lors du décès de son fils et du décès de la mère de M. Letaïef.
Qu’à cela ne tienne. La journaliste voulait savoir si M. Zbidi acceptait de traiter avec Kamel Letaïef. Et là, le candidat a été sévère en assurant que M. Letaïef est un citoyen tunisien et une personnalité nationale qui a le droit de soutenir qui il veut et que personnellement, il apprécie ce soutien comme celui des autres personnalités nationales tunisiennes.
Deux autres passages ont retenu l’attention au vu de l’importance et de la gravité des révélations faites par Abdelkrim Zbidi. D’abord la maladie Béji Caïd Essebsi et ce qui s’est passé en ce fameux 27 juin que la journaliste s’entêtait à ce qu’il soit le 27 janvier.
Et là, le candidat a lancé la « bombe » en affirmant qu’il y avait bien eu tentative de putsch médical et constitutionnel contre la légalité. « Cela s’est passé dans l’enceinte de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) après avoir fait répandre la rumeur mensongère du décès du président de la République.
Et comme Mohamed Ennaceur était en convalescence dans une clinique, des manigances ont eu lieu pour prétendre une vacance du pouvoir avant de s’en emparer. « Mais, j’ai dû assumer mes responsabilités en plaçant les différents corps de l’armée en état d’alerte maximale pour intervenir et prendre possession des centres vitaux du pays, à commencer par le siège de l’ARP, à l’origine de ladite tentative de renverser la légalité », a détaillé M. Zbidi.
Et d’enchaîner qu’il avait mis en garde le chef du gouvernement contre de tels projets et qu’il était prêt à passer à l’acte si ce qui s’est la veille venait à se répéter. « Et pour rendre à César, M. Chahed m’avait donné entièrement raison tout en appuyant ma démarche, sachant qu’avec l’arrivée de M. Ennaceur au Bardo, tout le scénario est tombé à l’eau. Et en tant que premier responsable des forces armées et de par mon amour pour la patrie, je ne pouvais tolérer une pareille tentative contre le pouvoir légal », a-t-il martelé.
L’autre moment fort a été lorsque la journaliste a passé la vidéo de Salim Azzabi dans laquelle il s’interroge si Abdelkrim Zbidi est bien démissionnaire et l’accuse d’utiliser les moyens matériels et humains du département de la Défense.
Là aussi, le candidat interviewé a tenu à assurer que ce sont plutôt les membres du gouvernement candidats à la présidentielle et aux législatives qui usent des moyens du pouvoir tout en citant plus particulièrement et nommément Youssef Chahed. Curieusement, la journaliste a pris la défense du chef du gouvernement en affirmant que c’était son plein droit dans la mesure où cela entrait dans le cadre de ses activités ordinaires.
Répondant du tac au tac, Abdelkrim Zbidi a commencé par lui dire : « je sais que vous défendez le chef du gouvernement, mais lorsque Youssef Chahed use d’avions de l’armée avec des coûts respectifs de 40 mille dinars et 50 mille dinars pour présider un congrès sur la santé à Tabarka et inaugurer un projet d’énergie photovoltaïque inachevé à Tozeur et qui ne devait entrer en fonction qu’en 2020, cela soulève des doutes. Plus, je considère cela comme étant une campagne prématurée et déguisée dans le sens où dans aucun pays démocratique, le chef du gouvernement ne se déplace pour des manifestations lorsque cela peut être effectué par un ministre ou autre… ».
La journaliste, qui prétextait « défendre les absents », semble avoir oublié qu’il est du plein droit du candidat de se défendre puisqu’il était mis en cause et accusé gravement par le bras droit de Youssef Chahed à Tahya Tounès.
Et d’ajouter en citant les multiples nominations de gouverneurs, de délégués et autres postes dans l’administration, effectuées ces derniers temps, ce qui fait planer des douter sur leur opportunité
Dernier point sur lequel M. Zbidi a été clair et tranchant a été celui de l’amendement de la loi électorale. « Oui sur le fond des amendements, mais non au timing, car on ne modifie pas les règles du jeu au dernier moment surtout que les personnes ciblées montaient sensiblement dans les sondages. Cela s’appelle, alors, de l’exclusion. Et c’est ce que Béji Caïd Essebsi n’admettait pas tout en refusant de signer cette loi amendée. Et si j’étais à sa place, je ne l’aurais pas signée tout en la renvoyant à l’ARP. Mais BCE n’avait plus la force physique de mener un tel combat, d’où son contentement de refuser, purement et simplement, sa signature ».
En tout état de cause, et vu les premières réactions enregistrées sur la toile, Abdelkrim Zbidi semble avoir réuni les « suffrages » autour de sa prestation qualifiée de convaincante et digne d’un homme d’Etat tout en confirmant le côté sincère, honnête et patriotique de ce candidat.
D’ailleurs, les internautes ont été unanimes à dire qu’en voulant l’empêtrer et le coincer, la journaliste s’est trouvée, en fin de compte, à l’origine de la « libération » de M. Zbidi, sans trac et sans peur des projecteurs.
Et en osant parler en arabe et en français et en acceptant de jouer le jeu de la « provoc », Abdelkrim Zbidi a évité les hésitations tout en étant spontané et factuel. Et, probablement, sans le faire exprès, il a créé le buzz comme aucun autre candidat ne l’a fait jusqu’à présent.
Noureddine HLAOUI